Leur conviction, était que le christianisme fut avant tout, et demeure, une authentique initiation. Ce discours se répandit auprès de nombreux esprits, et beaucoup adhérèrent à cette idée qui devint une sorte de vision commune pour tous ceux qui aspiraient à une compréhension plus intérieure, plus sensible et subtile, de vérités que l'Eglise imposait par autorité, voir qu'elle avait tout simplement oubliées.
I. Des erreurs et de la véritéC'est ce que soutiendra positivement " Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), dans un rituel destiné au membres de la dernière classe ostensible du Régime rectifié, et en des termes extrêmement clairs : Malheureux sont ceux qui ignorent que les connaissances parfaites nous furent apportées par la Loi spirituelle du christianisme, qui fut une initiation aussi mystérieuse que celle qui l'avait précédée : c'est dans celle-là que se trouve la Science universelle. Cette Loi dévoila de nouveaux mystères dans l'homme et dans la nature, elle devint le complément de la science." [1]
Comment en est-on arrivé à cette idée ?
Il faut pour cela examiner le contexte qui prépara à l'émergence de cette sensibilité, à l'intérieur du vaste courant de l'illuminisme européen.
Saint-Martin s'appliqua donc à démontrer que l'homme possède en lui, par delà les éléments qui lui sont fournis par sa connaissance sensible et les réactions qu'elle produit sur sa conscience, une lumière intérieure " active et intelligente " qui est seule à la source réelle de la pensée religieuse, lui donnant un inexplicable savoir, non matériel, à la base, sur le plan imaginaire, des allégories et des mythes, mais surtout, et l'on touche ici à l'ontologisme métaphysique qui se retrouve chez nombre de mystiques ( Maître Eckhart [3], saint Jean de la Croix [4], et évidemment Jacob Boehme [5]), de la pensée de Dieu et de son infinité.
Saint-Martin, dans son plan, se fonde sur la nécessaire explication préalable de la nature de l'homme afin
de conduire plus avant son raisonnement, et très habilement et avec un art consommé de la pédagogie théosophique, amène son lecteur à découvrir le lien intime qui relie nos connaissances au Principe supérieur qui est à leur source. Il explique que subsiste en chaque être une authentique capacité à retourner et retrouver " l'Unité " première, à rencontrer en lui la source lumineuse de l'Esprit, et qu'il est donc toujours possible de réaliser, sous certaines conditions bien évidemment, une salutaire harmonie entre la nature de l'homme et la Divinité dans la mesure où, par le canal d'un cœur éclairé, l'esprit peut être bénéficiaire de lumières intimes rayonnant d'une ineffable connaissance par laquelle le Verbe divin Lui-même se révèle dans l'âme ; " Révélation " en quelque sorte, en quoi d'ailleurs consista le christianisme à son origine tel qu'il se présenta selon le Philosophe Inconnu, le Christ ayant annoncé à la Samaritaine qu'il convenait à présent d'adorer Dieu en " Esprit et en vérité " ( Jean IV, 23-24).
Saint-Martin prévint ainsi dans sa Préface : " Cependant, quoique la lumière soit faite pour tous les yeux, il est encore plus certain que tous les yeux ne sont pas faits pour la voir dans son éclat. (...) le petit nombre des hommes dépositaires des vérités que j'annonce est voué à la prudence et à la discrétion par les engagements les plus formels. " [6]
Saint-Martin, Portrait historique et philosophique, (1789-1803), § 707.
."
Saint-Martin soutiendra d'ailleurs explicitement un point de vue assez partagé, montrant bien l'influence de certaines thèses sur le courant illuministe, éclairant très nettement la nature des sources de la doctrine initiatique : " Dans les premiers siècles de notre ère, les saints pères qui n'avaient déjà plus qu'un reflet et qu'un historique du vrai christianisme ...puisèrent chez les célèbres philosophes de l'antiquité plusieurs points d'une doctrine occulte, qu'ils ne pouvaient expliquer que par la lettre de l'évangile, n'ayant plus la clef du véritable christianisme. " ( Le ministère de l'homme-esprit, 1802).
En écho direct aux thèses de Saint-Martin, la conviction profonde de Willermoz et des frères qui l'entouraient, et qui s'imposa à eux sous l'influence des enseignements de Martinès de Pasqually, participa de cette idée que l'institution ecclésiastique avait perdu au cours des âges, non seulement le sens de son sacerdoce, mais qu'en plus elle était devenue hostile à l'essence de l'authentique christianisme.
Willermoz, bien que catholique respectueux de sa religion, eut néanmoins à l'exemple de Saint-Martin, des jugement sévères à cet égard, comme on va le constater, n'hésitant pas à évoquer l'intolérance ignorante de la classe sacerdotale vis-à-vis de ce qui n'est plus connu d'elle, et qu'elle désigne, faute d'en avoir conservé le dépôt, comme des " erreurs " ou des " nouveautés dangereuses ", ce qui dans la langue de l'Eglise est tout simplement synonyme " d'hérésies " .
"
Nous ne pouvions donc pas passer sous silence cette classe devenue la plus intolérante, la plus obstinée dans son système, et la plus dangereuse, puisqu'elle se glorifie quelques fois de son ignorance.
" Ils s'abusent enfin jusqu'à vouloir persuader que tout ce qui n'est plus connu d'eux ni des professeurs de leurs premières études est faux et illusoire, et n'est qu'un tissu d'erreurs et de nouveautés dangereuses contre lesquelles on ne saurait trop se tenir en garde. Souhaitons qu'ils reconnaissent leur erreur, et qu'ils reviennent de leurs funestes préventions, [8] qui ne peuvent que les priver pour toujours de ce qui faisait la force et la consolation de leurs prédécesseurs dans le saint ministère qu'ils exercent
III. La doctrine de l'illuminisme : perte du corps de gloire d'Adam et enfermement dans la matière
Pour comprendre en quoi l'illuminisme récuse et s'écarte des positions dogmatiques de l'Eglise, bien souvent en des Le courant illuministe s'étendit ainsi sur une longue période de temps, globalement du début du XVIIIe siècle au moment où les loges opératives s'ouvraient à des lettrés n'exerçant pas le " métier ", jusqu'aux premières années du XIXe siècle, disons à la mort de termes relativement rigoureux, il convient préalablement de considérer que ce courant est à la croisée de très nombreuses influences, puisqu'il s'est nourri des échos des Béguinages, des " Frères du Libre Esprit ", de la Réforme, de la diffusion d'écrits hermétiques, des textes des kabbalistes chrétiens de la Renaissance, des traductions des ouvrages des penseurs et philosophes de l'antiquité, des écrits des visionnaires, le tout porté par le souffle d'un puissant renouveau mystique qui engloba les divers cercles spirituels en Europe. Jean-Baptiste Willermoz en 1824 si l'on souhaite vraiment une date, puisqu'il en fut sans doute le dernier et l'ultime représentant majeur à disparaître.
Robert Amadou (+ 2006), parlant de l'illuminisme maçonnique, signala fort justement : " La vérité de la franc-maçonnerie, c'est la gnose, illuminatrice au risque d'un pléonasme (...) la franc-maçonnerie relève de l'illuminisme et, en particulier, de l'illuminisme de son siècle, le XVIIIe. " [9]
" La vérité de la franc-maçonnerie, c'est la gnose, illuminatrice... "
R. Amadou, Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie, L.G.F., 2000.
Cette " gnose illuminatrice ", repose en fait sur une conception de la " génération divine ", une théogonie ( portant sur l'œuvre de développement touchant à la vie divine et à ses différents épisodes (révolte des anges, chute des premiers esprits, préexistence immatérielle d'Adam, matière ténébreuse, monde créé corrompu, etc.). A cet égard, et ce point est essentiel à la bonne compréhension du sujet, l'illuminisme va s'appuyer sur des thèses originales, dont l'une, placée à la base de tout le système doctrinal de Martinès de Pasqually - mais cette idée est commune aux principaux penseurs dit " illuministes " - énonce une théorie de la Création très différente de celle soutenue par l'Eglise, puisque cette théorie affirme qu'Adam fut primitivement un esprit pur identique aux anges qui, en raison de son péché, de sa faute originelle, fut enfermé dans un corps de matière pour sa punition. Cette théorie heurte de plein fouet l'enseignement de l'Eglise pour laquelle, si la matière a été abîmée par le péché originel, elle n'a jamais été une " prison " conçue pour enfermer les démons, ou pire encore un homme, qui aurait été " dépouillé " de sa nature primitive glorieuse pour être projeté dans un corps de matière. Ces propositions, que l'on retrouve chez aussi bien chez Martinès, Willermoz ou Saint-Martin, sont absolument inacceptables pour la dogmatique de l'Eglise.
L'illuminisme soutient des thèses originales,
dont l'une sur la Création
à la base du système doctrinal de Martinès de Pasqually
- idée commune à tout " l'illuminisme " -
mais inacceptables pour la dogmatique de l'Eglise.
C'est pourtant ce que va soutenir, avec une constante insistance, Martinès de Pasqually, qui en fera même, non seulement le thème principal de son Traité sur la réintégration des êtres, mais l'axe, le fondement initial et premier sur lequel s'appuiera toute sa doctrine de la " réintégration ", puisque cette doctrine, repose, d'abord et avant tout, sur une conception postulant le caractère " nécessaire " de la Création répondant à un drame sans lequel il n'y aurait jamais eu ni matière, ni monde créé, ni expulsion des esprits - dont Adam - de l'immensité céleste. Cette idée d'une Création contrainte afin de punir et enserrer les démons, enfermant ensuite Adam et toute sa postérité, dans la matière en punition de la prévarication, est donc la " Clé conceptuelle " de toute la doctrine de la réintégration qui, si non comprise ou, comme le plus souvent, ignorée, voit s'effondrer toutes les spéculations au sujet de Martinès et sa pensée.
Ce terrible dépouillement de son " corps de gloire ", pour être précipité dans les fers ténébreux de la matière, nous est expliqué ainsi par Martinès, qui prend exemple sur l'Incarnation du Divin Réparateur pour mieux nous montrer ce qui est advenu, pour sa terrible punition, à notre ancêtre Adam : " Cette formation corporelle du Christ nous retrace l'incorporisation matérielle du premier homme, qui, après sa prévarication, fut dépouillé de son corps de gloire et en prit lui-même un de matière grossière, en se précipitant dans les entrailles de la terre. Car, avant que cet esprit divin doublement puissant et supérieur à tout être émané vînt opérer la justice divine parmi les hommes, il habitait le cercle pur et glorieux de l'immensité divine. Mais lorsqu'il fut député par le Créateur, il quitta cette demeure spirituelle pour venir se renfermer dans le sein d'une fille vierge. Or, l'abandon que fait ce mineur Christ de son véritable séjour ne nous rappelle-t-il pas l'expulsion du premier homme de son corps de gloire ? L'entrée de ce majeur spirituel, ou verbe du Créateur, dans le corps d'une fille vierge ne nous rappelle-t-elle pas clairement l'entrée du premier mineur dans les abîmes de la terre, pour se revêtir d'un corps de matière ? " ( Traité sur la réintégration des êtres, § 91).
" Cette formation corporelle du Christ
nous retrace l'incorporisation matérielle du premier homme,
qui, après sa prévarication,
fut dépouillé de son corps de gloire
et en prit lui-même un de matière grossière,
en se précipitant dans les entrailles de la terre. "
( Traité sur la réintégration des êtres, § 91).
Ce terme de " Mineur ", désigne ainsi l'homme dans la langue de Martinès, en signalant la classe de puissance " quaternaire ", au sein des différentes classes d'esprits émanés et non créés, à laquelle Dieu avait conféré de grands privilèges. Adam fut émané en un état de gloire, et non en un vil corps de matière, pour qu'il puisse œuvrer au rétablissement de l'harmonie divine brisée par les esprits pervers. Dieu plaçait donc en son " Mineur " de nombreux espoirs. Pourtant, le Mineur fut malheureusement projeté, après sa désobéissance, au centre de la surface terrestre dans un corps animal, dégénérant de sa forme de gloire " quaternaire ", en une forme de matière impure " ternaire ", en étant " dépouillé de son corps de gloire " pour être revêtu d'un corps " de matière grossière ". Depuis, les " Mineurs " ou fils d'Adam, supportent les douleurs d'une éprouvante situation, puisque : " Le Créateur laissa subsister l'ouvrage impur du mineur afin que ce mineur fût molesté de génération en génération, pour un temps immémorial, ayant toujours devant les yeux l'horreur de son crime. " ( Traité, 23).
L e à chaque grade jusqu'à celles des classes non-ostensibles, notamment toute la contante thématique portant sur la défiance à l'égard du monde créé, l'union " épouvantable " d'un esprit avec un corps animal, et l'aspiration à l'émancipation de l'âme hors des " Traité de Martinès, va avoir une influence considérable sur Willermoz, en tant que source théorique tout à fait remarquable, se présentant comme un récit général de la Création, avant même l'apparition de l'homme et du monde. Ce texte fondamental, sera à la base, non explicite mais bien réelle, de la doctrine du Régime rectifié, et explique tout le discours de ses Instructionsvapeurs grossières de la matière ".
Le christianisme, aux tous premiers temps de son émergence sur la scène de l'Histoire, pensaient les initiés du XVIIIe siècle, fut une voie magnifique offerte à chaque " âme de désir " afin qu'elle puisse retrouver sa véritable origine et sa nature essentielle, ce en quoi consiste son vrai bonheur en ce monde et dans l'autre.
saint Augustin le premier en a formulé l'intuition,
par cette fameuse sentence :
naquit le jour que naquirent les jours."
" "
La formulation laisse apparaître une approche à l'évidence tout à fait novatrice. Certes, " destinée à mettre un terme aux affrontements religieux. Mais quant à la " qu'il s'agissait ou cette religion naturelle excluant la Révélation, mais de la religion fondée sur la première Révélation de Dieu à l'homme, manifestée par la première Alliance de Dieu avec Noé, dont parle la Bible. Ce qu'Anderson avait en vue, c'était donc en fait une sorte de christianisme primitif, universel dont l'opinion propre " évoquée par Anderson, était une tolérance entre chrétiens religion en laquelle tous concordent " ou " s'accordent ", religion par conséquent universelle, et à laquelle, dans la deuxième édition de ses Constitutions en 1738, Anderson donna le nom de " noachisme ", ce n'est pas exactement du déisme saint Augustin avait, le premier formulé l'intuition, par cette fameuse phrase : " vraie religion [qui] a bien plus de dix-huit siècles [et] naquit le jour que naquirent les jours." [11]
V. Le christianisme transcendantTelle était l'idée première d'Anderson qui ouvrait le christianisme sur une conception large, une adhésion à la " religion en laquelle tous les hommes concordent ". Mais, encore convenait-il, perçut fort justement Willermoz, pour qu'une telle compréhension surgisse dans les cœurs, qu'un lent travail intérieur soit entrepris, un travail réparateur dont le but serait confié à un système initiatique qui consacrerait ses travaux à une perception de ce que fut, dans son essence et sa réalité effective, la religion primitive, de sorte d'offrir à chacun des lumières sur ce qui nous relie, de façon étroite et essentielle, avec l'invisible.
(1753-1821), sollicité pour savoir ce sur quoi le nouveau système maçonnique rectifié devait s'appuyer sur le plan de ses enseignements, utilisa l'expression de "
Joseph de Maistre crut sans crainte pouvoir déclarer, dans son Mémoire au duc de Brunswick, qu'il espérait " ajouter au Credo quelques richesses " , et il ne fait aucun doute que ces richesses provenaient des différentes " lumières " reçues en loge. Le lecteur assidu de Clément d'Alexandrie (IIe s.) et d' qu'était Maistre, trouva donc dans la doctrine du Régime rectifié, une " gnose " chrétienne qui s'accordait à merveille avec ses propres convictions et qui lui donna accès à une lecture renouvelée au sujet de la création du monde, une explication spirituelle des Ecritures, une vision cosmogonique de l'ordre naturel et surnaturel dans laquelle il comprit les liens étroits, et secrets, qui lient le christianisme à la religion première, au sacerdoce primitif qu'exerçait Adam avant la Chute.
le
Les idées principales, fondatrices du " christianisme transcendant " étaient posées.
VI. La refondation du christianisme sur des bases transcendantesCaractère initiatique du christianisme, mystères voilés derrière l'aspect littéral de l'Ecriture, recours au sens allégorique, appel à la " contemplation métaphysique, en réalité, le concept de " christianisme transcendant " venait d'être posé, plus exactement redéfini, exposé, proposé, et surtout adapté avec une précision remarquable pour les temps à venir à l'intention des esprits voulant accéder à un contact réel, immédiat, avec les vérités de la religion, sans subir les limites imposées par une institution ecclésiale qui écarta, à partir du VIe siècle, les connaissances importantes qui faisaient le trésor des premiers chrétiens, comme le soulignait Willermoz : [13] " Le doute et l'erreur de ceux-là ne proviennent que de l'ignorance dans laquelle sont tombés généralement les hommes depuis longtemps sur la cause occasionnelle de la création de l'univers, sur les desseins de Dieu dans l'émanation et l'émancipation de l'homme, sur sa haute destination au centre de l'espace créé, et enfin sur les grands privilèges, la grande puissance et la grande supériorité qui lui furent donnés sur les tous les êtres bons et mauvais qui s'y trouvèrent placés avec lui. Toutes choses que les chefs de l'Eglise chrétienne, auxquels la connaissance n'était presque exclusivement réservée pendant les cinq à six premiers siècles du christianisme, ont parfaitement connues Mieux instruits sur ces points importants, ils en auraient conclu que pour réhabiliter un être si grand, si puissant, il fallait Dieu même.
Cette idée de mise en œuvre d'un projet refondateur à l'égard du christianisme, Willermoz en fit le centre de ce qui prit pour nom, en 1778, de Rite ou plus exactement de Régime Ecossais Rectifié, " rectifié " précisément car il voulut ramener la Franc-maçonnerie à son essence primitive, à sa nature véritable : c'est-à-dire être une voie qui conduise, en prenant pour exemple la forme architecturale propre au Temple de Jérusalem, " du Porche au Sanctuaire ".
Toutes ces choses desquelles dérive un sentiment profond d'amour et de confiance, de crainte et de respect et de vive reconnaissance de la créature pour son Créateur, ont été parfaitement connues des Chefs de l'Eglise pendant les quatre ou six premiers siècles du christianisme."
" Mais, depuis lors, elles se sont successivement perdues et effacées à un tel point qu'aujourd'hui, chez vous comme chez nous, les ministres de la religion traitent de novateurs tous ceux qui en soutiennent la vérité. Puisque cette initiation a pour objet de rétablir, conserver et propager une doctrine si lumineuse et si utile, pourquoi ne s'occupe-t-on pas sans amalgame de ce soin dans la classe qui y est spécialement consacrée ? [14]
VII. L'Eglise intérieure ouvre sur la connaissance du ministère sacerdotal et du vrai culteCe ne sont donc pas des vérités à admettre en raison d'une autorité ecclésiale, des croyances auxquelles il est nécessaire de se soumettre en raison d'une contrainte dogmatique, l'accomplissement lors de cérémonies, de postures artificielles où il faudrait s'affirmer chrétien de bouche, superficiellement, selon des scénarii théâtraux comme le faisaient représenter une maçonnerie dispensant des degrés aux titres prestigieux et aux dénominations admirables, mais qui en réalité était dépourvue des secrets véritables de l'initiation ; ce à quoi aspirait le Régime rectifié était très différent, il s'agissait de redécouvrir les enseignements cachés depuis plusieurs siècles, enseignements oubliés et rejetés par l'Eglise qui les désigne à présent comme des erreurs, et rétablir, enfin, la sainte doctrine perdurant par l'initiation d'âge en âge jusqu'à nous, pour qu'elle puisse aider les âmes à retrouver leur essence divine primitive.
Willermoz délivra même un secret exceptionnel à propos du but visé par l'Ordre établi lors de la réforme de Lyon en 1778 dans une lettre destinée au prince Charles de Hesse-Cassel, le 8 juillet 1781 : " Par son but qui est tout spirituel [...] l'intelligence, se dégageant en quelque sorte du sensible auquel elle est liée, s'élève à sa plus haute sphère, et je suis fondé à croire que dans celle-là se trouve la connaissance du vrai culte et du vrai ministère sacerdotal, par lequel le ministre offre son culte à l'Eternel par la médiation de notre divin seigneur et maître J.-C. pour la famille o nation qu'il représente." [15]
L'Eglise intérieure a reçu en dépôt primitif
les mystères touchant à l'origine de l'homme
Le christianisme transcendant auquel conduit l'initiation, selon l'illuminisme chrétien, est fondé sur les mystères conservés par une société qui traverse secrètement les siècles sous le nom d' Eglise intérieure, société qui reçut en dépôt primitif les mystères touchant à l'origine de l'homme et sa destination future. Son enseignement n'a jamais varié, même s'il prit des noms différents en raison des circonstances, il est inscrit dans un Temple où la sagesse habite avec l'amour.
Il semblerait, puisque les temps s'avancent peu à peu vers leur consommation, que le voile qui dérobe aux yeux de la famille humaine ce "
Le christianisme transcendant, par l'enseignement silencieux reçu de l'Eglise intérieure, nous fait comprendre qu'il y a dans l'homme quelque chose qui est hors du temps, un lieu hors de l'espace, malgré la puissance de nos déterminations matérielles, et c'est en ce lieu même que s'accomplit la révélation de l'esprit. A l'intérieur du cœur, lorsque celui-ci se libère peu à peu des ténèbres, alors apparaît une lumière secrète, la lumière que le monde ne voit pas, car, comme le dit Saint Jean : " celui qui est en vous, est plus grand que celui qui est dans le monde " (I Jean IV, 4).
[du Temple] .." (
Pour nous aider dans ce chemin de réintégration, pour nous encourager dans ce lent travail silencieux et secret - qui passera inévitablement, mais cela doit être un motif, non de tristesse mais de joie intense, par l'anéantissement de notre forme matérielle illusoire et apparente - nous pourrions dire et répéter très souvent en notre cœur, afin de maintenir éveillée la flamme de l'esprit, ce beau texte inédit de Jean-Baptiste Willermoz qu'il destinait, semble-t-il, spécialement à ceux qui s'engagent un jour, malgré la puissance des " ténèbres ", dans le chemin de retour vers le Sanctuaire :
mais des ombres ténébreuses s'élèvent sans cesse de mon âme et m'empêchent de porter mes regards jusqu'à toi. viens actionner celui qui t'appelle avec tant d'ardeur. J'abjure l'amour des objets sensibles ; c'est toi seul que je veux aimer et contempler à jamais comme mon unique vie. Car c'est toi qui es la vie de l'homme, et je sais avec évidence que ma destinée" Vérité éternelle, tu m'entoures de tes rayons,
Sortie le 28 février 2013 vade mecumExtraits de :
1. Instruction pour les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte , 1784, Bibliothèque Municipale de Lyon, Fonds Willermoz, MS 5921.
3. Maître Eckhart (1260-1328), dans sa doctrine de l'analogie d'attribution, soutient que les créatures et le Créateur entretiennent un rapport comparable à ceux existant entre les attributs et les substances : " Si Eckhart cherche à transpercer l'enveloppe des êtres créés pour y saisir Dieu, c'est parce que les créatures sont des analogués finis toujours affamés de l'infinité d'être... " ( cf. Vladimir Lossky, Théologie négative et connaissance de Dieu chez Maître Eckhart, ch. V, Splendor in medio, § 11, A Deo et in Deo).
4. La communion d'identité de l'intellection à l'Essence divine incréée est fondée sur cette conviction : seul le même connaît le même : " La connaissance essentielle de la Divinité, sans intermédiaire quelconque (...) s'opère par un certain contact de l'âme avec la Divinité, chose qui est au-dessus de tout sens et de tout accident, dès lors qu'il s'agit d'un contact de substance pure avec une autre substance pure, c'est-à-dire de l'âme avec la Divinité. " (S. Jean de la Croix, Cantique spirituel, str. 32 e).
5. " Où veux-tu donc aller chercher Dieu ? Ne le cherche que dans ton âme qui est la nature éternelle, dans laquelle est le divin engendrement. " ( Confessions, ch. 6, § VII, 16.)
7. Saint-Martin, Mon Portrait historique et philosophique, (1789-1803), § 707.
10. Constitutions d'Anderson, trad. Daniel Ligou, Lauzeray International, 1978.
11. Ecrits maçonniques de Joseph de Maistre, Slatkine, 1983, p. 97. Maistre, dans son texte, cite en réalité un vers de Racine " La Religion ", Chant III, V. 36.
14. in Lettre de Willermoz à Saltzmann, du 3 au 12 mai 1812, Renaissance Traditionnelle, n° 147-148, 2006, pp. 202-203.
15. Lettre de Willermoz à Charles de Hesse-Cassel , le 8 juillet 1781.
17. J.-B. Willermoz, Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 5476.