Découverte récente et tardive de ce collectif d’artistes fondé début 2010 qu’est We Invented Paris. Rassemblant, musiciens, photographes, graphistes, designer et cinéastes dont la préoccupation première est, comme l’indique leurs nom, l’invention : conséquence d’une créativité nécessairement débordante et infinie. La musique demeurant constamment au centre de leurs œuvres, le collectif met en place de nombreuses performances basées sur sa proximité avec ses fans et enchaînent les lives dans les lieux insolites.
Originaire de suisse bien que volontairement européen, le groupe vient de dévoiler son deuxième album : Spaceship Rocket Thing. Toujours fidèle à la tradition DIY, le collectif a enregistré l’opus au château de Röhrsdorf grâce au succès d’une campagne de crowdfunding. Trois ans après leur premier album éponyme, ils livrent un disque dans la plus pure tradition indie.
Un voyage aérien et transcendant
We Invented Paris ne pose aucune question et amorce le voyage par l’aérien Mont Blanc, captivé instantanément par la voix changeante (lueur pas si lointaine d’un Tom York encore jeune), bercé par la mélodie douce et ondulante aux majestueuses envolées lyriques : réelles marques de fabriques du groupe. En 4 (trop ?) courtes minutes, le groupe séduit et fascine, promettant un album ravissant.
Auguste Piccard fût un scientifique suisse, physicien, aéronaute et océanaute du début du 20ème siècle, attiré par l’exploration des fonds marins et des cieux. C’est cette passion pour les lieux inconnus (« You have to know that we ain’t never come back home ») que partagent le groupe et l’inventeur du bathyscaphe à qui cette chanson rend hommage. Riff et refrain plus qu’entraînant pour une explosion de vie libératrice.
La bande coupe néanmoins rapidement et avec violence cet élan optimiste et humaniste. Everyone Knows avance sans concession une vérité qui, si elle semble naïve, n’en reste pas moins vrai : personne ne sait mais tout le monde prétend savoir : savoir ce qui est juste, ce qui doit être fait. Personne sauf eux. Reste la voix de Flavien, sublime, portée vers des hauteurs étincelantes par une instrumentation galopante aux impulsions passionnées.
Portant un des meilleurs titres jamais donné, Dance On Water est une courte trêve. Guitare et voix s’accorde quelques instants pour une ballade apaisante d’une splendeur délicate qui semblait révolue. L’envolée finale est aussi saisissante que belle. Plus haut, toujours plus haut, jusqu’à atteindre les Zeppelins et leurs nostalgies : track épurée qui rappelle par instant l’indie-folk claire et gracieuse de The Lighthouse And The Whaler.
L’innocence joyeuse d’une indie rafraîchissante
Surement la chanson la moins indispensable de l’album, la longue plainte qu’est Farmer énerve presque. Par une voix trop forcée, par une longueur discutable et des paroles banalement tourmentées.Semblant avoir entendu notre déception, We Invented Paris effectue une volte-face radicale et efficace avec le dansant Polar Bears. Hymne joyeux à l’insouciance implacable : avec les ours en rythme tu danseras.
Philosopher poursuit la quête de désinvolture du groupe. Entre deux riffs à la clarté ensoleillée soutenus par des percussions à la parfaite simplicité, ils prônent un hédonisme à la naïveté rafraîchissante (« Take my hand, loose control, sing your song, that’s all I love, When morning comes we do it all again »). Comment décliner cette invitation ?
Requiem trébuche et fait ressortir les défauts aperçus sur Farmer : le groupe semble ne pas maîtriser la lenteur de ces deux pistes, hésitant et désorienté. Des erreurs éphémères que l’on oublie rapidement dès les premières notes de la respiration magnifique avant l’expiration finale, Sleeptalker, déclaration d’amour à la vie. Plus transcendant que jamais, We Invented Paris referme avec une fougue et une classe rare cette parenthèse inattendue et salvatrice.
11 chansons rêveuses et libérées à l’extrême d’une spontanéité bouleversante
Avec Spaceship Rocket Thing, We Invented Paris offre une délicieuse bouffée d’air frais à une scène indie trop conservative et confortablement installée dans ses certitudes. Sans révolutionner le genre, le groupe donne une leçon de style et d’écriture. Porté par la voix formidablement évolutive et toujours magique de Flavien, le mélange de chansons lumineuses, colorées et de tracks plus sombres apporte à l’album un équilibre délicat.
On se laisse emporter avec exultation par le flot parfois enlevé, parfois apaisé et presque silencieux, toujours intense et sensible.