Si la machine à idées est totalement morte à droite (elle a probablement explosé dans les années 80), celle de gauche, en revanche, est en sur-régime. Et comme pour tout processus complexe, si vous mettez des cochonneries en entrée, vous obtenez des cochonneries en sortie : on l’observe avec une constance presque rassurante du côté de Terra Nova, l’un des think-tanks chargés, justement, de fournir les brillantes idées qui animent actuellement le Parti Officiellement Socialiste.
Terra Nova, c’est ce groupuscule progressiste de formation d’idées en circuit fermé qui aura fourni un havre de paix aux croustillantes notes pondues par des sommités comme, en mars 2009, celle sur la gouvernance de campagne de Barack Obama écrite par nul autre que … Arnaud Montebourg, et dont l’un des buts serait de fournir une base idéologique au Parti Socialiste, voire un programme politique quand le temps est clément.
Mais au Parti, la situation actuelle est résumée par une déroute mémorable aux municipales et un échec annoncé aux européennes, accouplés avec une cote de popularité présidentielle qui avoisine dangereusement le QI mono-symbolique d’Aymeric Caron, auxquels s’ajoutent des dissensions notables dans la majorité tiraillée entre une base turbulente et un exécutif boudeur de plus en plus timoré. Ceci appelle indubitablement un sursaut des naufragés idéologiques qui hantent les couloirs du think-tank socialoïde : vite, il faut trouver un sujet qui occupera un peu les masses le temps que le plan Valls, déjà fort modeste, soit soigneusement raboté pour revenir à une dimension microscopique que le pays pourra encaisser sans broncher.
Et quel autre sujet que celui de l’immobilier pour toucher un maximum de monde, y compris des électeurs habituels ou potentiels ? C’est dit ! Terra Nova pond donc une note, qu’il fait ensuite fuiter auprès de RTL qui nous en fera un résumé lapidaire mais édifiant : les prix immobiliers élevés tirent la France vers le bas. Il aura donc fallu plusieurs heures de travail à nos étatolâtres en barquette, menés par Denis Burckel, professeur associé à l’université Paris-Dauphine et adhérent humide au think-tank, pour arriver à la conclusion que les prix élevés dans l’immobilier n’étaient pas bons pour les Français.
Et il en faut, de la réflexion, pour aboutir à la conclusion qu’un prix élevé, c’est un pouvoir d’achat plus faible, des opportunités plus restreintes d’achat. Il aura aussi sans doute fallu se faire un peu violence pour admettre que l’immobilier, fondamentalement, c’est comme le pain, les chaussures ou les voitures : plus c’est cher, moins on en a. Mais voilà, c’est dit, et on peut admirer le courage de nos socialistes de combat qui admettent donc, sans trop y toucher, qu’il vaudrait mieux un immobilier qui baisse qu’un immobilier qui monte.
Après cette analyse qui, il faut bien le dire, satellise du chaton à coup de canon, vient rapidement le temps des solutions, qu’on bâtira exclusivement sur les deux prédicats que, d’une part, l’État pouvant tout et son contraire, pourquoi n’interviendrait-il pas encore un peu plus dans ce marché-là, et que, d’autre part, les Français manquent de logement, c’est dit, c’est répété et n’y revenez plus. D’ailleurs, c’est bien simple : la demande est forte, et elle l’est d’autant plus que sont actuellement assez faibles les taux d’intérêts.
Moyennant quoi, si l’on veut baisser les prix de l’immobilier, il faut baisser le prix du foncier, baisser le prix de la construction, construire, construire, construire, et (bien sûr), « freiner la rétention et la spéculation sur le foncier » (parce que la rétention d’immobilier, c’est comme la rétention d’eau après 45 ans, ça boudine et c’est très laid). Bien évidemment, on nommera certainement l’une ou l’autre commission pour déterminer à la fois ce qui est de la spéculation honteuse sur le foncier, et à partir de quand (ou de combien d’appartements ou de maisons) on considèrera que trop de rétention, c’est trop et qu’il va falloir taxer, exproprier ou détruire.
En attendant d’avoir des éléments concrets sur tous ces freins à la rétention et à la spéculation qu’il faudra bien mettre en place pour sauver la populace française de la pénurie tragique de biens immobiliers, la note des fiers bâtisseurs de futurs joyeux donne tout de même quelques pistes sur ce qu’il conviendrait de faire pour sortir de l’ornière dans laquelle l’ultra-néo-libéralisme ou de fâcheux concours de circonstance inexplicables (et inexpliqués) ont poussé la France.
Pour Terra Nova, les solutions existent : si l’on passe rapidement sur la dissociation du foncier et du bâti qui, comme en Angleterre et en Belgique, permettrait de réintroduire dans le langage courant le joli terme d’emphytéotique et ne changerait cependant à peu près rien en terme de capacité de construction et d’emprunt des familles françaises, force est de constater que nos amis socialistes ont autant de suite dans les idées que peut en avoir un cordon bickford allumé relié à une masse considérable de dynamite, avec le résultat qu’on imagine.
Ainsi, pour eux, le maire ne doit plus décider ce qui est bâtissable de ce qui ne l’est pas. L’urbanisme et l’aménagement communaux sont alors laissés à la charge d’entités distinctes de la mairie … Autrement dit, on passe d’un tyran proche et corruptible à un tyran lointain et impavide. En gros, l’État devient le seul maître à bord, ce qui rassurera immédiatement tous ceux qui ont vu ce qu’il a été capable de faire dans les domaines où il a mis le nez (que ce soit l’énergie, la banque, l’assurance – maladie, chômage ou vieillesse, les voitures, les trains, etc…). Bien évidement, l’idée s’accompagne de mesures coercitives visant à pénaliser les intercommunalités qui auraient l’impudence de ne pas bâtir assez.
Dans le même registre, le think-tank blindé de socialisme a décidé de passer ses lourdes chenilles sur la notion même de propriété privée : vous achetez un terrain déclaré par l’État bon à bâtir (parce qu’il sait mieux que vous ce qui est bon ou pas à bâtir sur votre terre) ; si vous n’avez rien construit dans les cinq années, l’idée consiste ensuite à vous forcer à construire (par des amendes) ou, alternativement, à vous exproprier puisque vous êtes un mauvais citoyen.
Rassurez-vous : conscient que tout ceci, même si c’est compatible avec le Politburö, représente un gros morceau à faire passer, notre brave professeur Burckel s’empresse de souligner le coût évidemment nul du dispositif (surtout sur ses finances personnelles, ce n’est pas lui qui paye et qui subit) et en relativise rapidement l’ampleur :
« C’est une réponse d’urgence à une situation d’urgence. Elle ne concernerait qu’une vingtaine d’agglomérations, les plus tendues. Et le dispositif pourrait être assoupli après quelques années si les choses évoluent favorablement. L’idée est de créer un choc. Sans cela, il est vain d’espérer construire 500 000 logements par an. »
Et les situations d’urgence, en France, ne perdurent jamais, c’est connu. Si pour le côté choc, on peut lui reconnaître un minimum de lucidité, pour le reste, on peut largement déplorer que notre brave homme continue obstinément de relayer le conte de fée actuellement en vigueur.
Ce conte veut qu’il soit possible de faire de la France un pays de propriétaires, avec à la fois une législation outrageusement favorable aux locataires installés, violemment taxatoire pour tout propriétaire, et des taux d’emprunts et donc une rentabilité des capitaux extrêmement faibles. Ben voyons.
Ce conte nous explique qu’il est possible de décider autoritairement, au niveau de l’État, du nombre de cahutes bâties en carton au milieu des champs, loin de tout, pour loger tout le monde. Ce conte tente de nous faire croire que l’État, qui a continuellement décidé de trucs et de machins en terme d’immobilier sur (au moins) les 40 dernières années, s’est copieusement planté toutes ces années durant, serait enfin à deux doigts de toucher une solution qui fonctionne, qui donne un logement pour tous, moyennant quelques amusantes bidouilles juridiques et d’improbables clefs de bras pour les fous qui voudraient encore se lancer dans l’acquisition et n’auraient pas assez craché au bassinet.
Mais bien sûr.
Ce conte, c’est celui de quarante années de dirigisme, de rabotage des libertés, de contraintes administratives ubuesques, de grignotage méthodique du droit de propriété. Et c’est précisément parce que ce droit là, fondamental, n’est plus qu’une plaisanterie, que tout le marché immobilier est corseté par des lois étouffantes et des normes invraisemblables, que les Français n’ont plus les moyens de se loger chez eux. Grâce aux rigolos délétères et autres clowns approximatifs qui sévissent dans ce genre de think-tanks et au sein de tous les appareils politiques et administratifs en France, l’État a réussi à devenir de facto le propriétaire unique et incontournable du pays, qui, à force, est en train d’exproprier gentiment tous les habitants réfractaires à sa nouvelle donne.
Et ne vous leurrez pas : ce n’est qu’un début. Fuyez.
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