Un film de Jacques Deray (1969 - Italie, France) avec Alain Delon, Romy Schneider, Maurice Ronet, Jane Birkin
Du beau, du grand cinéma.
L'histoire : Jean-Paul et Marianne sont en vacances près de Saint-Tropez dans une merveilleuse villa prêtée par des amis. Ils passent leurs journées au bord de la piscine, à rêvasser et à s'aimer. Mais Harry, l'ami commun qui les avait présenté l'un à l'autre deux ans auparavant, débarque avec sa fille de dix-huit ans. Harry, c'est l'homme à qui tout réussit, puissant, ambitieux, riche et très sûr de lui. Sous ses dehors très sympathiques, il méprise profondément Jean-Paul, plus fragile, plus tourmenté, beaucoup moins brillant socialement... Et pourtant, il est l'homme qui lui a piqué Marianne.
Mon avis : Quelle merveille que ce film ! Lumineux, sensuel, éblouissant, sur la forme ; sombre et froid sur le fond. Un paradoxe magistralement interprété par des comédiens inégalables et inégalés, et une réalisation nette, carrée, propre, avec des gros plans magnifiques sur les visages, et des cadrages parfaits. J'adore. On dirait presque des tableaux de David Hockney (période "piscine" évidemment).
Après une première partie toute douce, où l'on voit ce couple s'aimer d'amour fou et où la caméra s'attarde sur leurs corps si beaux, sur l'eau qui ruisselle ou bien sur de fines gouttelettes de sueur... vient le temps où le diable arrive. Tourments, rivalités, jalousies, le poison s'installe dans l'eau si bleue de la piscine... Lorsqu'on écoute bien les dialogues, le personnage de Harry est réellement odieux...
Jacques Deray dissèque les sentiments. La psychologie des deux hommes est finement illustrée (et rendue au frémissement de poil près par le duo Delon / Ronet, prodigieux), le drame est latent, et on sent que quelque chose d'énorme va se passer. Marianne, ballottée entre les deux, apparaît comme une femme bien plus fragile qu'il n'y paraissait au début. Fascinée par le pouvoir et la joie de vivre de Harry, elle ne peut s'empêcher d'aller vers lui comme le papillon vers la lumière. Elle semble ignorer à quel point Jean-Paul a besoin d'elle, ou bien elle fait semblant de l'ignorer, parce qu'elle a peur, parce que ce n'était pas un homme comme ça qu'il lui fallait, elle a trop besoin d'être protégée elle-même... L'ambiguité de son personnage fait ressortir la différence profonde entre les deux hommes, l'arrogance et la cruauté de Harry, et la sourde frustration de Jean-Paul. Cette analyse des comportements psychologiques, qui restent les mêmes de tous temps, rend le film tout à fait indémodable.
La comparaison avec Plein soleil m'a tout de suite sauté aux yeux ! Les mêmes acteurs, la même rivalité, entre un fortuné et un laissé pour compte, humilié et jaloux, et ce soleil qui éclabousse les corps et exarcèbe les démons intérieurs... Plein soleil date de 1960. C'est curieux de constater que les deux comédiens ont accepté de tourner cette nouvelle confrontation, si semblable au fond !
Mais si Plein soleil est un excellent thriller ; La piscine est une oeuvre d'art, dramatiquement belle.
Le couple Delon / Schneider est sublime. Romy a rarement été aussi belle que dans ce film. Outre la perfection du visage et du corps, sa grâce fragile qui s'associe à une sensualité naturelle forment un mélange profondément émouvant. (Et là, pour le coup on est très très loin de la médiocre Marie Laforêt de Plein Soleil...). Alain et Romy n'étaient plus ensemble, chacun mariés de leur côté, mais on connaît leur indéfectible amitié tout au long de leur vie. C'est l'acteur qui l'imposa sur le tournage, alors qu'elle s'était éloignée des écrans pour s'occuper de son fils.
Le petit bémol : Jane Birkin, ravissante certes, mais avec un tel accent qu'on ne comprend pas tout ce qu'elle dit et qu'on a même l'impression qu'elle ne comprend pas elle-même ! Mais elle était toute jeune et débarquait d'Angleterre, on lui pardonnera donc volontiers d'autant qu'elle s'est largement rattrapée par la suite. C'est une femme que j'adore.