Si aujourd’hui la Syrie ne produit à peine plus de deux longs-métrages par an, ne compte plus aucune école de cinéma et à peine plus d’une trentaine de salles pour 22 millions d’habitants, le 7ème art fut pendant un temps un art majeur en Syrie.
En 1908, la première projection publique a lieu dans un café à Alep. Huit ans plus tard, la première salle de cinéma voit le jour à Damas. Puis, en 1928, Rachid Jalal et Ahmed Tello réalisent Al Muttaham Al Baree (Le suspect innoncent), film muet en noir et blanc. Le deuxième film syrien, Tahta Sama ‘Dimashq (Sous le ciel de Damas) sort en 1934, la bande son Al Unshudat Fouad (Hymne du cœur) connaîtra d’ailleurs un immense succès. Douze ans plus tard, la Syrie obtient son premier studio de production, la production syrienne peut alors se développer et avec elle les carrières des acteurs et des réalisateurs.
Dans les années 60, les ciné clubs fleurissent à Damas, participant du mouvement culturel syrien. Courant 70, une semaine du cinéma et de la politique est créée avec le soutien de la célèbre revue cinématographique française, Les Cahiers du Cinéma.
Mais à partir des années 80 le mouvement culturel citoyen syrien est stoppé, le régime met fin à l’essor du cinéma et laisse les productions hollywoodiennes et bollywoodiennes envahir les écrans du pays. L’État contrôle l’ensemble de la production et de la distribution des films, le cinéma syrien devient alors un instrument de propagande.
Pour autant les cinéastes résistent, utilisant comme ils le peuvent leurs films pour dénoncer l’oppression du régime. Parmi eux, Omar Amiralay,qui toute sa vie mis à profit ses documentaires pour s’opposer aux pratiques dictatoriales du gouvernement et faire vivre le cinéma syrien.
En 2008, un ciné club réapparait à Damas, au centre culturel français. Son existence sera malheureusement de courte durée puisqu’en 2011 le début du conflit vient mettre fin à ce ciné club.
Aujourd’hui, Arte, en partenariat avec l’association Norias, veut faire revivre ces cinés clubs, pour permettre au cinéma syrien d’exister, pour lui rendre hommage et pour soutenir ceux et celles qui face à l’oppression et à la guerre refusent de se taire.
Le 18 avril dernier, jour anniversaire de la révolution syrienne qui débuta à Homs en 2011, a eu lieu la première projection du Ciné Club Syrien, une projection à laquelle de nombreux intellectuels, cinéastes syriens ont assistés, émus et fiers.
Talal Derki, le réalisateur de Homs, Chronique d’une révolution, le film projeté ce soir là, déclara ainsi : « il faut savoir où l’on a commencé et où l’on va aller, nous qui sommes devenus quasi invisibles, nous que les autres ne veulent ni voir ni reconnaître ».
Le Ciné Club Syrien est alors un moyen de faire cesser l’aveuglement, pour réveiller les consciences, pour enfin ouvrir les yeux sur ceux et celles que l’on refuse de voir.
Du 18 avril au 4 juillet seront ainsi présentés au cinéma l’Accattone à Paris les films de plusieurs cinéastes syriens, nous livrant à travers leur œuvre leur vision de leur société.
Le premier film proposé dans le cadre du Ciné Club, Homs, Chronique d’une Révolution est un documentaire de Talal Derki qui présente la révolution à travers une personne, Basset, un jeune syrien, leader du mouvement révolutionnaire citoyen de Homs.
Talal Derki souhaitait rester sur place, à Homs, malgré la mort qui menaçait à chaque instant. Face à la tournure des évènements, Talal a pourtant du quitter la ville. Le tournage a donc continué grâce au cameram qui envoyait les images jours après jours au réalisateur. L’important était de filmer les évènements au moments où ils se déroulaient, il ne fallait pas seulement raconter la révolution mais vivre à son rythme malgré le fait que le film pouvait s’interrompre à n’importe quel moment, qu’à tout moment ils pouvaient mourir.
Le documentaire de Talal est alors d’autant plus émouvant, puisqu’il est un symbole de la victoire contre la mort, contre la guerre.
Si Homs, Chronique d’une révolte n’est pas entièrement le miroir de Homs il est indéniablement le miroir d’un acteur de la révolution syrienne, Basset.
Ce premier film ouvre donc le Ciné Club Syrien à travers l’âme du jeune révolutionnaire, porte d’entrée sur un pays qui tente de survivre en dépit de tout, qui lutte chaque jour pour sa liberté.
A l’heure où la Syrie se désagrège sous les coups d’une guerre toujours plus meurtrière, la voix des artistes syriens s’élève, cri d’alerte lancé au monde mais aussi cri d’espoir pour leur pays.
Charif Kiwan, intellectuel syrien nous rappelle d’ailleurs que « le cinéma est un instrument démocratique qui à quelque chose à dire sur ce qui se déroule dans (leur) pays ».
Du 18 avril au 4 juillet seront projetés au Cinéma l’Accattone à Paris :
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