Nous le savons tous, les technologies modernes sont aujourd'hui capables de nous suivre à la trace, voire même de prédire ce que nous allons faire avant que nous y pensions. Nous sommes également conscients que des entreprises exploitent ces possibilités à des fins commerciales. Mais jusqu'à quel point est-ce acceptable ?
La question va commencer à se poser très sérieusement, lorsqu'on découvre ce que concoctent actuellement quelques banques russes – non nommées – en collaboration avec la startup locale AlterGeo. Pour le contexte, rappelons que cette dernière est à l'origine d'un réseau social géolocalisé, semblable à celui de FourSquare (certainement plus connu), via lequel les consommateurs peuvent à tout moment partager leur position avec leurs amis et, le cas échéant, obtenir des promotions et autres cadeaux de la part des partenaires commerciaux de la jeune pousse.
AlterGeo diffère cependant de son homologue américaine sur deux points principaux. Tout d'abord, côté technique, le système russe met en œuvre une plus large palette de méthodes pour localiser l'utilisateur, qui lui permet d'être à la fois plus précis et de fonctionner correctement en milieu urbain et à l'intérieur de bâtiments. Plus important, la société ne se contente pas du modèle économique classique de ce genre de solutions (essentiellement la distribution d'offres de commerçants), elle affirme aussi des ambitions étendues sur le marché B2B.
Dans ce dernier registre, elle compte déjà quelques clients importants, tels que les leaders (russes) mail.ru (plate-forme de messagerie électronique) ou Yandex (moteur de recherche), pour le ciblage marketing. Et, plus récemment, elle a donc conquis plusieurs banques qui ont l'intention d'utiliser sa technologie en vue d'affiner les scores de crédit de leurs emprunteurs en ligne. L'idée sous-jacente, présentée sans plus de détails, est d'exploiter les informations de localisation fournies par AlterGeo pour « valider la fiabilité et l'honnêteté d'une personne ».
Elle peut être (vaguement) rapprochée de l'utilisation faite par certaines banques de l'adresse de résidence, dont est déduite, statistiquement, une indication sur la « qualité » du client. Que penser alors d'une extension du concept, qui consisterait à analyser en détail (et en permanence ?) les lieux fréquentés, afin de déterminer – plus ou moins directement – le style de vie du demandeur et lui attribuer (ou non) un prêt sur ce critère ? Il s'agit probablement là d'une frontière qui ne devrait pas être franchie.
Que des banques s'aventurent malgré tout sur ce terrain (même si la Russie a une perception un peu particulière des enjeux de la vie privée) est une triste démonstration des dérives de la technologie : il existera toujours des acteurs prêts à les adopter à mauvais escient. Heureusement, la voix du consommateur prend désormais suffisamment d'importance – grâce à d'autres technologies – pour espérer que ces velléités seront réfrénées à temps. C'est-à-dire avant que Big Brother ne veille sur nous continuellement !