Autre nom de l'Invisible, l'Astral convoque les motifs du céleste, du subtil et des outre-mondes, écrit Pascal Pique, le commissaire de cette exposition très belle et très troublante.
Dans le hall Basano, David Altmejd présente la Galerie du masque, une sculpture monumentale et macabre de six figures ailées en plâtre qui forment une ronde.
Ceux qui ne connaissent pas encore l'Espace culturel (dont je rappelle que l'accès est gratuit et que l'accueil y est toujours extrêmement chaleureux) découvriront l'endroit en y accédant par une première oeuvre d'art, l'ascenseur imaginé par Olafur Eliasson, et conçu par Jean-Philippe Thomé, entièrement capitonné de molleton noir.
Quel éblouissement que ces Arches de Solaris à l'ouverture de la porte de l'ascenseur ! Børre Saethre est un artiste norvégien qui construit des environnements pouvant être décrits comme des décors de cinéma. Ici, en répondant à la commande qui lui a été faite, il a voulu suggérer le tunnel de lumière que décrivent ceux qui ont fait l'expérience de la mort imminente, voyage astral par excellence ...
Dans la pièce suivante, le Cerf-transfigué de Jean-Luc Favero impressionne par son volume. L'artiste a trouvé le crâne de l'animal à moitié immergé dans l'eau. Il a voulu, selon ses propres termes, l'augmenter d'autres ossements, des crânes de coyotte et de corbeau et d'une plume pour le renforcer face à un drame comme celui de Fukushima. Sa silhouette contient un esprit et une âme. Elle est modelée dans une dentelle de grillage qui autorise une perception du dedans comme du dehors, rendant l'invisible quasi palpable.
Pour réaliser le Dôme des vanités, Charley Case s'est inspiré des huttes de sudation amérindienne où la chaleur provoque une transe qui permet de communiquer avec les esprits. Le travail du sculpteur canadien s'inscrit dans la tradition du memento mori rappelant que nos vies sont éphémères et que nos morts sont les fondateurs de cette même vie. C'est pourquoi le visiteur ne peut pas faire autrement que de traverser le dôme de plexiglass, pour poursuivre la visite.
L'univers de Vidya Gastaldon tranche avec les précédents. Elle explique que ses oeuvres lui apparaissent alors qu'elle ne s'y attend pas. Elle les réalise à la manière des surréalistes en jouant avec les matériaux et les évocations qui souvent font penser au mouvement hippie.
La sculpture Dans l'espoir de l'envol lui est en quelque sorte apparue alors qu'elle jardinait. le berceau représente une sorte d ebouche où les oeufs sont des dents, une bouche trop étriquée pour laisser venir le troisième oeil qui se trouve au-dessus.
Elle montre aussi ici des tableaux de la série des Healing Paintings, autrement dit Peintures de guérison qu'elle exécute avec un certain sens de la dérision. Elle récupère des cadres abandonnés qu'elle re-peint en suivant ses vibrations. L'idée est que la peinture se réincarne et s'émancipe.
Basserode reprend exactement certaines constellations pour cartographier une Via Lactea qui correspond aux chants fossiles qui sont des infra-sons que l'on trouve dans l'espace intersidéral.
Certains astrophysiciens y ont trouvé une gamme proche du chant des baleines qui, parait-il, est perceptible depuis le dessus de la stratosphère. Le squelette présenté au-dessus est comme noyé dans une fumée blanche de nuages cosmiques.
L'invitation à entrer dans l'invisible est très belle, quasi magique.
Mais il est possible que le visiteur n'ait pas cette émotion en journée, quand les diffuseurs de vapeur sèche ne sont pas actionnés.
Myriam Mechita propose un univers en noir et or se rattachant au sacré et au sacrifice. Ce peut être un petit oiseau en plomb posé sur une pyrite pour symboliser la fragilité. Les animaux sont souvent décapités, greffés de perles comme le mouton qui est aux prises avec les Tremblements de l'enfer (dans la vitrine de la rue de Bassano).
Rina Banerjee est née à Calcutta et démontre un amour incroyable des matières. Son univers, foisonnant et disparate ne laisse pas indifférent. On voit le vol d'Hanuman, Dieu hindou à tête de singe représente l'ascension de l'évolution 2012.
Je l'ai vue en avant-première et j'ai été frappée par les points communs entre les deux scénographies.
J'ai également été séduite par l'immersion du visiteur dans le monde poétique et mystérieux de la nuit, incluant ses monstres plus ou moins inoffensifs. Un article spécifique lui a été consacré sur le blog le 8 février.
Astralis jusqu'au 11 mai 2014
Espace culturel Louis Vuitton, 60 rue de Bassano, 75008 Paris, 01 53 57 52 03
du lundi au samedi de 12 à 19 heures, dimanche et jours fériés de 11 à 19 heures, entrée libre
Nuit, jusqu'au lundi 3 novembre 2014
Museum d'Histoire Naturelle, 57 rue Cuvier, 75005 Paris tel 01 40 79 30 00
Ouverte tous les jours de 10 h à 18 h, sauf le mardi et le 1er mai.
Billet couplé avec la Grande Galerie de l'Exposition, gratuit pour les moins de 4 ans