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Dernier volet d’une trilogie romanesque ouverte dans Les exilés
de la mémoire et poursuivie avec La dernière heure du dernier
jour, La fête de l’ours puise une nouvelle fois dans
l’histoire familiale de Jordi Soler, pour mieux nous embarquer dans une fiction
qu’on goûtera même sans avoir lu les deux livres précédents.
Comme il l’explique ci-dessous, c’est en romancier et non en
mémorialiste qu’il se saisit de l’anecdote et du cadre historique, même si le
narrateur s’appelle Jordi Soler.
Celui-ci, après une causerie à Argelès-sur-Mer, est abordé
par une femme qui, sans un mot, lui donne une photo et une lettre. Il oublie
qu’il a glissé les documents dans sa poche et, quand il y repense, il découvre
sur le cliché Martí, son arrière-grand-père, Arcadi, son grand-père, et Oriol,
son grand-oncle. La photo est datée de 1937, sur le Front d’Aragon, en pleine
guerre civile espagnole. Selon la légende familiale entretenue par Arcadi,
Oriol a disparu en 1939 dans les Pyrénées, alors qu’il tentait de franchir la
frontière. La présence de cette photo en France, en 2007, surprend. La lettre,
encore bien davantage. Un certain Novembre Mestre lui écrit pour contester avec
vigueur la mort d’Oriol telle qu’Arcadi l’a racontée, telle aussi que Jordi l’a
transcrite dans un livre : le fugitif a survécu, explique Novembre qui fut
son sauveteur dans la montagne.
Coupable de l’avoir tué prématurément dans son livre, Jordi
ne tarde pas à repartir vers les Pyrénées à la rencontre de ce Novembre qui,
peut-être, lui dévoilera la vérité sur la vie d’Oriol, de 1939 à sa véritable
mort.
Alors commence, pour le narrateur, un voyage dans le temps
et dans l’espace qui lui réserve bien des surprises. Pas toujours agréables.
Car au fond, la légende d’Oriol, si elle niait involontairement toutes les
années postérieures à 1939, était confortable. Tandis que les doutes sur la
suite s’accumulent, pour la reconstitution d’un portrait bien différent.
La fête de l’ours,
roman où on rencontrera une authentique fête de l’ours, suit un chemin aussi
tortueux que les sentiers des Pyrénées sur lesquels Oriol a tracé les premières
lignes de son destin encore inconnu de Jordi Soler. Celui-ci épouse successivement
les certitudes et les interrogations, jusqu’aux révélations les plus pénibles.
Jusqu’à, aussi, un final chargé à parts égales de réalisme et de symbolisme.
Après lequel on sera aussi soulagé que déçu d’avoir à tourner la dernière page.
Vous utilisez de
longues phrases. Pourquoi ?
C’est lié à la
musique. J’écris à l’oreille. J’aime à penser que mes lecteurs, en lisant un de
mes romans, se sentent invités à lire à haute voix. C’est probablement parce
que je suis d’abord poète : j’écris un poème chaque matin. Pour la
dimension sonore de mes romans, j’écris toujours avec une sorte de bande-son.
Au cours de l’écriture d’un roman, j’écoute un CD qui me met en harmonie avec
l’histoire que j’écris. Pour La fête de l’ours, j’écoutais en boucle la Messe de Salzbourg, de Franz Biber. J’ai l’impression que la musique ressemble à la
littérature : il y a une ligne d’argumentation, la mélodie ; nous
tenons un rythme, nous allons de l’avant dans les répétitions, les changements
de vitesse, en construisant des ponts entre une idée et une autre.
La frontière entre
l’Espagne et la France délimite une part de la narration…
La fête de l’ours est
un roman contemporain. Il ya des téléphones mobiles, des recherches Google… A
un certain moment, le narrateur, dans les Pyrénées, a besoin de savoir s’il est
en Espagne ou en France. Tout à coup, il remarque que son téléphone change
d’opérateur selon le pays, selon une ligne virtuelle. Et puis il pense qu’en
Europe, les frontières n’ont pas disparu, elles ont seulement changé de gestionnaire.
Une autre limite
difficilement perceptible est celle qui sépare le narrateur de l’auteur. Est-ce
clair pour vous ?
Certains éléments sont
tirés de la réalité. Le narrateur est, comme moi, un fils de l’exil et, comme
moi, il est né à Veracruz. Oriol, l’oncle du narrateur, était en fait un de mes
oncles qui, en essayant de fuir le régime franquiste, s’est perdu dans les
Pyrénées. Avec ces éléments j’ai commencé à écrire cette histoire. Mais La
fête de l’ours est un roman. L’Histoire n’est
pour moi qu’un terrain littéraire. Je ne suis spécialiste ni de la guerre
civile, ni de l’exil. J’ai abordé ces thèmes parce qu’ils sont pleins de belles
histoires.