"Une grande masse d'air chaud se déplacera sur le haut ..." avec dans les oreilles le défilé météo sur les régions de la France, dans ma voiture, sous une pluie battante, j'espère que le feu deviendra vert et que le soleil viendra avec.
Sagement installée, je me change l'esprit en positivant, en observant les passantes sur le trottoirs, sur les passages piétons, ici un short bleu sur un collant noir et un blouson court blanc, des ballerines, là une tailleur pantalon noir, un top rose fuschia, un sourire sous son parapluie, sa conversation téléphonique la rend heureuse. Elles traversent.
Bonheur intérieur, depuis ce jour où je l'ai rencontré moi aussi, souriante, soleil intérieur, il était là dans cette dégustation, silencieux, concentré sur son verre de vin rouge, il buvait, écoutait. Mais il ne partageait pas l'avis des autres, ce vin ne lui plaisait pas malgré l'étiquette ronflante. J'avais osé une question face à son air détaché, il avait répondu doucement, pour ne pas rompre le bonheur des autres, même si plus tard, il m'avait expliqué que le snobisme n'est pas une politesse pour des mauvais dégustateurs. Nous avions fini ailleurs, dans un petit bougnat parisien, une cave anodine, un ami, de la charcuterie à minuit, des anecdotes, des verres, des rires et même enfin deux bouches unies.
Quelques mois déjà, des instants trop loin, si proches pour autant, je n'ai pas vu le temps passé depuis ce jour. Et pourtant, nous ne vivons pas ensemble, nous sommes ensemble, nos dégustations ont continué, naturellement avec de grands vins, mais aussi des petits coins de France ou d'ailleurs. Nos repas sont devenus des balades, mon corps l'a reçu, comme pour comprendre mieux encore le trio "oeil, nez, bouche". Lui était finalement si sensible, appeuré par les prochaines étapes peut-être, j'avais craqué sur ses tempes grisonnantes, sur ses yeux délicats. Et son parfum !
Lui avait ouvert ses émotions, cette course de sentiments qu'il n'arrivait plus à contrôler, ce débordement intense et addictif à ma bouche, à mes mots. Il m'aimait mais n'osait trop en abuser par des déclarations, juste des petits gestes. Un hédoniste, et ma chaleur en sa présence, je devenais femme, je devenais ébullition. Jamais je n'avais ressentie cela, jamais je n'avais pris autant de plaisir à quitter mon travail, à traverser Paris pour le retrouver.
Les gouttes coulaient sur la vitre, j'avançais doucement vers lui.
Printemps pluvieux, mais bonheur chaleureux, je lui avais fait cette surprise, cette réunion écourtée pour me changer, pour me glisser dans ce tailleur en cuir, un coup de coeur. je me sentais si bien dedans, libre, libérée même de mes dessous, j'étais folle peut-être, folle de lui. Affolée par ce geste d'abandonner mon soutien-gorge dans mon sac, libre de lui donner ma volupté à déguster des yeux.
Amoureuse aussi.
Emportée par cet air de saison, par ce rendez-vous dans un quartier populaire, dans un restaurant argentin, où la cuisine le surprendrait, où l'animation le séduirait. Car si les jambes des vins, rouges ou blancs, sur les bords des verres de cristal, sont des sources d'inspiration, de commentaires sur le potentiel du vin, sur son millésime, sur son apogée, il aimait les miennes, les autres aussi.
Avec malice, il m'avait assuré de cette gourmandise aussi douce pour ces yeux, que certains arômes dans sa bouche. Je pensais à elle, à lui en entier, à ce corps un peu raide, quasi fragile quand je lui avais proposé de danser. Esthète mais mauvais danseur, il m'avait prévenu, mais depuis, il avait relâché sa rigueur, pour attraper l'animal que j'étais, plus féline sur mes talons. Il progressait doucement, pas après pas, et finalement c'est moi qui le guidait. Un force d'attraction qui nous emmenait dans des volutes, après quelques verres, avec des sentiments de plus en plus forts. Nous étions en fusion, ma souplesse contre sa raideur, je l'enveloppais de mes jambes, il suivait, il s'étourdissait de cette découverte.
Dégustation en trois dimensions, sans snobisme, dans la vérité de nos coeurs, dans l'élégance de gestes millimétrés, dans la force et la fougue, dans le rythme de la musique, dans ce show de lumières qui tournait autour de nous. Nous étions un couple, plus encore, un corps, un tourbillon de bonheur. La concentration laissait venir des réflexes naturels, des mains ici, des pieds là, un duo, parfois un duel de courbes qui fusionnaient. Attirance, oui, totale !
Je me garais, là-bas, il attendait dehors, sous son parapluie, droit dans son costume de gentleman, je l'aime. Et dans son regard, venant vers lui, je le sais, il me dit "je t'aime".
Nylonement