Magazine Société
J'ai trouvé ce dessin qui, à mes yeux, exprime assez bien mon désarroi aujourd'hui.
Depuis les Lumières et la révolution, on avait essayé de remettre l'homme au centre du système, de réattribuer l'argent à son rôle d'outil et de faire ce qu'on appelait « du social ».
Non sans quelques errements style bourrée auvergnate : trois pas en avant, deux pas en arrière. Mais avec le temps, ça avançait. On a interdit le travail des enfants, créé les quarante heures, les congés payés, l'obligation de l'instruction, l’école laïque et obligatoire, les mutuelles, la sécurité sociale, le droit des femmes, le vote des femmes, la protection et le respect des droits des minorités.
Certes, par moment, il y a eu des périodes régressives, mais l’analyse à posteriori démontre qu'elles résultent à chaque fois d'un relent, d'une remontée acide de droite profonde, d'un nauséabond borborygme d'une caste de nantis qui digère mal l'abolition de son statut de surhomme. La restauration et le pétainisme en sont des exemples caricaturaux, qui ont vu la régression de la condition ouvrière, la persécution des minorités, etc.
Certes, l'ultralibéralisme, la globalisation et la communication instantanée, que les milieux financiers manient bien plus habilement que les masses populaires, ont changé la donne aujourd'hui. Le combat devient inégal et l'argent sort à nouveau de son rôle de serviteur pour reprendre la vocation de but en soi que l'humanisme et les lumières avaient voulu lui faire perdre.
Mais ce qui nous arrive aujourd'hui a des allures d'accident fatal, de crash dont on aura du mal à se remettre : c'est la gauche, les gens qui se réclament de socialisme, qui revendiquent l'héritage de Jaurès, qui opèrent la pire amputation dans le niveau de vie des Français depuis des lustres…
Avec une habileté, une perversité et même une malhonnêteté qui laisse sans voix, on a déclassé du statut de niche fiscale tous les artifices qui permettent aux grandes entreprises de ne pas payer en France l’impôt sur les profits qu'elles y réalisent, et d'user et d'abuser de l'usage immodéré des paradis fiscaux, des sièges sociaux et des centres de production délocalisés.
Ne restent donc dans cette fameuse liste de niches fiscales telles que définies par la loi que des mesures qui frappent directement le citoyen lambda au portefeuille : réduction de la TVA sur les travaux d'isolation, sur les médicaments remboursables, l'abattement sur l’imposition des retraites, crédit d'impôt sur les gardes d'enfant, les auxiliaires de vie, et même sur la rénovation des logements sociaux.
Chaque Français modeste se sent donc concerné par les niches fiscales, et transformé malgré lui en contribuable frauduleux. Alors, braves gens, vous voulez toujours vous attaquer aux niches fiscales ?
Et pendant ce temps, la délinquance en col blanc bat son plein, la mondialisation multiplie ses petits pains en toute impunité, les paradis fiscaux se créent et se développent et leur accès se banalise, mais ça, ce ne sont plus des « niches fiscales ». Quand on lui montre la lune, l'idiot regarde le doigt.
La vraie gauche n'a plus de représentation crédible, et la peste brune fait ses choux gras de cette lacune, en nous présentant comme une panacée un remède qui sera bien pire que le mal. Mais les Français continuent à regarder le doigt…
Changer l'Europe, faire une Europe sociale, mettre fin à l'arrogance égocentrique des Allemands, plus personne n'en parle. Le nouveau remède à la mode, celui qui nous achèvera, consistera, pour les admirateurs du doigt, à envoyer à Strasbourg des ennemis de l'Europe. A inoculer le ver dans le fruit.
Chaque solution envisagée nous éloigne un peu plus du but recherché. Oui, nous avons perdu nos valeurs, et les discours qui ont la cote aujourd'hui sont l'expression de ceux qui n'ont aucun intérêt à ce que nous les retrouvions.