Il est sorti de sa voiture officielle. Il décida de parcourir à pied la centaine de mètres qui le séparait du lieu de son discours. Il fut surpris de ne croiser pas grand monde. Le dispositif de sécurité environnante n'a désormais plus grand chose à envier à celui jadis déployé pour protéger l'ancien monarque.
Mais Hollande ne défile pas devant des figurants. Il y a des vrais gens dans les rues. Et certains sifflent. Ce n'étaient pas des braillards de la Manif pour tous, mais simplement des électeurs de 2012.
Les sifflets
"M. le président vous ne tenez pas vos promesses! Pensez à nous, Jaurès ne parlait pas comme vous!"Ce cri d'une femme aux lunettes noires, mercredi 23 avril à Carmaux devant François Hollande qui venait rendre hommage à Jean Jaurès, tué il y a un siècle, a résonné fort. Hollande a été accueilli par des sifflets. Cette interpellation n'est ni la première ni la dernière. Hollande réagit toujours mieux que son prédécesseur agité de l'épaule. Mais on se demande si l'homme joue la montre ou réalise enfin qu'il s'est coupé d'une fraction sans cesse plus large de son électorat.
Cette semaine, Hollande avait encore les yeux rivés sur un curseur, les déficits; avec un souci, la fameuse compétitivité. Les services de Bercy tablent sur un déficit budgétaire ramené à 3,8% du PIB. C'est presque son niveau de ... 2003. Compte tenu de la quasi-stagnation de notre production nationale (+1%), c'est une sacrée perspective. Pour une fois, cette prévision est quasi-adoubée par le Haut Conseil des Finances Publiques, un autre machin indépendant qui donne conseils et recommandations aux élus qui nous gouvernent. Pour 2015, c'est une autre paire de manche.
Le Haut Conseil doute que le Pacte de Responsabilité ne produise suffisamment d'effets. Pour 2015, le duo Hollande/Valls espère dégonfler le déficit à 3% du PIB, avec une croissance de 1,7%. Car le Pacte irresponsable prévoit 22 milliards d'euros de baisse de prélèvements obligatoires (dont 9 dès 2015), quasi-exclusivement pour les entreprises.
Les cierges.
A Paris, un Français de la BCE applaudit si fort au retour de la croissance en Europe qu'il encourage tous les Etats membres, et la France en particulier, à réduire encore davantage leurs déficits, mais aussi et surtout à baisser son "coût du travail". Le travail est un "coût", le capital un "actif", allez comprendre.
"Vue d'en bas", l'Europe paraît pourtant quasi-asphyxiée et désynchronisée. Si le dumping commercial allemand, à coups de bas salaires, de délocalisation plus à l'Est et de travail précaire, fait merveille pour la balance commerciale du pays, le reste de la zone euro souffre. Pire, cette Commission bientôt remplacée négocie encore le Grand Marché Transatlantique avec les Etats-Unis. Les prochaines élections européennes promettent d'être un désastre pour les euro-béats.
Allumez les cierges.
D'ailleurs, Manuel Valls part au Vatican pour assister à une canonisation. En 2009, François Fillon faisait de même. Le Parti socialiste s'indignait. Mais ça, c'était avant.
La campagne des élections européennes démarre. Le début est poussif. Jeudi, Jean-François Copé a du mal. Il présente les têtes de listes de l'UMP et son programme, une Europe "à géométrie variable". Son parti se déchire sur l'Europe. Le jeune loup Laurent Wauquiez croit déchirer le parquet avec sa mirifique idée de revenir à une Europe à 6.
Les tribunes
Henri Guaino et quarante de ses collègues annoncent qu'ils ne voteront pas pour l'UMP au prochain scrutin... Côté PS, on fait à peine mieux: le programme comprend ... la révision du traité européen pourtant ratifié par Hollande en septembre 2012... Rien que ça...
Le premier des ministres visite une usine à Saint-Lubin-des-Joncherets, en Eure-et-Loir. Il ne monte pas sur une estrade improvisée. On le voit face à quelques caméras, le dos collé au mur d'un panneau d'explications techniques. A ses côtés, son meilleur des ennemis de l'intérieur, François Rebsamen, ministre de l'emploi, le sourire en coin. Manuel Valls promet une mesure forcément "très forte" pour les retraites "modestes".
Il semblerait que son paquet austère fasse finalement du mal aux petites gens aussi. Le premier ministre fait publier le détail du Pacte irresponsable sur le site du gouvernement: "une poursuite de l’allègement du coût du travail" - exonération des cotisations patronales versées aux Urssaf, hors cotisations d’assurance chômage, et par une révision du barème des allègements existants jusqu’à 1,6 fois le Smic; baisse de 1,8 point des cotisations familiales à partir de 2016 pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 Smic (30 milliards d'euros au total), réduction de la fiscalité des entreprises (10 milliards d'euros) :"le coût du travail sera bien allégé de 30 milliards d'euros d'ici à 2017" se félicite-t-on à Matignon. Pour faire bonne figure, on ajoute 5 milliards "pour les ménages modestes".
Les aveux
Il n'y a pas une ligne, pas un mot sur les contreparties concrètes exigées des entreprises. Matignon précise simplement, qu'en contrepartie du Pacte, "les entreprises s’engageront en termes d’emploi, de formation professionnelle et de qualité de l’emploi", mais plus tard. Même les 500 euros d'augmentation de pouvoir d'achat pour les SMICARDS ne sont pas garantis, loin s'en faut.
Michel Sapin est dépêché sur le plateau du Grand Journal de Canal+ dès jeudi pour bafouiller combien une retraite juste au-dessus des minima, "ce n'est pas beaucoup". Et il se félicite: "nous avons tenu à ce que les députés puissent voter sur les 50 milliards". Camarades députés, ne soyez pas dépités ! Le gouvernement vous laisse voter, finalement ! Le gouvernement est pourtant "très volontariste" pour parvenir aux fameux 3% de déficit maastrichtien. Il craint de l'abstention
En coulisses, l'équipe Valls tente de décourager un à un les députés socialistes récalcitrants au Pacte de Responsabilité, proposé au débat parlementaire dès mardi 29 avril. Trois de ces derniers publient une tribune étonnante vendredi 25: "Où est la justice quand, pour financer la baisse des prélèvements des entreprises, on envisage la baisse du pouvoir d’achat des pensions de retraite, des allocations familiales, des aides au logement et du traitement des fonctionnaires, y compris les plus modestes ?"
De son côté, la ministre Marisol Touraine, en charge de la santé, promet que les 10 milliards d'économies sur l'assurance maladie seront indolores pour les patients.
Au gouvernement et ailleurs, on explique à juste titre que "la droite, c'est pire". En politique, il y a toujours pire. Quand Valls promet 50 milliards d'économies, les "centristes" de l'UDI réclament 80 et l'UMP 130 milliards. Pour un peu, on dépasserait le budget de l'Etat. Cette course à l'échalote ultra-libérale est bien dans l'air du temps. Il y a quand même quelques députés socialistes pour proposer quelques alternatives, sans gel du point d'indice des fonctionnaires ni des prestations sociales.
Vendredi soir, on confirme la douloureuse. Le chômage a encore (un peu) augmenté. Nous en sommes à 4,95 millions d'inscrits, toutes catégories, confondus. Et un nouveau maire frontiste augmente ses indemnités. Pourquoi s'en priver ?
Ami(e) socialiste, résiste.