J'étais d'une humeur massacrante.
C'était assurément en raison de cette farandole de la joie d'Eugénie Bouchard et de son entourage après une victoire récente. Une danse qui aurait dû la faire descendre de 14 rangs minimum. C'est beau le talent, la jeunesse et les exploits mais ce n'est pas une raison pour se comporter comme un enfant de 5 ans. Elle a bien le droit de s'amuser comme elle le veut mais personnellement, la laideur chronique pour moi, le Canada, la banlieue, c'est exactement ça: des gens qui dansent en rond ensemble mais qui ne se regardent jamais dans les yeux, qui ne regardent leurs pieds, et qui ne réalisent même pas le pas des autres ni si quiconque a le même rythme.
J'avais travaillé toute la nuit, tenté de m'esquiver d'une tâche de service à la clientèle par la suite, sans succès, et avait préparé un panier d'achats personnels de la boutique d'alcool qu'on m'avait finalement volé, croyant à un panier égaré, et replacé en section. Je n'avais pas le coeur de remagasiné tout ça et me rendait chez moi plus riche, mais déçu. Déçu aussi que ma voiture me dise que je ne puisse rouler que 60 km sur mon plein d'essence. Déçu finalement de devoir faire le plein à 1,45$. Déçu aussi de faire le plein sous la grosse pluie lourde et le vent froid. Quand tout à coup cette voix au très fort accent porto ricain sortant de ma pompe à essence:
"Disoli Missié, problim teknik, doux minutes sivou plait, on va vous aviser, disoli encore"
Bon...J'aurais dû y penser, j'avais fait une courte commission pas loin au Pet Shop flirtant avec les chiens plus longtemps que d'habitude, et à la caisse, on avait toute les difficultés du monde à me faire payer car le système était down. "Ce ne sera pas long" avait dit la caissière. Avez vous déjà remarqué que tout ceux qui disent cette phrase, promettent, dans 99% des cas, exactement le contraire? Ma réserve de patience s'étiolait. Cette fois c'était mon système qui était down. Je me devais de dormir. Je zonais, accoté sur ma voiture, regardant la pluie froide tomber drue. Je pensais à Heartbleed, ce virus qui avait supposément infecté de vastes sites récemment et me demandait si tout ça avait un lien. Mes yeux regardaient sans voir. Trop fatigué le mec. Puis j'ai fais un zoom-in sur les deux pochettes de disques dans ma voiture sur le banc du passager. Je dois bien être le seul à chercher un équilibre entre la candeur de Tricot Machine et le glauque des Rolling Stones. Puis ma pompe porto ricaine me revient:
"Yé crwâ que c'est prête missié! essayez!"
Je passe ma carte de crédit, pré-commande 40$ parce que tabarnak à 1,45$, fuck me please et zone encore laissant l'essence entrer dans Das Auto. Habituellement, autour de trois ou quatre dollars avant la fin de la commande, ralentit le débit et la station service continue* d'arnaquer le client en cessant complètement de faire couler son jet, si bien qu'en général, vous pouvez faire une fellation nette à la pointe de votre fusil à essence et ça ne goûtera même pas l'essence. Ce sera sec comme de l'amadou. Mais là, par cette journée de grande fatigue mouillée, le débit ne ralentit pas, mieux, le prix s'arrête bien à 40.00$, mais l'essence continue de remplir ma voiture...27,51 gallons...34,31....44,16...Je lance un regard vers le caissier au loin pour voir si il réagira, non, rien...il a lié conversation avec des clients qui attendait en dedans, à l'abri de la pluie et du froid.
PoF! 50 gallons! 40$...J'imprime le reçu afin d'être certain que je ne rêvais pas éveillé, WOW!!! on m'a bien facturé l'équivalent de deux 20 piasses, mais on m'a rempli ma voiture au complet.
50 gallons, bon, peut-être 44, pour seulement 40$.
Payante patience.
Ils ont peut-être mon # de carte de crédit et je surveillerai de près les paiement sur ma carte VISA les prochains jours.
Mais ce jour de pluie était gentil.
Payback time, Pétrole.
Je n'étais plus d'une humeur massacrante.
J'ai fait la farandole d'Eugénie dans mon entrée sous la pluie.
Un voisin a alerté la police et j'ai dû m'expliquer.
Et eux m'expliquer les implications de la grossière indécence.
Bah!...
Prenez votre gaz égal.
Où peut-être que c'est parce que justement j'ai pris le mien de manière inégale, et à mon avantage, qu'on me trouve soudainement impropre aux autres.
M'en fous, bande de jaloux.
Juste avant de me coucher je tombe sur 2 minutes 25 de perfection cinématographique.
2 minutes 25 meilleures que des milliers de 2h00/2h30 fortement répandues sur nos écrans.
Vous comprenez soudainement que commence le juste rééquilibre des choses.
Et il aura fallu se priver de sommeil tout ce temps pour y arriver.