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"La fête de l'insignifiance" de Milan Kundera

Publié le 21 avril 2014 par Francisrichard @francisrichard

Vous en avez assez de ceux qui vous disent à tout propos: "Cela fait sens".

Vous avez envie de ne plus prendre les choses au sérieux parce que cela vous fait du mal et parce que la vie est trop courte, surtout celle qui vous reste promise.

Vous êtes captivé par ce qui est non-sens, justement parce que cela n'a aucun sens.

Alors faites La fête de l'insignifiance avec Milan Kundera.

Vous verrez, vous en sortirez de bonne humeur, une bonne humeur infinie pour peu vous ne vous preniez pas non plus au sérieux.

Il faut être un écrivain reconnu et n'ayant plus rien à prouver pour écrire un tel roman, où le regard sur les êtres et les choses compte davantage que l'intrigue.

Quoi que vous écriviez, dans ces conditions, est alors empreint d'une légèreté, celle de  l'esprit qui s'est, au long d'une vie, allégé de toutes ses scories.

Plus que jamais Milan Kundera est le démiurge des personnages qui évoluent dans son monde rêvé et leur fait dire ce qui lui passe par la tête; leur fait faire ce que sa fantaisie ordonne. Ils savent qu'il est le maître de leur existence et il s'adresse avec bonheur au lecteur pour le prendre à témoin de leurs facéties.

Cela commence très fort, dès les deux premières pages, quand Alain médite sur le nombril:

"Il observait les jeunes filles qui, toutes, montraient leur nombril dénudé entre le pantalon ceinturé très bas et le tee-shirt coupé très court. Il était captivé; captivé et même troublé: comme si le pouvoir de séduction ne se concentrait plus dans leurs cuisses, ni dans leurs fesses, ni dans leurs seins, mais dans ce petit trou situé au milieu du corps."

Si Alain a des mots pour décrire et définir l'orientation érotique correspondant à ces parties anatomiques, considérées comme des centres classiques de séduction féminine, il reste coi pour le faire s'agissant du nombril.

Que peut-on dire d'ailleurs du nombril sinon qu'il est la trace du fait d'être né d'une femme. Un ange, qui n'a pas de sexe, est sans nombril itou...

Nombre de villes ont été rebaptisées et rebaptisées au XXe siècle, mais il en est une qui ne sera plus jamais rebaptisée: Kaliningrad, l'ex-Königsberg d'Emmanuel Kant. Elle a été rebaptisée une fois pour toutes. Pourquoi? Parce que l'insignifiance de Kalinine, l'obscur et fantoche président du Soviet suprême sous Staline, ne fait de l'ombre à personne...

Si vous n'êtes pas brillant en société, sachez qu'il est inutile de l'être pour séduire une femme:

"Quand un type brillant essaie de séduire une femme" explique Ramon, "celle-ci a l'impression d'entrer en compétition. Elle se sent obligée de briller elle aussi. De ne pas se donner sans résistance. Alors que l'insignifiance la libère. L'affranchit des précautions. N'exige aucune présence d'esprit. La rend insouciante, et partant, plus accessible."

Ces deux trois exemples d'insignifiance montrent qu'il faut aimer l'insignifiance ou apprendre à l'aimer. Elle est en effet évidente, innocente et belle. Elle est non seulement la clé de la bonne humeur, mais aussi celle de la sagesse.

Francis Richard

La fête de l'insignifiance, Milan Kundera, 144 pages, Gallimard


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