La veste croisée transformable : un classique à redécouvrir
Comment faire du neuf avec du vieux ? Comment redécouvrir un classique oublié et le faire revenir peu à peu sur le devant de la scène ? Eternel enjeu de la mode, sur lequel j’aurais plutôt tendance à ne pas m’attarder, sauf que, cette fois, c’est bel et bien de sprezzatura qu’il est question. La sprezzatura, vous savez ? Cet air de ne pas y toucher que tout le monde cherche à imiter (la plupart du temps, sans succès) ! Paul Morand parlait de « négligé paré », on pourrait dire aussi « nonchalance étudiée », « facilité feinte »…
Les principaux types de vestes croisées
Pour des raisons qui ne m’échappent pas mais que je récuse quand même, la veste croisée (notamment en France) est aujourd’hui tenue en piètre estime. Les uns trouvent qu’elle est contre-indiquée pour les hommes trapus, les autres qu’elle ne convient pas aux hommes forts. Mon conseil : essayez-en plusieurs, vous verrez bien si l’une ou l’autre vous met en valeur ; d’autant, comme je voudrais le rappeler maintenant, qu’il n’existe pas une, mais au moins quatre variantes de vestes et de costumes croisés (plus en incluant les huit boutons).
Oui, on peut être jeune et porter une veste croisée. La preuve ! (Source : Sartorially Inclined.)
La veste croisée 6 x 2
C’est la forme traditionnelle de la veste croisée, dont l’origine est bien évidemment britannique. Six boutons dont deux fonctionnels. A noter que les boutons placés sur la poitrine sont décalés afin d’épouser la ligne des revers, qui sont systématiquement à cran pointu.
Ci-dessous, Lino Ieluzzi porte un costume croisé dont la veste, très ajustée, est un peu plus courte que la normale, ce qui a pour effet d’allonger visuellement la taille de ses jambes.
La veste croisée 6 x 1
Survivance des années 1980 et 1990, symbole du power dressing, la veste croisée 6 x 1 repose sur le même modèle que la 6 x 2, à ceci près que seul se boutonne le bouton du bas. Moins répandue, elle est aussi plus délicate à porter.
La veste croisée 4 x 2
Quatre boutons alignés dont deux fonctionnels (même s’il est d’usage de ne boutonner que le bouton du haut). Une poche de poitrine sert souvent de contrepoint visuel. C’est le croisé facile, casual, particulièrement adapté à l’été. Ci-dessous, un magnifique exemple signé Orazio Luciano (La Vera Sartoria Napoletana – source : Rugged Old Salt).
La veste croisée 4 x 1
Quatre boutons décalés dont un seul est utile, une échancrure large et une prise de risques… maximale, surtout si la coupe n’est pas parfaite (illustration : Timothy Everest).
La giacca a doppiopetto trasformabile
« Comment appelez-vous ça ?
- Giacca a doppiopetto (ou doppio petto) trasformabile. Traduction : veste croisée transformable.
- Et peut-on savoir en quoi ça consiste ?
- Rien de plus simple. Il s’agit d’une veste croisée, généralement à six boutons, dont on peut utiliser indifféremment les deux boutons fonctionnels (autrement dit, celui du milieu et celui du bas, les autres ayant un rôle purement décoratif). Comparé à un modèle classique, les deux rangs inférieurs sont plus rapprochés afin de faciliter cette « transformation ».
- Et ça sert à quoi ?
- A gagner en aisance, principalement ; à passer, le cas échéant, d’un style plutôt formel à un style plus décontracté ; bref, à ne pas multiplier inutilement les achats. »
Apparemment, l’inventeur de ce « subterfuge » serait Domenico Caraceni (ou son frère Galliano Caraceni), à l’époque où Rome était encore dans Rome et Cinecittà dans Cinecittà (sur la saga Caraceni, voir notre article). Je laisse les experts arbitrer. Depuis, d’autres tailleurs de renom s’y sont essayé, Cifonelli et Rubinacci, notamment. Il faut dire que le revers demande ici une habileté toute particulière…