Il est parfois de moments miraculeux, quand, après avoir arpenté une ville pendant cinq ans, on trouve un lieu d'expositions extraordinaire et discret qui surprend et émerveille. Villa Empain est un de ces endroits bruxellois,bien à l'écart des lieux touristiques. Construite avec élégance et rigueur dans les années 30, toute de matériaux précieux, cette villa un bijou dans le pur style Arts Déco. Elle doit beaucoup à l'admirable et complète rénovation de la Fondation Boghossian, achevée en 2008. Cela a rendu la superbe à un endroit en ruine, à l'abandon après le départ de la RTL dans les années 1990.
L'entrée est spectaculaire. On entre dans une salle en colonnades de marbre, de portes en palissandre, baignée de lumière provenant d'une verrière au plafond et d'appliques en verre de Murano. Mais non, en fait on entre dans l'univers du Great Gatsby. Le regard est tout de suite captivé par la perspective ouverte par l'immense baie vitrée qui donne sur une piscine arrondie. The party peut commencer. Il se trouve qu'une équipe s'affaire déjà pour dresser discrètement des tables pour une réception mystérieuse.
Mais nous sommes venus pour l'exposition " Entre deux chaises, un livre", de l'art contemporain qui marie objets et imaginaire. Des chaises et des livres, détournés, déconstruits, repensés, reconstruits. Il est fascinant de voir, comment à travers l'espace et le temps, les travaux à partir d'un objet courant comme la chaise aboutissent à un regard surréaliste, poétique ou destructeur. Et s'il est curieux de voir les chaises découpées comme métaphore de notre société ou d'une histoire personnelle, cela se complique avec les livres.
Georgia Russell, Manifeste du Surréalisme, 2009, papier découpé, verre, bois Galila’s Collection. © de l’artiste / photo : Nicolas Suk
Car le livre est un objet, en papier et en cuir, comme le rappelle la présentation de l'exposition et comme en témoignent de magnifiques oeuvres reliées du XV-XVIs au rez-de-chaussée... Mais le livre est aussi autre chose,un porteur d'idées et d'esprit. Certains des artistes tissent avec bonheur une correspondance avec le titre ou le contenu du livre, tout en le découpant en délicat serpentin ou en le marquant, comme ce LOVE gravé sur chacun des livres saints. Ces oeuvres continuent de faire vivre le livre, il respire dans une autre dimension. Mais parfois, d'autres artistes, semblent blesser ou détruire presque gratuitement, tel le mauvais élève qui, au fond de la classe, gribouille et déchire son manuel au lieu d'y puiser des connaissances. Contrastes qui interpellent. Mais aussi des correspondances des recherches artistiques qui lient avec un lien invisible des artistes de continents et d'époques différentes.
Curieuse sensation enfin, de réaliser que la plupart des artistes sélectionnés sont de ma génération, dans leur trentaine. Un choix qui confère à l'exposition une cohésion forte et une vitalité particulière. A voir.
Avenue Franklin Roosevelt 67
B - 1050 Bruxelles