Petit topo historique avant de parler du roman en tant que tel.
Au sortir de la deuxième guerre mondiale, le Premier ministre belge Achille Van Acker compte sur l’industrie minière pour relancer l’économie. Mais les belges refusent de descendre dans les mines, ce qui oblige le gouvernement à se tourner vers la main d’œuvre étrangère. De son coté, l’Italie est exsangue, le travail manque cruellement et les jeunes se tournent volontiers vers l’étranger à la recherche d’un meilleur avenir. C’est ainsi que les accords italo-belges de 1946 voient le jour. L’échange est clair : l’Italie envoie des ouvriers qui travailleront dans les mines contre un prix avantageux sur la tonne de charbon. Le contrat de base est de 5 ans, avec possibilité d’exercer un autre métier ensuite. Au vu des salaires annoncés, nombre d’italiens pensaient faire fortune et retourner au pays au bout de ces cinq années, mais l’arrivée des épouses et des enfants les a finalement décidés à s’installer définitivement dans le plat pays.
Rue des italiens nous plonge donc au cœur de la Belgique des années 50 sous l’angle de vue italien puisque le narrateur n’est autre que le fils d’un mineur, que nous suivrons tout au long de son enfance.
Etant moi-même petite-fille d’immigrant italien, ce roman a évidement résonné en moi de façon particulière. J’y ai retrouvé l’ambiance festive qui prédomine dans la communauté italienne et je n’ai pu m’empêcher de sourire face aux expressions typiques. Pourtant, la vie n’était pas facile : le travail harassant, le maigre salaire, la vie difficile dans les anciens camps de prisonniers allemands, les risques du travail. Comme cet été 1956 où l’écroulement d’une mine fait 263 morts à Marcinelle, en majorité des mineurs italiens.
L’écriture est proche du langage oral et donne l’impression qu’un ami nous raconte l’histoire de sa famille en toute simplicité mais en maniant parfaitement l’humour et la dérision. Et si le roman est basé sur le discours d’un enfant, le regard du sociologue n’est jamais très loin et l’auteur décortique certains phénomènes ou comportements (racisme, discrimination…) en tentant de leur donner une signification, en référence à l’Histoire ou aux personnages importants de l’époque. D’ailleurs, et c’est ce qui fait aussi l’intérêt de ce roman, on sent que le thème de l’immigration italienne en Belgique a fait l’objet d’une importante recherche documentaire de la part de Girolamo Santocono.
Rue des Italiens – Girolamo Santocono – Editions du Cerisier – 2001