Les comptes de la dette : pour un audit citoyen !
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Par Régis DauxoisLa dette, la dette, la dette ! Elle serait abyssale, insupportable, catastrophique... Voila la ritournelle lancinante, entendue et réentendue sur toutes les chaînes de télévision. Une « analyse » alarmiste que reprennent en cœur tous les grands titres de la presse...La dette signifierait que nous vivrions au-dessus de nos moyens, menaçant les générations futures d’une vie à crédit ingérable (pensez-vous, la dette représentant « 30 000 » euros par personne...Mais de quoi parle-t-on en réalité ?D’abord, « on » ( ?) mélange tout ! La dette de l’Etat ne peut se confondre avec l’endettement des organismes de protection sociale (la somme des deux formant ce que l’on nomme la « dette publique »). Et ces deux types de dettes ne peuvent se confondre non plus avec la dette privée (qui est l’endettement des ménages et des entreprises). Pourquoi cette « dette privée » serait-elle plus supportable par le système économique (alors que c’est bien l’accumulation d’une telle dette qui déclenche les crashs financiers !).Nous sommes face à un discours dominant uniquement axé sur un objectif : désengager l’Etat dans ce qu’il représente de mutualisation des moyens publics mis à disposition de toutes et de tous, transformer le pays en « zone de production à moindre coût », par la baisse des salaires, le chantage à l’emploi, etc. C’est le discours d’une classe sociale, celle des grands industrielles et financiers, celles des élites qui considèrent toute politique publique comme un obstacle à l’accroissement des profits. Une armée médiatique de serviteurs zélés le relaye (ne serait-ce que pour maintenir leur place ou réussir leur carrière), sans poser de questions, et en faisant toujours l’impasse sur les mêmes sujets.Reprenons quelques points précis de la problématique de la « dette ».La médiatiquement discrète « dette privée »Premièrement, quand on parle de dette publique, qui va parler du montant de cettedette privée que nous évoquions précédemment ? Et pourtant celle-ci est bien plus élevée « en % du PIB » dans la zone euro et constitue une véritable bombe à retardement. C’est d’elle, sans aucun doute, que viendra un nouveau crash financier. On notera qu’elle augment partout beaucoup plus vite que la dette publique (sauf en Allemagne). Dans les composantes de cette dette privée, on retrouve les tristement fameuses bulles immobilières. Les records d’endettement privé se retrouvent au Royaume Uni (elle y atteint 152 % non pas du PIB mais du Revenu disponible brut, c’est-à-dire le revenu qui reste au ménage après impôt et prestations sociales). Par conséquent, l’on voit déjà combien se focaliser sur la « dette publique » est absurde.Mais ce n’est pas fini...Une dette, certes, mais les actifs ?Deuxièmement, reprenons la question de la dette de l’Etat. La comparer à une dette d’un ménage est stupide. D’abord et tout simplement parce que la longévité d’un Etat et celle d’un ménage ne sont pas comparables. Et leurs actifs non plus. Hors, lorsque vous entendez des chiffres comme « 1523 milliards d’euros » (c’est la dette estimée de l’Etat au dernier trimestre 2013), vous précise-t-on, dans le même temps, la valeur de ce que représentent tous les biens dudit Etat ? Bien entendu, nous ne prônons pas, pour notre part, une cession de ces actifs, un abandon de ce patrimoine, mais notre propos est de mettre en évidence quelques incohérences majeures du discours actuels sur cette forme de dette. Bref, l’ensemble de ces actifs devrait être sérieusement audité. Car il est toujours difficile, voire impossible d’avoir une vision claire de la situation, vue les modes de comptabilité retenus... par l’Etat. Une étude datant de 2004 précisait que même Bercy était incapable de chiffrer le patrimoine de l’Etat et des collectivités territoriales... (Eric Pichet, le patrimoine de l’Etat, une évaluation au 1er janvier 2004, Politiques et management public, vol 23, n02, p119 – 146). Grosso modo ce rapport l’estimait, à cette époque, à quelques 1100 milliards d’euros. Mais, reconnaissent les auteurs, cette estimation se heurte à un problème de taille : s’il est relativement aisé de définir ce qui constitue le patrimoine d’un ménage, il n’en est pas de même pour l’Etat. La frontière qui sépare le patrimoine de l’Etat des autres collectivités publiques ou des organismes de sécurité sociale n’est pas nette. A cela s’ajoute une seconde ligne de partage, encore plus floue, entre ce qui appartient directement à l’Etat, ou aux personnes morales de droit public », établissements publics, sociétés anonymes dont le capitale est détenu en tout en en partie par l’Etat... Ainsi, l’Etat ne possède qu’indirectement les infrastructures ferroviaires ou les centrales nucléaires, qui figurent dans les patrimoines respectifs de la RFF et de EDF... Tout est embrouillé, enchevêtré, et donc illisible. Une conclusion serait d’en déduire le caractère impératif et urgent d’un vaste audit détaillé ! Pour en rester à notre sujet, disons seulement que ces annonces de chiffres relatifs à une dette ne valent rien si l’on ne les compare pas à la valeur des actifs, valeur que l’on peut considérer inconnue ! Mais de cela, pas grand nombre n’en parle...Mauvaise dette, bonne dette...Troisièmement, lorsque l’on emprunte, il peut exister différentes raisons et surtout différentes finalités. Un emprunt peut servir à couvrir des dépenses de fonctionnement non maîtrisées. En tant que défenseur du service public, nous ne pouvions nier les incroyables gaspillages dont les responsables sont les tutelles ministérielles, des directions d’établissements et d’institutions, des kyrielles d’encadrants obnubilés par l’auto justification de leur fonction. Il n’est qu’à voir les multiples simulacres de changements, des modifications d’organisation sans logiques et dénuées de sens, un changement permanent dont vont pâtir des millions de salariés, pour être convaincus que le « millefeuille » du système étatique et para-étatique français est à réorganiser en profondeur. Il ne s’agit pas, dans notre esprit de réduire le nombre d’agents publics (bien au contraire). Il s’agit de procéder à une réorganisation des dispositifs administratifs. Tout cela pour en arriver l’idée, sur ce point, qu’il serait tout à fait évitable de s’endetter pour couvrir des dépenses de fonctionnement (tout en améliorant la qualité du service public et en embauchant de nouveaux agents...). Par contre, l’endettement devient quelque chose de tout à fait positif lorsqu’il s’agit de financer des investissements. Et c’est là qu’est le principal problème. L’Etat (donc l’ensemble des contribuables) payent chaque année près de 50 milliards (un peu moins : 46,7 milliards prévus dans le budget 2014) d’euros pour régler les seuls intérêts de sa dette. Parallèlement à cela, les investissements de l’Etat ne dépassent pas 3 à 4 % de son budget (3,7 % en 2013). De plus, les principaux investissements de l’Etat concernent les dépenses militaires, acquisition de navires, avions, armements divers et variés !! La vraie question est donc de savoir quelle politique d’investissement voulons-nous voir se mettre en place ? Si l’Etat emprunte, et investi dans de grands chantiers (dans la transition énergétique, des chantiers de rénovations des quartiers populaires, dans la construction de résidences publiques pour personnes âgées, dans des crèches, dans le développement des systèmes d’éducation et de formation, etc.), il est certain que ces investissements seront rentables et fortifieront notre économie. Mais cela, il s’agit d’une vision à long terme, et non plus de bricolages à très courts termes...La question des créanciers et des taux d’intérêtD’entrée de jeu, précisons que selon nous, le problème de vient pas de la « loi de 1973 » qui est fréquemment évoquée dans les médias et réseaux sociaux comme cause de tous les maux et cause première de la « crise ». Pire encore, cette thèse, de nature complotiste, prend racine dans les milieux nauséabonds de l’extrême droite soraliène. D’abord, cette loi n’est plus en vigueur, et ce depuis 1994. Sur le fond, elle n’apportait rien de nouveau sur le plan de l’emprunt (puisqu’à l’époque l’Etat ne se contentait pas d’en recourir à la planche à billet !). De plus, il faut rappeler que cette loi a été abrogée le 1er janvier 1994, et remplacée par celle du 4 aout 1993. Par ailleurs, nos complotiste ne retiennent que l’article 25, quiStipule que "Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l'escompte de la Banque de France." Mais la loi est complexe (l’article 25, signifie que la banque de France ne peut acheter directement des bons du trésor) et l’on peut lire un article 19 précise clairement que "Les conditions dans lesquelles l'Etat peut obtenir de la Banque des avances et des prêts sont fixées par des Conventions passées entre le Ministre de l'Economie et des Finances et le Gouverneur, autorisé par délibération du Conseil général [de la Banque de France]. Ces Conventions doivent être approuvées par le Parlement. ». Encadrement pas le Parlement donc, mais aucunement interdiction de recourir à la Banque centrale.Comme le souligne Pierre-Cyrille Hautcoeur et Miklos Vari, dans un article paru dans le Monde (18 04 2012) l'article 25 qui fait tant polémique n'est en vérité qu'une disposition technique ajoutée par un sénateur vigilant pour empêcher que l'article 19 ne soit contourné et assurer le contrôle du Parlement.Le problème n’est donc pas dans le contenu de cette loi passée.Si la France est bien passée d’un financement de la dette publique dans le cadre du « circuit du Trésor » à un financement par le marché, le coût de la dette plombée par la crise financière est d’abord dû à une dérégulation des marchés financiers. Nous dirons à un capitalisme financier ultra-sauvage !Un vrai débat serait celui qui questionnerait le rôle de la banque centrale européenne. Une proposition, défendue par plusieurs économistes de renom comme Patrick Artus ou encore Hélène Rey (des personnalités que l’on ne peut taxer d’être des militants anticapitalistes !) consisterait à donner un nouveau rôle à la BCE afin qu’elle annonce un taux d'intérêt plafond sur les dettes publiques et son intention de racheter sans limitation les titres de dette si ce taux est dépassé sur le marché. Bref, si l’on veut en revenir pour l’instant au coût des intérêts et à l’identité des créanciers il faut savoir que l’Etat français a, entre 1998 et 2007, emprunté sur les marchés à des taux élevés (4,15 % en moyenne). L’Etat empruntait donc à des banques, qui elle-même empruntaient à la Banque centrale européenne à des taux bien plus faibles (1%). Concrètement, l’accentuation de la dette des Etats a considérablement enrichi les banques ! Dernièrement, ces taux ont sensiblement baissés. En 2014, l’Etat devrait aller chercher quelques 170 à 180 milliards d’euros sur les marchés, à des taux d’environ 1,6% en moyenne. Cela étant, les périodes de taux élevés ont et continueront de « plomber » les comptes. En tout et pour tout, on estime à environ 1300 à 1400 milliards d’euros la note payées par l’Etat au titre des intérêts de la dette, depuis 1980.Comment s’expliquent ces variations de taux d’intérêt ? Un économiste libéral vous dira que ces taux sont le reflet du marché, du rapport entre l’offre et la demande de crédit et fonction de la situation et des perspectives relatives à l’inflation, des estimations sur la solvabilité des emprunteurs, etc.. Mais en réalité le système est tellement hyper-complexe et opaque que personne n’y comprend réellement quelque chose. Il est largement traversé de logiques irrationnelles (confiance et perception subjective d’une situation) et par les perspectives de gains à court terme, de nature purement spéculative. Bref, personne n’est en mesure de comprendre pourquoi à telle ou telle date, le taux d’intérêt va varier de x points...Le taux zéro, une hérésie économique ?Ce faisant, il serait tout à fait possible d’envisager d’autres modèles de fonctionnement pour répondre aux besoins de financement des Etats, en vue d’investissements productifs, et surtout socialement utiles.Il serait tout à fait possible selon nous de pratiquer des prêts à taux zéro (à noter que la BCE lorsqu’elle fixe des taux à 0,25 % n’en est pas loin !). Le principal objectif et le grand intérêt d’un tel système serait de limiter les risques au maximum de voir un Etat s’embourber dans une dette dont il ne pourrait plus sortir, en raison du seul poids du coût des intérêts accumulés.Que l’Etat s’ouvre un crédit à 0% auprès de la banque centrale ou d’une banque centrale commune à plusieurs pays au sein d’un espace économique commun n’est pas un problème en soi, à compter que l’on accepte de mettre en place et de faire respecter un certain nombre de règle de bonne gestion et de bonne conduite...Par exemple, dans un contrat d’emprunt, l’emprunteur peut s’engager à suivre une politique de maîtrise des prix et des revenus, afin de contenir des phénomènes d’inflation dans des limites acceptables ;De même, il n’est aucunement choquant, sur le fond, que la Banque centrale, avant de consentir le prêt à taux zéro, demande des garantie sur la viabilité économique des projets envisagés et qui motivent la demande de crédit (puisque la création monétaire générée par l’ouverture du crédit doit se solder à terme par une création de richesse) Ne soyons pas naïfs, nous savons que les institutions et/ ou les acteurs d’un système institutionnels peuvent rapidement prendre de mauvaises habitudes, recourir à des solutions de facilité pour faire perdurer des fonctionnements existants (ou maintenir les places)... Si l’argent est gratuit, la tentation sera alors grande de recourir à l’emprunt, sans tenir compte de la réelle rentabilité des actions ou pour masquer des déficiences organisationnelles chroniques, sans se remettre en cause.Cependant, nous pouvons tout à fait imaginer, nous semble-t-il, une banque centrale, indépendante, pilotée et contrôlée par des acteurs suffisamment variés pour équilibrer les pouvoirs (représentants de salariés, élu-es, experts et personnalités de la société civile.. ) et qui, en débattant, au regard des expertises éventuelles, poseraient les conditions du prêt à taux zéro octroyé. Ils seraient alors en mesure de réguler une politique des prêts à l’Etat et aux collectivités locales, en fonction des usages programmés de l’emprunt demandé. Si l’on ne veut pas, par ailleurs, donné trop de pouvoir de blocage à la Banque centrale, on peut imaginer encore d’autres modalités de fonctionnement, comme la possibilité d’un recours, d’un second examen, ou, sur des projets dont l’importance est majeure et reconnue comme telle par un vote du peuple (référendum), une obligation pour la Banque centrale d’accéder à la demande d’ouverture de crédit... Tout est possible, à compter d’en avoir la volonté et de commencer à y réfléchir ! Comme on le voit, la question est aussi celle, éminemment politique de savoir comment nous pouvons assurer une gestion démocratique et citoyenne de l’organisme bancaire central...Qui sont nos créanciers ?Après ce rapide détour utopique, poursuivons sur la dette actuelle de l’Etat français. Qui sont nos créanciers ? A qui l’Etat a-t-il emprunté toutes ces dernières années ? A qui avons-nous payé ces quelques 1400 milliards d’euros d’intérêt ? En réalité, nul ne le sait précisément.
En effet, les titres de l'Etat français sont gérés par un opérateur qui se nomme Euroclear France. C'est une société internationale de dépôt et de règlement/livraison pour les obligations, actions et fonds d'investissement, créée en 1968 à Bruxelles. L'autre dépositaire de même importance étant... Clearstream . Il faut savoir aussi que le montant annuel des transactions sur titres dénouées en Euroclear dépasse les 300.000 milliards d’euros (500.000 milliards en 2007) et la valeur des avoirs détenus pour ses clients est supérieure à 13.000 milliards d’euros. Comble de malchance, cet opérateur en tant que conservateur d’instruments financiers n'a légalement aucune obligation de rendre publique la liste des détenteurs finaux... C'est d'ailleurs la réponse que s'était vu opposée une parlementaire (UMP !) qui avait posé la question au nom de la transparence. Bref, nous n'avons pas le droit de savoir à qui nous devons de l'argent...Toutefois, nous savons que les principaux créanciers se trouvent principalement dans les Iles Caïmans, au Luxembourg ou au Royaume-Uni (du fait des sociétés écrans basées à Londres). Ces créanciers, à eux seuls représentent plus du tiers des créances de l'Etat.
Pour les autres créanciers, nous retrouvons des pays asiatiques et des pays du Proche-Orient comme l'Egypte, le Koweit, le Qatar, l'Arabie Saoudite et même la Libye...
Cet accroissement de créanciers étrangers s'explique notamment par l’ouverture des marchés et la création de nouveaux instruments financiers internationaux sur ces trente dernières années.Et la dette sociale ?Terminons ce rapide tour d’horizon de la problématique de la dette par celle incombant au soi-disant « déficit » de la sécurité sociale et de ses trois branches (allocations familiales, retraite, assurance maladie).Rappelons que la dette des organismes de protection sociale est la partie congrue de la dette publique.Grosso modo, à la fin de l'année 2011, au 1300 milliards d'euros de dette de l'Etat, viennent s'ajouter 10 milliards des organismes divers d'administration, 166 milliards des administrations publiques locales et 205 milliards des organismes de protection sociale (en dettes cumulées).Une dette sociale fabriquée de toutes piècesConcernant particulièrement les organismes de sécurité sociale, c'est toute une politique du chômage qui l'a générée (puisque les cotisations sociales sont assises sur les salaires). Plus la politique économique néo ou ultra libérale consiste à rétrécir la masse salariale, et à exclure des millions de personne du marché du travail, il est évident que les recettes sont durement et durablement amputées.Ce sont aussi et successivement les politiques d’exonération de charges sociales qui ont privé les organismes de sécurité sociale d’autant de recettes.Mais ce sont également d’autres facteurs qui ont joué et notamment celui des profits réalisés par l’industrie pharmaceutique, sur le dos des assurés / patients.Quand la « sécu » rembourse les médicaments, elle finance du même coup les profits de ces grands groupes.En 2011, La Mutuelle générale des cheminots (MGC) publie une « Enquête sur l’industrie pharmaceutique ». Elle y dénonce comme « tout simplement spoliatrice » la marge moyenne de 31% sur les produits de cette industrie. Des profits « hors norme » qui devraient continuer à augmenter dans les années à venir. Rien que Sanofi-Aventis a enregistré en 2009 une hausse de son bénéfice de 17% en un an (soit un bénéfice de 8 milliards d’euros) et un chiffre d’affaire annuel de 29.3 milliards d’euros en progression de plus de 5%. Soit une rentabilité de 29%. Et de surcroît, les laboratoires pharmaceutiques demandent à l’Etat « un maintien des moyens alloués à la recherche publique » afin de pouvoir bénéficier des découvertes des chercheurs... « publics » !Conclusion : pour un audit citoyen de la dette publique, poursuivons l’action !Au final, le discours dominant sur « l’effroyable dette publique » n’est qu’un discours écran, qui ne sert qu’à occulter les stratégies réelles des classes dominantes. La dette a été accumulée en toute connaissance de cause par les gouvernements successifs, au service du capitalisme financier. Le « trou de la sécu » a été le résultat prévisible des mesures d’exonérations des cotisations sociale (qui ont bénéficié bien plus aux grandes entreprises qu’aux petites pme pmi qui en avaient besoin), de la suppression de taxes parafiscales qui étaient au départ destinées à la Sécu (alcool, tabac, auto) ou encore d’une politique extrêmement laxiste concernant la non déclaration, par les employeurs, des accidents du travail et maladies professionnelles...Malheureusement, la critique du discours dominant a beaucoup de mal à « faire le poids » face à une propagande quotidienne. Ce dont nous devons convaincre nos concitoyens (ou tout du moins une large partie d’entre eux) , ce n’est pas de nous croire « sur parole », mais de l’absolue nécessité de refaire précisément les comptes de la dette sociale.L’appel lancé en 2011 pour un audit citoyen de la dette, par des personnalités et nombre d'organisations syndicales, associatives et politiques, rejoints depuis par plus de 50 000 citoyens (Audit-citoyen.org), nous semble particulièrement pertinent. Au-delà du discours d’opposition frontal, cette initiative porte le message suivant : vous nous dites que la dette sociale est abyssale, et bien, étudions cela de près, collectivement. La dimension de la proposition est pédagogique, démocratique, fondamentalement légitime.Depuis le lancement de l’appel, des collectifs locaux se créent dans de nombreuses localités pour proposer aux citoyens de s'emparer de ce débat. Ces initiatives n'ont pas encore intéressé les médias, mais veulent susciter dans les profondeurs de la société un débat de la même intensité que celui qui a précédé le référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005.Régis Dauxois