Méconnu du grand public mais adulé par ses pairs, le pionnier de l’art vidéo Bill Viola investit le Grand Palais jusqu’au 21 juillet, au sein d’une rétrospective recouvrant 40 ans de son travail visionnaire. Une hallucination aussi perturbante que poétique.
"Je suis né en même temps que la vidéo". Si Bill Viola avait fait du "réveil de l’âme" le credo de sa quête artistique, rien d’étonnant à ce qu’il fût l’un des premiers à donner vie à ses tableaux. Une expérience déroutante, digne d’un mirage où se perd toute notion du réel. Hypnotiques et émotionnelles, les peintures mouvantes invitent à la contemplation, créant une parenthèse esthétique où le temps ralentit et l’espace ne devient plus qu’une question de perception. Un "slow art" à contre-courant d’une société au bord de la convulsion nerveuse, antidote redoutable à la frénésie contemporaine. De quoi ralentir le pouls le temps d’une visite.
À l’image d’un récit spirituel, l’artiste questionne les grands thèmes de l’existence – la vie, la mort, la transfiguration – sur fond de souvenirs personnels et métaphysiques. Car si l’omniprésence de l’eau semble presque "engloutir" l’oeuvre de Viola, c’est parce qu’il a lui même frôlé la noyade lorsqu’il était enfant. Vécue d’une manière quasi-mystique, cette mésaventure ponctue désormais son imaginaire, renvoyant le reflet de ses propres chimères. Loin de suffoquer, le vidéaste en tire au contraire toute sa force créatrice, à la fois intime, universelle et emprunte d’une certaine étrangeté. Comme pour éveiller les sens, il aime rappeler que "le paysage est le lien entre notre moi intérieur et notre moi extérieur". L’esprit encore engourdi, on ressort de cette promenade méditative avec la vague confusion d’un apaisement résigné ; celui du spectateur face à sa propre finitude. Le temps fuit, les secondes passent, pendant que les vidéos, elles, continuent de tourner en boucle.