-L'Assemblée Nationale Française est répartie entre droite et gauche - Ici, la gauche est majoritaire depuis 2012 -Malgré le but premier de notre désormais régulière série d'articles sur les idéologies politiques diverses, l'article d'aujourd'hui n'est pas vraiment consacré à présenter une idée ou nébuleuse d'idées mais doit davantage évoquer une opposition politique, un schéma politique récurrent dans le paysage politique français voire occidental.
Il s'agit de l'opposition Gauche-Droite.
Il nous appartiendra tout d'abord de résumer d'où vient cette opposition et comment s'entretient-elle, pour ensuite décrire les principales raisons idéologiques de cette mésentente, aborder la présence/alternance entre ces groupements au pouvoir et enfin leur avenir au sein de la classe politique et les critiques qui en sont faites.
D'où vient l'opposition Gauche-Droite ?
D'où vient la gauche ? D'où vient la droite ? Que signifie ces concepts dont l'essence même renvoie à des orientations physiques et non politiques ?
Cette idée n'est pas si ancienne. D'un point de vue historique en effet, cette distinction naît durant l'histoire contemporaine : avec l'institution de l'assemblée nationale constituante, les partisans d'un pouvoir de veto attribué au Roi se classent à la droite de l'hémicycle, et les opposants à sa gauche. C'est aussi simple que cela. Mais cette opposition, très pragmatique et nullement idéologique, ne préjuge en rien des idées qui opposent les différents courants politiques à l'époque et pour le futur.Cette construction très artificielle, bien qu'ayant subit des affinements et des évolutions, se trouve encore aujourd'hui très surfaite car très composite (et pour cause, il ne s'agit que d'une tendance, d'une position par rapport à d'autres, comportant donc une relativité intellectuelle encore plus grande que les courants de pensée bien définis).C'est bien tout le problème de cette opposition, de cette distinction : parce qu'elle aurait pu se fonder sur d'autres critères bien plus pertinents, elle conduit les gens parfois presque à se définir par opposition plutôt que par conviction (ce qui à l'évidence manque de constructivité dans le débat).
Si à l'origine droite et gauche s'opposent autour d'idées forces (République contre Monarchie ou Empire principalement), elle ne se résume plus à cela mais au contraire s'éparpille dans bien des tendances qu'il convient de résumer.
Les Gauches
La gauche s'est manifestée dans l'histoire politique contemporaine française par trois grands courants : -une première gauche libérale et parlementaire, durant la 2nde république, qui s'est surtout construite par opposition à la réaction, et qui soutenait les grands principes de la révolution française, notamment la liberté et l'égalité ;-une gauche plus républicaine et anti-cléricale, qui s'est développée sous la III° République sous la figure des radicaux de gauche, autour des idées de laïcité et de patriotisme ;-une troisième gauche plus axée sur les questions économiques, socialiste ou communiste, c'est-à-dire tournée vers un idéal d'égalité non seulement juridique mais également économique et politique. Le fruit de ces trois tendances constitue l'héritage actuel de la gauche, mais il est certain que si c'est héritage est vanté et revendiqué, il n'est pas parfaitement repris actuellement et fait l'objet de nombreuses nuances développées selon les partis : -l'écologie politique consistant dans une prise en compte et une correction des impacts économiques sur l'environnement, théoriquement apolitique mais développée davantage par des partis se situant vers la gauche ;-des idées diverses de plus en plus orientées vers les questions sociétales : préoccupations accrues pour les minorités, qu'elles soient sexuelles, ethniques ou religieuses. Selon François Huguenin, ces thématiques se développent en lien avec l'abandon relatif des thèmes économiques et sociaux. -un rapprochement vers l'acceptation de l'économie de marché, qu'il conviendrait de perfectionner et d'équilibrer par des politiques sociales plutôt que de remplacer par un système purement socialiste, d'où un certain "social-libéralisme" ou une "sociale-démocratie";-une idée globalement axée sur le progrès social.
Les Droites
La droite française a également regroupé plusieurs tendances théorisées par l'historien René Rémond : -une première droite légitimiste, hostile à la démocratie parlementaire et contre-révolutionnaire (ou réactionnaire), qui milite pour un retour à l'Ancien régime et à une Monarchie Absolue, souvent contre le libéralisme politique et parfois marquée religieusement (catholicisme) ;
-une autre droite plus modérée, dite orléaniste (venant du courant des monarchistes modérés de la dynastie des Orléans, représentés par exemple par Louis-Philippe Ier) ou libérale, qui défend une certaine réforme et une certaine liberté, conservatrice plutôt que réactionnaire ;
-une droite nationaliste et bonapartiste, qui s'est construite autour des idées de souveraineté nationale et de patriotisme, partisane essentiellement d'un pouvoir exécutif fort et d'une certaine herméticité des groupes politiques. Cet aspect composite se retrouve là encore assez mélangé dans la droite actuelle, à ceci prêt qu'elle a assimilé l'idée de démocratie et l'a fait sienne. Cela étant, la droite française actuelle éprouve tout comme la gauche quelque difficultés à s'identifier à ses divers aspects idéologiques et à les appliquer lorsqu'elle est au pouvoir. Son libéralisme reste peu appliqué (hausses d'impôts, interventionnisme encore présent) et son goût pour la souveraineté a été entamé au fur et à mesure de la construction européenne.
Et le centre ?
Cette classification serait quelque peu incomplète si l'on omettait de parler du "Centre".Le principe de base du centrisme politique semble être la compromission des grandes idéologies défendues respectivement par la gauche et la droite. Historiquement, il s'agit bien plus d'une tempérance politique (déjà présente sous la révolution, représentée par des députés favorables à la révolution mais opposés à ses excès) que d'une structure ou même d'une idéologie bien déterminée.Cette modération va se poursuivre durant le XIX° siècle et le XX° siècle à travers plusieurs tendances (républicanisme, orléanisme, catholicisme social, concentration républicaine), ce qui confirme pour autant une absence de structuration bien déterminée.Par la suite, en France, le centre sera incarné par plusieurs grandes idées forces : -l'européisme politique ; -le libéralisme, à la fois politique et économique ;-la démocratie chrétienne.
Le centre a par ailleurs été représenté et est encore représenté par des partis politiques, que furent notamment le l'Union pour la Démocratie Française, le Mouvement Démocrate ou encore l'Union des Démocrates et Indépendants (pour ne citer que ces mouvements récents). L'UDF a même porté un président de la République (Valéry Giscard d'Estaing) au pouvoir de 1974 à 1981.
Il faut néanmoins relativiser l'impact idéologique et politique de cette formation politique qui n'a, finalement, que peu existé sur la scène politique nationale de manière tout à fait indépendante, s'alliant la plupart du temps avec la droite parlementaire dans le cadre des élections législatives et des gouvernements qui s'en sont suivis (en 1993 par exemple). Il faut aussi ajouter que cette famille est souvent en proie à des divisions liées à la stratégie à adopter (union avec la droite ou indépendance).
Les limites de cette classification
Cette classification comporte des limites certaines à plusieurs niveaux. D'abord, ce schéma politique n'étant pas exhaustif du point de vue idéologique, est apparue finalement assez tôt un élargissement de cette opposition vers les "extrêmes" gauche et droite, ce qui semblait nécessaire pour rendre compte d'une plus grande diversité des idées exprimées par la population. Les extrêmes disposent là encore d'un qualificatif vague et subjectif qui consiste dans l'idée essentielle dans une exagération des idées défendues par leur pendant "raisonnable". Le problème de ce recours aux extrémités tient là encore à la relativité de ces classifications qui peuvent avoir pour effet de marginaliser certaines opinions ou les rendre moins fréquentables (moins républicaines ou moins libérales), ce qui alimente une tendance à la radicalisation. Ensuite, cette distinction gauche-droite, en perpétuelle évolution, tend à s'émousser. Le cadre politique européen neutralisant certaines différences historiques entre droite et gauche (en matière économique comme sociale : libéralisme à la fois économique et sociétal de plus en plus global), ce critère de distinction s'estompe et laisse croire de plus en plus de citoyens qu'il est factice (d'où notamment l'idée d'UMPS défendue depuis assez longtemps par le Front National notamment). En effet, ces deux grands mouvements, par le biais de leur parti "phare", ont souvent mené une politique partagée et modérée en considération des idéologies initialement défendues.
Il faut aussi ajouter que certaines idées ont littéralement voyagé d'un bout à l'autre de l'échiquier politique au cours de l'histoire. Ainsi, comme le note François Huguenin (Historien des Idées), le nationalisme est originaire de la gauche républicaine et s'est retrouvée très à droite par la suite.
Qui plus est, il n'est pas impossible de se sentir proche de la gauche sur certaines thématiques et de la droite sur d'autres : la classification en une dimension gauche droite ne suffit plus. François Huguenin prend ainsi l'exemple des chrétiens qui peuvent être classés "à gauche" pour leurs idées sociales prononcées et "à droite" pour leur conservatisme éthique et moral. De la même manière, la dénonciation (comme l'admiration) de l'Union Européenne est trans-partisane : elles réunit aussi bien à droite qu'à gauche. Enfin cette distinction, parce qu'elle s’essouffle et se base de moins en moins sur des idéologies, doit se reconstruire sur des bases doctrinales renouvelées. En effet, il est de plus en plus compliqué de qualifier la gauche de socialiste et la droite de conservatrice ou de libérale, tout du moins pour les partis de gouvernement les plus courants que sont le Parti Socialiste et l'Union pour un Mouvement Populaire. Même le Front National en perd son latin ! Anciennement la caricature de l'extrême droite poujadiste et soutenant l'Algérie Française, le FN a aujourd'hui abandonné le socle idéologique traditionnel de l'extrême droite. Il a abandonné la réaction et l'antisémitisme de son fondateur pour adopter des thématiques beaucoup plus à gauche : contestation du libéralisme, laïcité (voir laïcisme), démocratie et république. C'est évidemment un tournant stratégique qui vise à transformer le FN en un parti de gouvernement, ce qu'il n'a jamais réussit à devenir malgré plus de 40 ans d'existence.
Ailleurs dans le monde
Ce type de système politique n'a pas forcément court sous cette forme dans beaucoup d'autres pays. Aux Etats-Unis par exemple, il est certain qu'une telle distinction n'est pas applicable. L'histoire politique et idéologique de ce pays ne permet pas une telle opposition entre "gauche et droite", et les idéologies sont structurées autrement : -le socialisme y est peu présent historiquement (à titre d'illustration, le Parti Socialiste des Etats-Unis a obtenu aux élections présidentielles de 2008 ... 6 528 votes seulement, et le Parti Socialiste d'Amérique a obtenu au mieux environ 900 000 voix dans les années 1910') ;-le libéralisme politique et économique est moins sujet à polémique et est plus accepté (ce qui aboutit par exemple à la présence notable de partis libertariens qui n'existent pas en France) car constitue un fondement politique plus ferme (ce pays n'a en effet existé que sur la base d'un régime libéral) ;-enfin une autre particularité qui ne se retrouve pas en France distingue les structures idéologiques américaines des françaises : il s'agit de la distinction entre le fédéralisme et le souverainisme. En effet cette distinction qui a d'ailleurs suscité la guerre de sécession consiste à opposer les partisans de l'Union Fédérale des Etats-Unis aux défenseurs de l'indépendance des Etats confédérés. Cette opposition, probablement plus importante que "droite et gauche", est encore bien présente bien que les partis se soient fait, tours à tours, défenseurs de l'un ou de l'autre de ces concepts.