Il y a en France comme une obsession : celle de vouloir se doter à tout prix d’un « chef » d’un « leader », d’un « capitaine », comme si les Français n’avaient jamais réussi à faire leur deuil de leur Roi exécuté en 1793, comme s’ils se pensaient incapables de quoi que ce soit une fois livrés à eux-mêmes… Dans toutes les périodes de doute, comme pour mieux éviter d’avoir à se poser les bonnes questions, les Français réclament un roi, comme les grenouilles de la fable de La Fontaine (on ne dira jamais assez à quel point celui qu’on a essayé de nous faire passer pour un moraliste chiant était en fait un jeteur de pavé dans la mare professionnel) ; face à leurs problèmes, quels qu’ils soient, ils font preuve d’une paresse intellectuelle quasi-congénitale, ils ont tellement peur de devoir se mouiller qu’ils préfèrent attendre que vienne « l’homme providentiel » qui mettra un point final à toutes les questions. J’exagère ? À peine : il ne se passe pas une journée sans que j’entende un malsain venir pigner contre le manque de « leadership » et se plaindre d’être sur un « bateau ivre », que le bateau en question soit l’État, une entreprise, une commune voire un journal d’humour (si, si !), autant de récriminations de serfs volontaires qui font mal à mon cœur d’anarchiste…
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PS : Pute et Soumise ? Pas forcément !
Je vous dis ça parce qu’on parle beaucoup de la « fronde » des parlementaire socialistes dernièrement et il serait tentant d’accuser le manque de charisme et d’autorité de François Hollande d’être à la source de ce mouvement de protestation ; c’est vrai que ça tranche par rapport à la majorité précédente dont l’activité se résumait le plus souvent à celui d’une chambre d’enregistrement des décisions de son seigneur et maître Nicoléon 1er… Mais ce serait trop simple : ce n’est pas qu’une question d’autorité de l’exécutif. Les élus socialistes qui se préoccupent plus d’être élus que d’être socialistes, ça existe, mais il ne faut pas mettre tous les députés dans le même panier ; le principe de séparation des pouvoirs (le législatif est théoriquement indépendant de l’exécutif), qui est un des piliers de la République, est en train de se rappeler brutalement à François Hollande et Manuel Valls qui font face à des élus de LEUR majorité qui disent explicitement que le plan d’économies proposé par le premier ministre est contraire à leurs valeurs, et de fait, même les journalistes qu’on ne peut soupçonner de sympathie excessive pour les idées de gauche reconnaissent que ce plan pénalise lourdement les familles et profite surtout aux entreprises : en somme, un énième plan d’austérité accompagné d’une obligation faite au peuple de rembourser une dette qu’il n’ont jamais contractée, le tout, cependant et qui plus est, à un niveau d’intensité encore jamais atteint… Les gens de gauche, au PS, ça existe, et ils ont en moment le courage de dire qu’ils n’ont pas été élus pour valider une telle politique, ce qui est tout à leur honneur. À la limite, le manque d’autorité du président est moins la cause de cette « fronde » que son occasion : je veux dire que les élus protestataires l’ont saisi comme une opportunité pour montrer leur mécontentement, ils savent que Hollande est plus facile à faire plier que Mitterrand et en profitent pour lui rappeler au nom de quelles valeurs ils l’ont soutenu jusqu’à présent ; nous ferions bien d’en prendre de la graine au lieu de réclamer à corps et à cri un « homme à poigne »…
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Never trust a guy who earns more than 25.000 euros a month !
Les journaleux susnommés disent que le plan Valls est un mal nécessaire pour rétablir l’équilibre budgétaire du pays… Je vois que cent ans après le début de la première boucherie mondiale, le sacrifice de la population, à commencer par la jeunesse, sur l’autel de la gloire d’une « patrie » aussi virtuelle que le bon Dieu ou le Père Fouettard, garde ses adeptes, surtout parmi les éditorialistes qui n’ont rien d’autre à faire de leur vie qu’écrire ce qu’il faut penser, dans leur bureaux climatisés aux lambris dorés… En règle générale, ne croyez jamais quelqu’un qui gagne plus de 25.000 euros par mois, il ne fait que prêcher pour protéger sa caste. Non, non, je ne suis pas parano : ça fait des années qu’on accumule les plans d’austérité, qu’on impose des sacrifices de plus en plus démentiels aux peuples sans qu’on observe la moindre amélioration durable concernant les déficits publics… Le problème ne vient pas de la gourmandise du peuple qui ne demande qu’à vivre décemment et qui, contrairement à ce qu’on dit, est productif (je vous rappelle qu’en temps de travail réel, un français travaille plus qu’un allemand !) : si la dette n’arrête pas de gonfler, c’est parce que les États européens, au lieu de continuer à emprunter aux banques centrales, qui peuvent prêter sans intérêt, se sont mis à emprunter à des marchés financiers fluctuants dont les intérêts, eux, ne font que grimper ! S’obstiner à faire des économies sur les services publics ne servira à rien si ce n’est à maintenir le budget du pas à l’état de tonneau des Danaïdes ; il n’y aura même pas d’impact positif sur l’économie, bien au contraire, puisque forcer les Français à se serrer la ceinture, c’est mettre à mal la consommation et qu’économiser sur la santé public, c’est condamner la santé des travailleurs et donc faire baisser leur productivité. Il faut être Pierre Gattaz pour s’imaginer sérieusement que des employés en mauvaise santé qu’on tue à la tâche peuvent être compétitifs ! Vous remarquerez que je n’emploie pas des mots de gauchiste illuminé mais des mots que les faiseurs de fric et les technocrates sont capables de comprendre et, de fait, pas besoin d’avoir une chaire d’économie pour admettre qu’il est du bon sens élémentaire que les politiques d’austérité ne font que mener encore plus un pays droit dans le mur ; beaucoup d’économistes sérieux et diplômés partagent ce point de vue et ces économistes-là, vous les reconnaîtrez aisément : ce sont ceux qui n’écrivent pas dans la presse financée par le grand capital…
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Ne jetons pas l’Europe, changeons-la.
Conclusion : même si le président de la république avait plus d’autorité, les raisons de la colère des députes socialistes n’en seraient pas moins légitimes, ne serait-ce que parce que le plan Valls ne solutionnera rien du tout. On ne résoudra pas le problème de la dette avec des recettes qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité, en tout cas pas sans sortir de la logique de cercle vicieux dans laquelle les marchés financiers ont entraîné les États. À la décharge du gouvernement, il faut reconnaître qu’une telle démarche ne peut être engagée unilatéralement par un pays et demande une volonté commune, à l’échelle de l’Europe, de tourner la page des erreurs du passé. Le moins qu’on puisse dire et qu’on n’en prend pas le chemin, mais ce n’est pas en réclamant un « homme à poigne » qu’on y arrivera ! Commençons déjà par ne pas manquer le rendez-vous des élections européennes (j’ai conscience de formuler un vœu pieux dans ce pays où un citoyens sur deux ne sait même pas que les députés européens sont élus au suffrage universel)…