Pierre Rabhi (1938-)
Agriculteur, écrivain et penseur français d'origine algérienne, Pierre Rabhi est un des pionniers de l'agriculture biologique et l’inventeur du concept "Oasis en tous lieux". Il défend un mode de société plus respectueux des hommes et de la terre et soutient le développement de pratiques agricoles accessibles à tous et notamment aux plus démunis, tout en préservant les patrimoines nourriciers.Depuis 1981, il transmet son savoir-faire dans les pays arides d'Afrique, en France et en Europe, cherchant à redonner leur autonomie alimentaire aux populations. Il est aujourd'hui reconnu expert international pour la sécurité alimentaire et a participé à l’élaboration de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification. Il est l’initiateur du Mouvement pour la Terre et l’Humanisme.
Auteur, philosophe et conférencier, il appelle à l'"insurrection des consciences" pour fédérer ce que l'humanité a de meilleur et cesser de faire de notre planète-paradis un enfer de souffrances et de destructions. Devant l'échec de la condition générale de l'humanité et les dommages considérables infligés à la Nature, il nous invite à sortir du mythe de la croissance indéfinie, à réaliser l'importance vitale de notre terre nourricière et à inaugurer une nouvelle éthique de vie vers une "sobriété heureuse".
Dates-clés
1938 : Fils d’un forgeron du sud algérien, Pierre est confié à l’âge de 5 ans, après le décès de sa mère, à un couple d’Européens. Il reçoit une éducation française tout en conservant l’héritage de sa culture d’origine.
1960 : La guerre d’Algérie accentue le clivage. Il est alors ouvrier dans une entreprise parisienne et met en cause les valeurs de compétition de la modernité. Avec sa femme Michèle, une parisienne, il quitte la capitale pour s’installer en Ardèche. Ouvrier agricole, il récuse déjà fortement la logique productiviste appliquée à l’agriculture dont les conséquences dévastatrices révèlent aujourd’hui leur ampleur.
1972 : Après avoir fait la découverte de l’agriculture biologique et écologique, il applique avec succès ces méthodes sur sa petite ferme, dans l’agriculture et l’élevage, sur cette terre aride et rocailleuse où grandiront leurs cinq enfants.
1978 : Pierre Rabhi est chargé de formation à l'agro-écologie par le CEFRA (Centre d'études et de formation rurales appliquées)
A partir de 1981 Pierre Rabhi commence à transmettre son expérience agroécologique et met au point divers programmes de formation en France, en Europe et en Afrique. Sur l’invitation du Burkina Faso, Pierre Rabhi organise le premier programme d’agroécologie qu’il propose comme alternative aux paysans confrontés au marasme écologique (sécheresses) et économique (cherté des engrais et pesticides). Il fonde en collaboration avec l’association du Point Mulhouse le premier Centre africain de Formation à l’Agroécologie.
1985 : Création du centre de formation à l'agro-écologie de Gorom Gorom, avec l'appui de l'association "Le Point-Mulhouse".
1988 : Pierre Rabhi est reconnu comme expert international pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la désertification, comprise comme tout processus qui porte atteinte à l’intégrité et à la vitalité de la biosphère, et ses conséquences humaines. Il participe à des programmes d’échelle mondiale y compris sous l’égide des Nations-Unies.
1989 : Fondation du Carrefour International d’Echanges et de Pratiques Appliquées au Développement (CIEPAD) avec l'appui du Conseil général de l'Hérault : mise en place d'un " module optimisé d'installation agricole ", de programmes de sensibilisation et de formation, lancement de nombreuses actions de développement à l'étranger (Maroc, Palestine, Algérie, Tunisie, Sénégal, Togo, Bénin, Mauritanie, Pologne, Ukraine...)
1992 : Lancement du programme de réhabilitation de l'oasis de Chenini-Gabès en Tunisie.
1997-98 : Pierre intervient à la demande de l'ONU dans le cadre de l'élaboration de la Convention de lutte contre la désertification (CCD) et est appelé à formuler des propositions concrètes pour son application.
1999-2000 : Création de l'association Terre & Humanisme pour la transmission de l'éthique et de la pratique agroécologique. Installation au Mas de Beaulieu en Ardèche comme base logistique des activités et lieu de démonstration, d'expérimentation et de formation. Lancement de nouvelles actions de développement au Niger (région d'Agadez), au Mali (région de Gao) et au Maroc (Kermet BenSalem, Dar Bouaza, Taroudant).
2002 : Encouragé par de nombreux amis, Pierre se lance dans une campagne éléctorale "non conventionnelle" en proposant de replacer l'Homme et la Nature au cœur de la logique. Sa campagne a en très peu de temps suscité une mobilisation exceptionnelle, récolté la signature de nombreux élus et donné naissance à plus de 80 comités départementaux de soutien: les colibris.
2004: Naissance du projet de création d'un centre agroécologique à la Roche / Grâne dans la Drôme, lieu d'accueil, d'hébergement et de pédagogie voué à l'écologie et porteur des valeurs de Terre et Humanisme de sa conception à sa gestion.
2006: Lancement du Mouvement pour la Terre et l'Humanisme
Biodynamie et agroécologie
En désaccord avec l'enseignement classique de l'agriculture, qui promeut l'utilisation d'engrais et de pesticides chimiques, Pierre Rabhi découvre en 1963 la biodynamie. Les bases de cette démarche ont été posées par Rudolf Steiner – par ailleurs fondateur du mouvement anthroposophe – dont la doctrine est à l'origine des produits cosmétiques Weleda et de la pédagogie Waldorf-Steiner. La méthode biodynamique est proche de que l'on appelle aujourd'hui agriculture biologique. Elle associe l'usage de préparations exclusivement organiques (et non chimiques) et une attention portée aux rythmes de la nature.
Pierre Rabhi a par la suite développé l'agroécologie, une approche globale ayant pour objet « la relation harmonieuse entre l'humain et la nature », qui concerne toutes les sphères de l'organisation sociale : de l'agriculture (avec une attention particulière pour le respect de la biodiversité, la fertilisation organique des sols, la lutte contre l'érosion et l'optimisation de l'usage de la ressource en eau) à l'éducation, en passant par la santé, l'économie, l'aménagement du territoire... L'agroécologie défend la place des paysans, le lien social, la salubrité alimentaire, la production et la consommation locales, en vue de rendre les populations autonomes sur leurs territoires.
Agro-écologie en Tunisie
A voir sur Internet
www.terre-humanisme.org
Créée en 1994 sous le nom des “Amis de Pierre Rabhi”, rebaptisée en 1999, l'association Terre et Humanisme œuvre pour la transmission de l'agroécologie.
www.colibris-lemouvement.org
Initié en juin 2006 par Pierre Rabhi pour impulser un mouvement international autour des valeurs et alternatives décrites dans la Charte pour la terre et l'humanisme : sortir du mythe de la croissance indéfinie, vivre dans la sobriété heureuse, replacer l'humain et la nature au cœur de nos préoccupations, mettre le féminin au cœur du changement, produire et consommer localement, etc.
« Le modèle actuel n'est pas rafistolable. Un changement de modèle repose sur des structures et du concret. Il y a des personnes qui agissent et incarnent. Pour d'autres, ces actions sont un ensemencement. C'est pour cela que nous parlons plutôt de prototype ».
Prototype fondé sur le retour à la terre et la reconstitution du lien social. Maisons en terre et en bois, énergie solaire et éolienne, nourriture bio... tout ou presque est produit sur place. Prototypes qui se font de plus en plus nombreux. Le Hameau des buis, crée par l'une des deux filles, Sophie ; la ferme “les Amanins” ; le Mas de Beaulieu enfin, centre névralgique de l'association Terre et humanisme en Ardèche. « Ces lieux de démonstration sont destinés à prouver que c'est possible. » Ils sont rassemblés depuis 2006 au sein de l'association Colibris-Mouvement pour la Terre et l'humanisme. De nombreux projets à l'étranger profitent également de ce savoir-faire, pour la culture de terres arides (Burkina Faso, Tunisie, Niger...) et en Europe de l'Est, où Pierre Rabhi tient à soutenir les derniers petits producteurs d'Europe menacés par l'arrivée des vastes monocultures qui dominent déjà à l'Ouest.
Et enfin, il y a les conférences. Parler encore et encore d'agro écologie ne l'ennuie pas. «Le sujet est vaste, il y a beaucoup à dire.» Notamment que nous vivons aujourd'hui dans une surabondance malheureuse, fondée sur un système artificiel et fragile : la production locale est très affaiblie et nous dépendons de grandes entreprises dont les pratiques ont un coût écologique et humain. Dire aussi que consommer ne peut pas être un devoir civique. « On pousse tellement à consommer qu'il y a une obésité non seulement physique mais psychologique, de désirs toujours inassouvis. » Au fil des ans, son appel à vivre dans un état de « sobriété heureuse » touche de plus en plus de personnes. A tel point que sa pré-campagne présidentielle en 2002 remporte un succès inespéré.
Pour « transmettre le message d'urgence écologique et humaine et être force de propositions d'alternatives pour l'avenir », il récolte en deux mois 184 signatures d'élus en faveur de sa candidature. Il en fallait 500. Se représenter ne l'a pas tenté. Pour lui, toute initiative de la société civile est politique. Et surtout, il se trouve impliqué auprès de gens qui ont faim. Transmettre un savoir-faire précieux, pour non seulement survivre, mais vivre dignement par soi-même, «c'est ça l'urgence».