Taillevent – Un jour, un déjeuner

Par Gourmets&co

… tel qu’en lui-même. Somptueux …

C’était un jour de fin d’hiver. Miraculeusement, le traditionnel gris parisien avait disparu pour laisser place à un ciel d’un bleu presque métallique. Le vent était froid, l’air vif, il était bon de marcher sur les grands trottoirs de l’avenue de Friedland, toujours paisibles par opposition aux vulgaires Champs Elysées. L’appétit vient en marchant et tourner dans la rue Lamennais demeure depuis des décennies une promesse de bonheur.

Depuis tôt ce matin-là, comme tous les matins sauf raisons exceptionnelles ou évènements imprévus, Alain Solivérès est en cuisine. Le chef du Taillevent depuis 2002 ne fréquente pas les plateaux télé, ne se donne pas en spectacle de bozo le clown de la gastronomie, et ne met pas sa vie privée sur Facebook selon les critères d’une modernité exhibitionniste. Il fait ses préparations avec son équipe et son chef pâtissier. Son parcours classique et de responsable de grandes maisons lui a donné le goût des belles et bonnes choses. Donc, ça travaille au Taillevent et ça se voit et se goûte dans l’assiette.

Paradoxalement, la cuisine expérimentale et nombriliste commençant à fatiguer sérieusement une grand partie des gourmets et gourmands, le style des nourritures claires et limpides, pleine de saveurs, reviennent au goût du jour. Nous sommes ici dans une maison qui dure, perdure, fidèle à un style, indifférente aux modes mais pas aux nouvelles techniques de cuissons et de présentation, ni à l’allègement indispensable par rapport à un temps qui confondait un peu le copieux et le lourd, le volume et le style. La « jeunesse » du Taillevent doit beaucoup à l’arrivée de Thierry et Laurent Gardinier, nouveaux propriétaires, qui ont su, à partir de leurs différentes expériences dans ce milieu, redonner une vie sinon un lustre à cette maison légendaire.

C’était un jour de fin mars. La nature n’est pas riche, le vert, fèves, petits pois, artichauts, asperges, se font attendre et le chef piaffe d’impatience en attendant ce renouveau des plats. Qu’importe, et tout à l’honneur du chef, les produits furent de saison.

Epeautre du pays de Sault en risotto à la truffe noire. Cette variété ancienne de blé dont on faisait des soupes en Provence, se prête bien à la technique du risotto, certes plus rustique que le riz rond italien, mais diablement goûteux. Bien crémé, du bon jus, quelques belles lamelles de truffes noires et le plat devient une merveille de goût mêlant allègrement le quotidien à l’exceptionnel.

Homard bleu au vin de Saint-Estèphe. Tout est dit… ou presque car tout est dans la subtilité de la sauce au vin qui vient caresser le homard à la cuisson parfaite, tendre et souple comme il se doit.

Tourte de canard « Tradition Taillevent ». Cet intitulé « Tradition Taillevent » fait rêver. Derrière ces deux mots, tout un monde, tout un style, une éternité de bon goût et de perfection du travail. Alain Solivérès sait être digne de cet héritage et ne se sent pas diminué de le respecter au contraire, surtout que la tradition est toujours une suite d’étapes successives où chacun apporte sa pierre à la construction. Une tourte d’anthologie bien sûr, une pâte feuilletée parfaite, craquante et douce, un canard puissant en goût, et une sauce foncée, presque noire, dense, bien réduite pour rassembler les saveurs, un plat beau, chaud, presque sensuel. Un seul mot : magnifique.

Dessert fraîcheur avec un Ananas Victoria, vanille de Tahiti et Parfait Malaga, un voyage dans les îles autour de jus savoureux et réconfortants.

Autour de la table, le ballet est parfaitement réglé mais si naturel. Service parfait, cave hors du commun avec des vins d’exception, décor chaleureux, immuable et sans une ride avec ces superbes boiseries, ses tables, sa vaisselle… éternité du beau. Taillevent tel qu’en lui-même. Somptueux.

Taillevent
15, rue Lamennais
75008 Paris
Tél : 01 44 95 15 01
M° Charles de Gaulle-Etoile
www.taillevent.com
Fermé samedi, dimanche et jours fériés
Menu déjeuner : 104 €
Menus : 218 € – 360
Carte : 200 € environ