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Par Régis Dauxois
En effet, les titres de l'Etat français sont gérés par un opérateur qui se nomme Euroclear France. C'est une société internationale de dépôt et de règlement/livraison pour les obligations, actions et fonds d'investissement, créée en 1968 à Bruxelles. L'autre dépositaire de même importance étant... Clearstream . Il faut savoir aussi que le montant annuel des transactions sur titres dénouées en Euroclear dépasse les 300.000 milliards d’euros (500.000 milliards en 2007) et la valeur des avoirs détenus pour ses clients est supérieure à 13.000 milliards d’euros. Comble de malchance, cet opérateur en tant que conservateur d’instruments financiers n'a légalement aucune obligation de rendre publique la liste des détenteurs finaux... C'est d'ailleurs la réponse que s'était vu opposée une parlementaire (UMP !) qui avait posé la question au nom de la transparence. Bref, nous n'avons pas le droit de savoir à qui nous devons de l'argent...Toutefois, nous savons que les principaux créanciers se trouvent principalement dans les Iles Caïmans, au Luxembourg ou au Royaume-Uni (du fait des sociétés écrans basées à Londres). Ces créanciers, à eux seuls représentent plus du tiers des créances de l'Etat.
Pour les autres créanciers, nous retrouvons des pays asiatiques et des pays du Proche-Orient comme l'Egypte, le Koweit, le Qatar, l'Arabie Saoudite et même la Libye...
Cet accroissement de créanciers étrangers s'explique notamment par l’ouverture des marchés et la création de nouveaux instruments financiers internationaux sur ces trente dernières années.Et la dette sociale ?Terminons ce rapide tour d’horizon de la problématique de la dette par celle incombant au soi-disant « déficit » de la sécurité sociale et de ses trois branches (allocations familiales, retraite, assurance maladie).Rappelons que la dette des organismes de protection sociale est la partie congrue de la dette publique.Grosso modo, à la fin de l'année 2011, au 1300 milliards d'euros de dette de l'Etat, viennent s'ajouter 10 milliards des organismes divers d'administration, 166 milliards des administrations publiques locales et 205 milliards des organismes de protection sociale (en dettes cumulées).Une dette sociale fabriquée de toutes piècesConcernant particulièrement les organismes de sécurité sociale, c'est toute une politique du chômage qui l'a générée (puisque les cotisations sociales sont assises sur les salaires). Plus la politique économique néo ou ultra libérale consiste à rétrécir la masse salariale, et à exclure des millions de personne du marché du travail, il est évident que les recettes sont durement et durablement amputées.Ce sont aussi et successivement les politiques d’exonération de charges sociales qui ont privé les organismes de sécurité sociale d’autant de recettes.Mais ce sont également d’autres facteurs qui ont joué et notamment celui des profits réalisés par l’industrie pharmaceutique, sur le dos des assurés / patients.Quand la « sécu » rembourse les médicaments, elle finance du même coup les profits de ces grands groupes.En 2011, La Mutuelle générale des cheminots (MGC) publie une « Enquête sur l’industrie pharmaceutique ». Elle y dénonce comme « tout simplement spoliatrice » la marge moyenne de 31% sur les produits de cette industrie. Des profits « hors norme » qui devraient continuer à augmenter dans les années à venir. Rien que Sanofi-Aventis a enregistré en 2009 une hausse de son bénéfice de 17% en un an (soit un bénéfice de 8 milliards d’euros) et un chiffre d’affaire annuel de 29.3 milliards d’euros en progression de plus de 5%. Soit une rentabilité de 29%. Et de surcroît, les laboratoires pharmaceutiques demandent à l’Etat « un maintien des moyens alloués à la recherche publique » afin de pouvoir bénéficier des découvertes des chercheurs... « publics » !Conclusion : pour un audit citoyen de la dette publique, poursuivons l’action !Au final, le discours dominant sur « l’effroyable dette publique » n’est qu’un discours écran, qui ne sert qu’à occulter les stratégies réelles des classes dominantes. La dette a été accumulée en toute connaissance de cause par les gouvernements successifs, au service du capitalisme financier. Le « trou de la sécu » a été le résultat prévisible des mesures d’exonérations des cotisations sociale (qui ont bénéficié bien plus aux grandes entreprises qu’aux petites pme pmi qui en avaient besoin), de la suppression de taxes parafiscales qui étaient au départ destinées à la Sécu (alcool, tabac, auto) ou encore d’une politique extrêmement laxiste concernant la non déclaration, par les employeurs, des accidents du travail et maladies professionnelles...Malheureusement, la critique du discours dominant a beaucoup de mal à « faire le poids » face à une propagande quotidienne. Ce dont nous devons convaincre nos concitoyens (ou tout du moins une large partie d’entre eux) , ce n’est pas de nous croire « sur parole », mais de l’absolue nécessité de refaire précisément les comptes de la dette sociale.L’appel lancé en 2011 pour un audit citoyen de la dette, par des personnalités et nombre d'organisations syndicales, associatives et politiques, rejoints depuis par plus de 50 000 citoyens (Audit-citoyen.org), nous semble particulièrement pertinent. Au-delà du discours d’opposition frontal, cette initiative porte le message suivant : vous nous dites que la dette sociale est abyssale, et bien, étudions cela de près, collectivement. La dimension de la proposition est pédagogique, démocratique, fondamentalement légitime.Depuis le lancement de l’appel, des collectifs locaux se créent dans de nombreuses localités pour proposer aux citoyens de s'emparer de ce débat. Ces initiatives n'ont pas encore intéressé les médias, mais veulent susciter dans les profondeurs de la société un débat de la même intensité que celui qui a précédé le référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005.Régis Dauxois