20 mars 1995. Des disciples de la secte Aum lâchent du gaz sarin dans le métro de Tokyo.
Qu’est-ce qui fait qu’une telle folie survient dans le quotidien le plus banal ? Comment est-il possible d’être endoctriné au point de commettre un tel crime ? Regroupant les témoignages de blessés mais aussi de disciples de la secte, Haruki Murakami cherche à comprendre.
Victimes et coupables sont-il vraiment si différents que les seconds soient considérés comme le diable en personne ? Et si les fanatiques d’Aum n’étaient finalement que l’effrayant miroir de ce dont nous sommes tous capables ?
Avec ce livre dérangeant, Haruki Murakami développe les thèmes qui lui sont chers – l’étrangeté au monde, le culte du leader, le mal venu des profondeurs -, et livre une des pièces maîtresses de sa réflexion sur l’être humain.
Ce n’est pas un roman qu’a écrit Murakami mais un documentaire, un essai sur la tragique attaque de gaz qui s’est déroulé dans le métro japonais en 1995. Paru en anglais en 1997, ce livre n’a été édité en France que l’an dernier.
Vu de l’hexagone, ce drame n’a pas eu énormément de retentissement mais pour l’auteur japonais qu’est Murakami cela a été un évènement majeur. Il revenait tout juste sur l’archipel à ce moment là, après avoir vécu plusieurs années à l’étranger et quel choc cela été pour lui de redécouvrir son pays natal dans de tel circonstance. Cela l’a tellement choqué qu’il a décidé de rester et d’aller à la rencontre des victimes. Ainsi est né Underground.
La première partie du livre retrace un peu les circonstances de l’attaque et celles dans lesquelles il a écrit cette succession de témoignage. L’auteur explique comment il a procédé avec les victimes, combien cela a parfois été difficile de les retrouver et surtout de les interroger. Nombre d’entre elles ont d’ailleurs refusé.
Puis vient la très longue partie des interviews. Cela semble un peu redondant au lecteur puisque c’est la même histoire, racontée par un témoin différent. Il est frappant de voir à quel point les récits se recoupent, se ressemblent et cela peut parfois sembler un peu long. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé le témoignage de la victime irlandaise. L’on se rend compte alors de l’immense pudeur nippone, même lorsqu’il s’agit de décrire un évènement qui les a touché de plein fouet. La différence entre le récit de l’irlandais et ceux de toutes les victimes originaires du Japon est frappante. Celui de l’autrichien est bien plus émouvant, prend aux tripes tandis que les témoignages des japonais sont toujours dans la retenue. Ils énoncent les faits sans jamais trop n dire sur ce qu’ils ont ressenti émotionnellement parlant.
Tout dans ce livre permet de comprendre la mentalité japonaise. Leur attachement au travail, (beaucoup de victimes ont repris le travail très vite alors qu’ils souffraient encore de graves séquelles), leur droiture, leur solitude…
Cette succession de témoignages peut sembler un peu longue et j’ai eu plusieurs fois envie de décrocher mais l’auteur explique bien sa démarche : «Chaque personne dans le métro, ce matin-là, avait un visage, une vie, une famille, des espoirs et des craintes, des contradictions et des dilemmes et tous ces facteurs avaient leur place dans le drame»
Le livre tant aussi à montrer combien le Japon a tout à apprendre dans la gestion de crise.
Ce que j’ai trouvé intéressant c’est que je n’avais jamais entendu parlé de cette attaque, ni de la secte Aum et encore moins du gaz sarin. Les témoignages sont terrible et j’imagine combien ces gens ont du souffrir.
J’ai apprécié que la dernière partie du livre soit consacrée aux membres de la secte. Il était important pour moi d’avoir les deux versions de l’histoire. Les témoignages des membres (ou ex membres) sont très interessants.
C’est un travail très minutieux et documenté que produit là Murakami, mais il faut s’accrocher pour en venir à bout !