Depuis plusieurs mois, j’ai entrepris sur ce blog une série d’articles intitulée, "Ils ont eu le courage de dire non". Ce travail a pour ambition de participer à une histoire du XXe siècle français (1) différente de celles que l’on a l’habitude d’entendre ou de lire. En effet, plutôt que de décrire une succession d’événements portés par des hommes d’Etat, par de "grands hommes", celle-ci s’attache à faire la lumière sur les mouvements populaires, faisant ainsi du peuple, l’acteur central de l’Histoire. On nomme cela de l’histoire populaire. C’est l’historien américain Howard Zinn qui a théorisé ce concept, notamment à travers son œuvre majeure, Une histoire populaires des Etats-Unis (2). La lecture de cet auteur m’a profondément inspirée. J’ai donc ici choisi de publier différents extraits de son ouvrage dans lesquels l’historien y décrit le sens de sa démarche.
Qu’est ce que l’histoire populaire ?
"Il s’agit d’une histoire irrespectueuse à l’égard des gouvernements et attentive aux mouvements de résistance populaire. Une histoire qui penche clairement dans une certaine direction, ce qui ne me dérange guère tant les montagnes de livres d’histoire sous lesquelles nous croulons penchent clairement dans l’autre sens. Ces ouvrages font preuve d’un si grand respect envers les États et les hommes d’État et sont si peu attentifs – sans doute par inadvertance – aux mouvements populaire qu’il nous faut faire contrepoids pour éviter de sombrer dans la soumission (…).
La notion de sauveur traverse toute notre culture, bien au-delà de la seule politique. Nous avons appris à nous en remettre aux stars, aux dirigeants et aux experts en tous genres, négligeant de ce fait nos propres ressources, notre propre force et pour finir notre personnalité même. Mais il arrive de temps en temps que les Américains rejettent cette idée et qu’ils se révoltent (…).
Rappeler cela, c’est dévoiler au peuple ce que le gouvernement souhaiterait pourtant qu’il oublie – cette capacité considérable des gens apparemment désarmés à résister, des gens apparemment satisfaits à exiger des changements. Faire cette histoire, c’est retrouver chez l’homme ce formidable besoin d’affirmer sa propre humanité. C’est également affirmer, même dans les périodes de profond pessimisme, la possibilité de changements surprenants (…).
La plupart des historiens sous-estiment les mouvements de révolte et accordent trop d’importance aux hommes d’État, nourrissant ainsi le sentiment d’incapacité général chez les citoyens (…). L’histoire qui maintient en vie la mémoire des mouvements populaires suggère de nouvelles définitions de pouvoir.
Traditionnellement, on considère que quiconque possède la puissance militaire, la fortune, la maitrise de l’idéologie officielle et la suprématie culturelle détient le pouvoir. Mesurée à cette aune, la résistance populaire ne parait jamais assez forte pour survivre. Pourtant, les victoires inattendues des rebelles – mêmes les victoires momentanées – démontrent la vulnérabilité des soi-disant puissants" (3).
Retrouvez les premiers numéros de "Ils ont eu le courage de dire non"
- Les mutins du 17° régiment d’infanterie de Béziers (1907) http://2doc.net/8849v
- Les détenus en révolte durant l’été 1974 http://2doc.net/hwm27
- Les opposants au projet de centrale nucléaire de Plogoff (1974-1981) http://2doc.net/2xpa2
-Les mineurs de Decazeville (1961– 1962) http://2doc.net/9snjv
- Les résistants du groupe Manouchian (1943-1944) http://2doc.net/iwghc
- Les ouvrières et ouvriers moutonniers de Graulhet (1909-1910) http://2doc.net/o66sz
Les prochains numéros seront consacrés aux étudiants en lutte contre le CPE (2006), aux mutins de la Grande guerre (1914-1918), aux marcheurs pour l’égalité et contre le racisme (1983) ou encore aux sardinières de Douarnenez en grève en 1924.
(1) Et du début du XXIe siècle.
(2) Ouvrage édité aux États-Unis en 1980.
(3) Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis de 1492 à nos jours, Agone, 2002.