Nous rentrons d'une formidable soirée au théâtre Hébertot où nous avions déjà pu écouter La Conversation l'an dernier.
Sur scène, une installation de néons qui font comme une cage autour d'un fauteuil et des écrans de contrôle. Peut-être pour suivre les évolutions du cas qui nous est soumis ? Sur le fauteuil, Charlie Gordon incarné par Grégory Gadebois, est un simple d'esprit, qui peine à s'exprimer. Il nous raconte qu'il a vu un docteur qui lui a montré des taches d'encre et qu'il n'y a vu que des taches d'encre. On comprend qu'il est à l’hôpital pour faire des tests et qu'il va lui-même servir de cobaye. L'expérience, déjà menée sur la souris Algernon, consiste à tripler le QI de Charlie. Au début, il imagine que ça n'a pas marché. La preuve, Algernon est toujours première aux exercices. Puis, imperceptiblement, des changements s'opèrent. Dans la façon de se tenir, de rester immobile ou de bouger, dans la voix, la prononciation, l'articulation des mots. Et évidemment dans le vocabulaire et la grammaire employés. Là, on ne peut que saluer le jeu d'acteur de Grégory Gadebois qui fait grandir ce personnage avec tact, nuance et doigté. L'évolution est une véritable transformation toute en subtilité. Avec la connaissance (et comme dans la Genèse) vient d'abord le malheur : il prend conscience des moqueries, il perd ses amis et son travail. Puis l'épanouissement. Charlie apprend toutes les langues, correspond avec des scientifiques et des musiciens. Il a toujours plus soif de savoir.
Hélas, quand Algernon régresse puis meurt, Charlie comprend que ses jours sont comptés...
Superbe métaphore de la vie, cette pièce tient toute sa puissance d'une interprétation magistrale de Grégory Gadebois. Et si le sujet semble initialement très éloigné de nos préoccupations et de nos vies (parce que c'est de la SF ?), il ne peut que nous toucher car les thèmes abordés sont universels : apprentissage, reconnaissance, prise de conscience, rapport à l'autre, rapport à soi, dégénérescence (ou maladie ou handicap ou vieillesse)...
A ne pas manquer, c'est un chef-d'oeuvre (et ça vous promet des débats enflammés à la sortie : fallait-il ou non faire cette expérience ? La connaissance apporte-t-elle le bonheur ? etc.)