Sans faille est né de ma modeste expérience de la montagne. J’ai longtemps été exclusivement urbain avant de découvrir les Pyrénées il y a une quinzaine d’années. C’était l’époque où les portables n’existaient quasiment pas et où l’on savait qu’avertir les secours serait extrêmement difficile en cas de pépin.
Un jour, lors de l’ascension d’un pic très peu fréquenté, j’ai aperçu un randonneur à quelques minutes à peine devant moi. Le temps d’essayer de le rejoindre, il s’était volatilisé. Je ne l’ai jamais revu. Une scène surréaliste qui en montagne devient vite angoissante et que j’ai intégrée dans le livre d’une manière très particulière.
J’avais envie d’utiliser la montagne pour son potentiel tragique et dramatique. Dans Sans faille, elle n’est jamais agréable ni bucolique. Elle n’est qu’amoncellement de blocs infranchissables, grottes froides et humides, crevasses cachées sous la neige… Pendant l’écriture du roman, j’avais à l’esprit Délivrance, aussi bien le célèbre film de Boorman que l’excellent livre de James Dickey dont il est tiré (et qui vient d’ailleurs d’être réédité chez Gallmeister). Vous pensez passer un formidable week-end au milieu de la nature pour vous détendre et vous sombrez dans le pire des cauchemars !
Mon but était de transposer l’univers du huis clos dans cette montagne oppressante qui va fonctionner comme une caisse de résonance en révélant la vraie nature des personnages et en les poussant à se surpasser. Cinq amis se retrouvent très vite coupés du monde. Seul Romuald, le héros (ou anti-héros ?), connaît l’itinéraire à suivre. Les autres doivent s’en remettre totalement à lui et il acquiert un ascendant sur eux, ce qui crée un déséquilibre malsain dès le début.
Mon précédent livre, Le Murmure de l’Ogre, était un roman historique mettant en scène un grand nombre de personnages et de lieux. J’avais passé des mois plongé dans la documentation et j’avais envie de revenir à une intrigue psychologique plus resserrée : peu de personnages, un lieu unique (à l’exception des flashbacks) et une histoire se déroulant sur trois jours. On retrouve d’ailleurs un peu les règles des trois unités du théâtre classique, détournées pour créer cette tension propre au thriller.
Choisir un lieu unique et une temporalité réduite était un peu un défi. Le romancier ne peut ni tricher ni faire de remplissage. Il doit porter toute son attention sur ses « êtres de papier » et explorer leurs failles cachées. On dit souvent que le lecteur doit s’identifier aux personnages ou éprouver de la sympathie pour eux. Je crois que c’est une erreur. Un personnage ne doit pas être sympathique mais fascinant. Mes cinq amis ont tous quelque chose à cacher. C’est la révélation progressive de leurs secrets qui modifie leur comportement et les pousse à faire des choix. Sauf que les personnages ne sont pas les seuls à cacher quelque chose… Dans les dernières pages, on comprend que le narrateur a lui aussi menti par omission et qu’il a réservé une surprise au lecteur.
Un dernier mot : bonne balade à tous ceux qui voudront accompagner Romuald et ses amis en week-end dans les Pyrénées…