Pour les 3 premiers jours, j'avais fait un compte-rendu global pour la journée, mais ces quelques heures à Haut-Bailly méritaient un traitement à part, car nous avons vraiment vécu un moment d'exception. Nous avons quitté le Médoc le matin-même pour rejoindre l'appellation Pessac-Léognan. Nous y retrouvons des graves pyrénéennes, avec des terres plus sableuses, et un sous-sol constitué de coquillages cimentés par une matrice argilo-sableuses. Ce falun est utilisé dans les constructions locales, donnant un cachet inimitable.
Le vignoble de 30 hectares est planté à la médocaine à 10.000 pieds/ha. Alors que beaucoup de domaines ont souvent autant de Merlot de que Cabernet Sauvignon, ce dernier est ici présent à 64 %, complété par 30 % de Merlot et 6 % de Cabernet-Franc. Cela explique certainement en partie la finesse et la race des vins de Haut-Bailly.
L'autre secret du domaine, c'est cette parcelle de vignes centenaires complantée de nombreux cépages (les "habituels", mais aussi du Petit Verdot, du Carmenère et du Malbec) dont les raisins entrent toujours dans le grand vin et lui apportent une signature spécifique. Vous remarquerez au passage que les sols sont travaillés mécaniquement.
Le cuvier béton est un un "vrai-faux" classique : récemment rénové, il a l'aspect de l'originel, mais avec des cuves de plus petite taille permettant de faire des vinifications parcellaires. Tout est bien sûr thermorégulé.
J'ai trouvé la scène assez cocasse. Alors que depuis deux jours, nous n'entendions que des mérites du soutirage à l'esquive, nous tombons sur un maître de chai qui nous raconte son bonheur d'avoir abandonné cette méthode ancestrale au profit d'une pompe télécommandée. Il va plus vite et peut travailler sans dépendre de quiconque. Il faut souligner que les pompes actuelles (péristaltiques) sont sacrément plus douces qu'auparavant.
Sinon, le chai est tout ce qu'il y a de simple et classique, ce qui n'empêche pas de produire un vin de haut-niveau, et rend un peu dérisoire les débauches luxueuses de certains (il faut bien justifier les prix devenus complétement surréalistes).
En guise de pré-apéro, nous dégustons les deux vins du domaine dans le millésime 2008.
Parde de Haut-Bailly : nez fin, frais, fruité et légèrement résineux. Bouche ample, élégante, avec une chair douce, et des arômes légèrement évolués. Finale très savoureuse. Miam !
Haut-Bailly : nez raffiné, légèrement fumé. Bouche plus ample, plus intense, avec un toucher de bouche superbe, et une grande inensité aromatique. Finale classe et gourmande à la fois. Vraiment le genre de vin qui me parle et rendrait même amoureux un bordophobe. 2008 est assurément un millésime qui offre déjà beaucoup de plaisir.
Nous allons ensuite sur la terrasse pour prendre le vrai apéro, accompagné d'une Extra Cuvée de réserve de Pol Roger ... qui est vraiment extra, comme son nom l'indique : notes de noisettes grillées, de brioche sortant du four, de pomme rôtie au beurre, avec une bouche à la fois nerveuse et vineuse, des bulles fines, une finale nette et rafraîchissante. Si j'en trouve, j'en achèterai, car cela se trouve à moins de 30 €. À ce moment précis du récit, je tiens à souligner que ce n'est pas parce que nous avons des têtes sympas que nous sommes invités, mais parce que nous avons payé pour cette prestation. En effet, le domaine fait "tables d'hôtes".
Feuilleté au caviar
Brick à l'asperge
Éclairs au foie gras et à la truffe
Thon cru fumé à l'instant
Sucettes au parmesan et à la noisette
La salle à manger
Ma place :-)
Le menu
Pour les bigleux ;-)
Nous commençons le repas avec des ravioles de champignons et beurre de truffe...
...servies avec un Haut-Bailly 2006. L'accord est absolument parfait avec le vin aux arômes de cèdre, de fumée et de truffe, et surtout à la texture douce, raffinée, en harmonie totale avec celle des ravioles. Pour éviter de tomber dans la mollesse, la brunoise de champignon est à peine cuite, apportant du "croquant". La finale intense du vin se mariant à la truffe, c'est juste GRAND.
Nous poursuivons avec un carré de veau et jeunes légumes de printemps, avec un Haut-Bailly 2004. Comme vous pouvez le voir, la cuisson de la viande est juste parfaite, et les légumes sont vraiment excellents (particulièrement les fèves). Le 2004 est plus corsé que son grand frère et aurait pu dominer la viande. C'était sans compter sur le jus servi en saucière, d'une rare intensité, qui a rétabli l'équilibre avec brio. Du coup, l'accord s'est révélé superbe, et nous nous sommes vraiment régalés.
Avec les fromages, joliment présentés, nous buvons successivement le 2002 et le 1990.
2002 : nez élégant, sur des notes de havane, de moka et de graphite. Bouche plus dense et austère que les vins précédents, qui se marie plutôt bien avec les fromages ( le Saint-Nectaire en particulier).
1990 (apporté par mes amis belges) : nez foisonnant et subtil, d'une grande complexité aromatique. On ne sait plus où donner du nez... La bouche est ample, aérienne, tout en étant intense et énergique, d'une droiture sensuelle et impitoyable. La finale sur des notes fumées et florales touche au sublime. Grand vin !
Les héroïnes du jour
Des madeleines encore toutes chaudes, moelleuses et croustillantes.
Et un dessert léger et gourmand, parfait pour ne pas s'endormir à la prochaine visite.
Thé ou café ?
Même les chocolats sont signés Haut-Bailly...
Nous avons vraiment passé un moment rare, où vins et mets se mariaient superbement, dans un cadre digne d'un salon privé d'un grand restaurant, tout en conservant une ambiance chaleureuse et bon enfant. Ce n'est pas particulièrement donné (compter 150 € par personne), mais cela me semble totalement justifié. J'en connais certains qui rêvent déjà d'y retourner...
HEU-REUX !
À suivre : Yquem