Café-restaurant des Frères Provençaux, près du Palais-Royal. Paris. Bibliothèque nationale. Photo. N-D. Roger-Viollet
Le Café Riche, ainsi nommé parce que son fondateur mort en 1832 s’appelait Riche, devient une des tables les plus renommées de Paris ; vers 1860 on y voit Ferdinand de Lesseps, Jules Ferry, Gambetta, Léo Delibes, Aurélien Scholl, Gustave Doré.
Le Café Hardy, tout proche est dirigé par les frères Hamel : on y trouve le premier grill-room dont le grill est d’argent et sur lequel les clients voient cuire les rognons-brochettes et le boudin Richelieu. La maison est cédée en 1845 aux frères Verdier, Emile et Charles, qui font édifier sur son emplacement la Maison d’Or, devenue ensuite la Maison Dorée. Son chef Casimir Moisson lui confère une des plus grandes réputations et des plus justifiées. La cave est une des meilleures de Paris ainsi que sa succursale, 12 rue Lafitte.
Cambacérès aurait dit, et chacun le répète :
« Il faut être bien hardi pour aller chez Riche et bien riche pour aller chez Hardy ».
Le restaurant Véry, boulevard Magenta. Photo musée de la police.Paris.
Le dîner des Altesses
Le Café Anglais à l’angle de la rue de Grammont, au 15 boulevard des Italiens, est le rendez-vous des « lions » et des actrices en vogue ; son chef est l’illustre Dugléré. Le 7 juin 1867, il compose un succulent menu pour une table où se trouvent assis ensemble Guillaume Ier, Roi de Prusse, Bismark, Alexandre II, le Tsarevitch et le Prince royal qui venaient d’assister à une représentation de la « Grande Duchesse de Gérolstein » :
Potages
Impératrice et Fontanges
Soufflés à la Reine
Relevés
Filets de sole à la Vénitienne
Escalopes de turbot au gratin
Selle de mouton purée bretonne
Entrées
Poulet à la Portugaise
Pâté chaud de cailles
Homard à la Parisienne
Sorbets au vin
Rôtis
Canetons à la Rouennnaise
Ortolans sur canapé
Entremets
Aubergines à l’Espagnole
Asperges en branche
Cassolette princesse
Bombes glacées
Vins
Madère retour de l’Inde 1810
Xérès de 1821
Château Yquem 1847
Chambertin 1846
Château-Margaux 1847
Château-Latour 1847
Château Lafite 1848
Champagne Roederer frappé
On sait peu de choses de la biographie d’Adolphe Dugléré, sinon qu’il est né à Bordeaux et qu’il a été l’élève de Lechard. Il reste longtemps directeur des cuisines du Baron de Rothschild, puis passe au Café Anglais, tente de redonner son lustre ancien aux Frères Provençaux et reviens au Café Anglais dont il fait la célébrité. Il termine sa carrière au Café de la Paix. C’est un chef sévère qui exige des matières premières de qualité, professe le plus grand mépris « pour les ivrognes, nombreux dan la profession, pour le tabac et les culotteurs de pipes ». Il interdit à ses élèves de fumer, même en dehors du travail.
Son nom est lié aux Barbues et aux turbots « à la Dugléré » dont les éléments sont une fondue de tomate montée au beurre, au velouté ou à la crème. On lui doit la culotte de bœuf Salomon (en l’honneur du Baron de Rothschild) que l’on appelle aujourd’hui culotte de bœuf à la Flamande, les pommes de terre Anna Deslions, fameuse courtisane du Second Empire, la sauce Béarnaise à l’huile, sorte de mayonnaise chaude à l’estragon assez difficile à monter, les écrevisses au vin blanc à la bordelaise et bien d’autres plats.
Le premier Café Anglais avait été fondé sous Louis XV au quai Conti par le libraire Beschet ; c’était une sorte de cabinet de lecture où l’on compulsait la Gazette de Westminster, le London Evening Post, ou le Daily Advertiser. Mais celui qui nous occupe a été fondé par la famille Chevreuil en 1795 sur l’emplacement du commerce d’un marchand de vins fréquenté par les cochers de fiacres. Ce restaurant modeste devient luxueux au moment de l’invasion en 1815 car les officiers alliés le visitent. En 1840 M. Lether l’acquiert et le cède en 1848 à son gendre Delhomme qui tenait à Bordeaux un restaurant à trente-deux sous. Lors de la suppression des maisons de jeux en 1861, le Café Anglais s’agrandit des salons du « Grand Seize » tenu par M. Banazet. La maison est transformée en société anonyme en 1879 et M. Burdet en sera un des derniers gérants.
Les cuisines du Café Riche. Photo. Bibliothèque nationale. Paris
A suivre le mois prochain..
Source : La fabuleuse histoire de la cuisine française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant. Editions O.D.I.L.