En matière d’exégèse matthewsienne, je connais un certain Sam Pierre - bizarre, son nom me dit vaguement quelque chose et ses centres d’intérêts me rappellent un autre passionné - qui pourrait vous en dire beaucoup plus que moi et sa propre chronique dans le dernier numéro du Cri du Coyote - un trimestriel dont la densité de la mise en page ne doit pas vous dérouter : si vous aimez les musiques qui vont de la country en passant par le folk ou le bluegrass, et quelques autres teintées de blues et de rock… jetez-y un coup d'œil, ces gens-là sont de vrais passionnés. Le numéro 139/140 du printemps 2014 vient tout juste de voir le jour et pourra vous occuper un bout de temps - résume parfaitement cette histoire.
De mon côté, quand je pense à Iain Matthews, j'entends un musicien sensible, pour ne pas dire fragile, une voix gracile qui véhicule avec une grande force de conviction un univers émouvant, un artiste de l'intime qui parle au creux de l'oreille. Me reviennent alors en mémoire les années 1971 et 1972, des disques de mon frère aîné, tels que If You Saw Thro My Eyes, Tigers Will Survive, Journeys From Gospel Oak ou In Search Of Amelia Earhart. Alors quand le même Iain Matthews publie un nouvel album – le premier depuis bon nombre d’années et de surcroit enregistré aux Etats-Unis - dont il dit qu’il sera son dernier en solo, on tend l’oreille forcément, on se met en quête de ce qu’il est possible d’écouter sur la Toile pour en savoir un peu plus... et, convaincu dans l'instant par la haute teneur de ce qu'on vient de découvrir, on commande très vite The Art Of Obscurity, que j’ai la faiblesse de considérer comme l’un de ses meilleurs (ce qu’il reconnaît lui-même volontiers), même si je ne prétends pas connaître sur le bout des tympans l’intégralité de sa discographie (composée d'environ 25 albums). Dans un climat d'une grande sobriété, on retrouve avec ce beau disque l’essentiel de ce qui fait tout son pouvoir de séduction, comme si Matthews jouait la carte de l’épure et de l'intemporel en se disant qu’eux seuls disent le vrai : au service de son art, une instrumentation légère composée de guitares (acoustique et électrique), d'un piano électrique (ou d'un orgue) et d'une basse. The Art Of Osbcurity se présente sous la forme d’une succession de onze compositions discrètes - gros bras, passez votre chemin - dont la fibre folk rock laisse deviner ici ou là (« In Paradise » ou « The Emperor’s New Clothes ») une inspiration nourrie aussi de jazz. Et pour dire ces histoires en clair obscur à la tonalité souvent existentielle - elles sont aussi pour le chanteur l'occasion d'un coup d’œil dans son rétroviseur personnel : "I know there's no returning to those days that seem so free / These are only childhood memories" (« When I Was A Boy ») - il y a la voix de Iain Matthews : il serait excessif de la qualifier d’inchangée, car elle apparaît plus grave qu’il y a quarante ans, mais elle est assurément préservée dans sa capacité à transmettre les émotions et à donner la chair de poule (« Pebbles In The Road »). Le même frisson qu'autrefois...
Comme au bon vieux temps. Comme il y a près de cinquante ans désormais. Déjà... Cette constance dans sa foi en la musique - qu’il définit comme sa maîtresse - et dans son expression la plus sensible font de Iain Matthews un artiste exemplaire comme il en est peu, un compagnon fidèle à travers les années. Il n’est pas trop tard pour le découvrir et ce nouveau disque constitue un excellent passeport.
Qui tourne en boucle depuis qu'il a fait irruption chez moi sur la pointe des pieds...