Les scènes sacrées de Patinir, perdues au milieu d’un large panorama farci de détails pittoresques , semblent souvent n’être qu’un alibi au paysage.
Cependant, le but n’est jamais de célébrer les beautés de la nature pour elles-mêmes : mais bien de bâtir un décor de théâtre, qui entre en résonance avec le récit. Les détails et les scènes secondaires ne sont anecdotiques qu’en apparence. Comme nous le verrons, les paysages de Patinir sont des paysages de synthèse, des constructions narratives.
Les thèmes religieux qui justifient de vastes paysages sont peu nombreux : c’est pourquoi Patinir s’est beaucoup répété. Il affectionne les scènes de transit.
Le thème du transit
Le repos pendant la fuite en Egypte
Patinir, 1518-1520, Prado, Madrid
Charon conduisant l’âme d’un mort entre deux rives
Patinir, Prado, Madrid
Saint Christophe portant le Christ au dessus d’un fleuve
Patinir, Monastère de l’Escorial
Il est remarquable que, dans ces histoires de traversée la composition soit toujours la même : à droite le monde négatif (le Massacre des Innocents, l’Enfer, une ville bombardée), à gauche le monde du salut (l’Egypte, Le Paradis, un ermitage ).
La tentation de Saint Antoine
Patinir, Prado, Madrid
Ici, le voyage physique est remplacé par un cheminement mental, toujours avec le même rythme ternaire : le lac où se baignent les démones est à droite, la tentation au centre, et la résolution (le monastère où le saint se repose) est à gauche.
La destruction de Sodome et Gomorrhe
Patinir, musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam
Un contre-exemple néanmoins : ici les villes pècheresses sont à gauche et Loth et ses filles fuient vers la droite, mais il est vrai que dans cette histoire désespérante, il n’y a pas de salut, seulement deux enfers, puisque Loth n’échappe à la mort que pour sombrer dans le péché de l’inceste, en haut à droite du tableau
Ainsi on peut dire que les tableaux de Patinir qui traitent le thème du transit entre deux mondes, ont conservé la composition traditionnelle des triptyques du Jugement Dernier : à droite le négatif, la Damnation, à gauche le positif, le Salut.
Celle du Prado est la plus élaborée et la plus riche, certainement celle où la structure en triptyque se déploie avec le plus de profondeur symbolique.
Divisons le panneau en trois bandes verticales. La bande de droite montre un village de Judée soumis au massacre des Innocents : autrement dit la partie « Enfer » du triptyque. La bande de gauche montre symétriquement, dans sa moitié supérieure, la ville égyptienne d’Hermopolis qui est le but du voyage : autrement dit la partie « Salut« . Entre ces deux zones habitées se déploie un paysage de forêts et de champs, dans lequel la Sainte Famille a trouvé refuge.
Marie siège en majesté au centre du tableau, son visage se trouve pratiquement à l’intersection des diagonales.
Elle occupe ainsi la place de l’Archange des Jugements Derniers : à sa gauche l’Enfer, à sa droite le Paradis.
Pour cette première prise de contact, nous allons faire le tour du propriétaire, sans approfondir, en nous abandonnant au plaisir naïf des merveilles qui nous sont détaillées.
Commencons par la partie droite, l’histoire des Innocents Massacrés : elle est également à lire en trois parties, de haut en bas.
Partie droite : la Judée
Les soldats
A l’arrière-plan, la cavalerie d’Hérode arrive en renfort, depuis la ville située au fond, près d’un fleuve.
Au centre, dans le village, les soldats pénètrent dans les maisons, arrachent les bébés aux bras des femmes et les passent au fil de l’épée. Du haut de son nid sur la cheminée, une cigogne observe le massacre.
Au premier plan, une avant-garde traverse un champ de blé. Leur chef interroge un petit garçon, suffisamment âgé pour ne pas être embroché.
Le miracle des blés
La moisson vient juste de débuter : le petit garçon commence à rassembler en gerbe les premiers épis que son père vient de couper. Celui-ci se concentre sur sa tâche, tenant à main droite sa faucille, et à main gauche une sorte de crochet qui lui permet d’isoler et de courber les tiges
Heures à l’usage de Rouen.
La scène illustre le miracle des blés : pendant sa fuite, la Sainte Famille rencontra un paysan qui semait. L’enfant Jésus prit une poignée de grains, les lança, et le blé leva instantanément. Lorsque le lendemain les soldats interrogèrent le paysan, celui-ci put ainsi répondre, sans mentir : oui, ils sont passés, mais au temps des semailles ! Et les poursuivants, bernés, renoncèrent à rattraper les fugitifs.
Des soldats modernes
La scène du massacre occupe une partie minuscule du tableau : il faut s’approcher de près pour s’apercevoir que le paisible village flamand est en proie à la soldatesque, et qu’une armée encore plus menaçante est à l’approche.
Patinir attire plutôt notre attention sur la scène du miracle, qu’il traite de manière minutieuse : les soudards portent des turbans, touche exotique sensée nous rappeller que la scène se passe en Judée à l’époque d’Hérode, et non dans les Flandres au XVIème siècle (il s’agit peut-être d’une allusion aux Turcs, qui ont pris Constantinople en 1453 mais, à l’époque de Patinir, ne constituent pas encore une menace directe pour l’Europe). Quoiqu’il en soit, la scène est présentée de manière comique plutôt que dramatique : les blés sont tellement hauts que seule la pointe des piques dépasse, et un jeune garçon suffit pour abuser les balourds : on voit que, convaincus, ils ne prendront même pas la peine d’interroger son père, qui se hâte d’attaquer sans perdre un instant la miraculeuse moisson.
Le jeune paysan
Il est essentiel qu’il n’ait pas besoin de mentir : c’est en disant la stricte vérité (« ils sont passé au temps des semailles ») qu’il induit les soldats en erreur, prouvant par là la force paradoxale du miracle :
Dieu ne trompe pas les hommes, ce sont eux qui se trompent eux-même, par bêtise, par étroitesse d’esprit.
En inventant ce détail du jeune paysan, Patinir nous donne un version profonde du miracle des blés : la parole d’un enfant seul en face des soldats contrebalance le silence des bébés massacrés ; l’innocence de ses paroles venge le sang des Innocents ; la parole naïve d’un fils de paysan sauve le Fils de Dieu lui-même.
Tandis que la partie Judée se lisait de haut en bas, en trois registres (cavalerie, puis village, puis avant-garde dans les blés), la partie Egypte qui lui est symétrique se lit de bas en haut, en suivant le chemin qui monte de la campagne à la ville, puis au temple.
Partie gauche : l’Egypte
Le mur du faubourg
Le mur qui sépare la campagne du faubourg n’est pas très impressionnant, et en mauvais état : nous comprenons que l’Egypte est un pays en paix, et depuis fort longtemps : elle n’a pas besoin d’entretenir ses murailles. La porte n’est pas gardée, deux promeneurs rentrent en devisant. A l’extérieur, des agneaux paissent, en toute tranquillité.
Une ville salubre
A gauche de l’escalier qui mène à la ville, on remarque des constructions en bois, perchées au-dessus du ravin : une salle de bain et des latrines. Ce type de construction est cher à Patinir, qui les montre notamment à l’extérieur du monastère, dans les différents panneaux représentant Saint Jérôme. Plutôt qu’un détail trivial, il faut y voir une indication de confort, de bonne organisation. Les Egyptiens sont pacifiques, modernes et propres.
Le temple
La grande construction sur la gauche, avec son clocher, est un édifice religieux. N’était sa forme circulaire, elle pourrait tout à fait passer pour une église occidentale, avec son déambulatoire, et sa décoration d’arcs en berceau et d’arcs aigus. Un seul élément vaguement antiquisant : les colonnes roses du chevet et de la fenêtre gothique. Il faut vraiment ouvrir l’oeil pour comprendre qu’il s’agit d’un temple païen.
La chute des idoles
Même principe que pour la sphère de pierre : on remarque en haut du clocher des pieds sectionnés, en métal doré. Mais ici, il y en a quatre, et on voit sur l’avant les deux statues en train de tomber, tête en bas. Un peu plus bas, on distingue une boule dorée : sans doute un casque. Il s’agit donc de dieux-soldats, ils ont été découronnés avant d’être jetés à bas.
Le monstre
Sur une plateforme surélevée, à droite, un monstre tient en main une offrande, devant un brasier, tandis que deux servants manifestement terrorisés l’implorent en levant les bras.
La citadelle
Dans les rochers, une forte citadelle, accessible seulement par un pont-levis, veille sur la ville et sur ses habitants. L’Egypte est un pays en paix : les soldats n’ont pas besoin de se montrer. La garnison le garantit contre les envahisseurs terrestres : sauf bien sûr, contre l’avancée du Sauveur en famille.
La partie centrale montre trois accidents de terrain bien délimités :
- vers l’avant, un promontoire rocheux sur lequel la Vierge est assise. ;
- à gauche, une colline boisée ;
- au fond, une clairière dans les bois, avec un champ au sol nu et une ferme à deux corps.
Pour explorer ce paysage complexe, nous allons commencer par le premier plan, puis nous nous enfoncerons progressivement vers le l’arrière.
Partie centrale : le no man’s land
Les accessoires de voyage
Aux pieds de Marie sont posés le bâton et la baluchon de Joseph, une gourde et un panier. Ces objets sont si importants pour la compréhension de l’ensemble que nous leur avons réservé un développement particulier (voir Porter, Boire, Protéger].
Marie
Patinir a réussi le tour de force de rendre naturelle et gracieuse cette pose improbable, théologiquement dangereuse : les linges immaculés soulignent la pudeur et la pureté de la Vierge, même au beau milieu d’un long voyage. Eclatante blancheur qui semble directement tombée du ciel, comme d’un spot surnaturel.
Arbres et plantes
A gauche de Marie, un pommier et un châtaignier attirent le regard, avec leurs fruits bien visibles ; d’autres plantes du tableau portent des messages moins voyants. Le symbolisme végétal sera analysé dans Une forêt de symboles.
Joseph et sa marmite
La petite marmite à trois pieds qu’il tient entre ses mains est également un ustensile de voyage, qu’on peut ajouter sur le bâton.
Fuite en Égypte (détail)
Melchior Broederlam, Musée des Beaux Arts, Dijon
Dans les Fuites en Egypte de l’atelier de Patinir, Joseph est représenté comme un personnage secondaire, occupé en arrière-plan à des tâches prosaïques :
- cueillir des fruits
Thyssen-Bornemisza, Madrid
- remplir sa gourde
Museo Nacional de Bellas Artes,Buenos Ayres
- couper une racine près de la source
collection Jean Bonna, Genève
- ramener de la nourriture de la ville
Gemäldegalerie der Staatlichen Museen, Berlin
Un détail du tableau et une déduction logique nous permettront de deviner ce que ramène Joseph dans sa marmite. Voir Ecosytèmes.
Explorons maintenant la zone à droite de Marie.
La source
Une mare sombre s’ouvre au pied du rocher. Un filet d’eau minuscule y coule. Nous reviendrons sur la source dans La statue et la source.
L’âne
L’âne de la Sainte Famille boute sur la colline herbeuse, juste derrière Marie. Il a été laissé en liberté, on voit la corde qui traîne derrière lui. Le fait qu’il ne soit pas débâté confirme qu’il s’agit d’une halte de courte durée, juste le temps de donner la tétée à l’enfant : les voyageurs n’ont pas l’intention de passer la nuit dans les bois.
La boule de pierre
La boule est sculptée à même le rocher. En regardant de plus près, on voit qu’elle supportait une statue métallique, qui a été sectionnée au ras des pieds. Il s’agit donc d’une allusion particulièrement discrète au Miracle des Idoles, scène-choc toujours représentée avec gourmandise depuis le Gothique international jusqu’à l’époque de Patinir :
Fuite en Égypte (détail)
Melchior Broederlam, 1394-99
Musée des Beaux Arts, Dijon
Fuite en Égypte
Ecole de Jan_Wellens_de_Cock, 1520-30
Collection privée
L’épisode provient d’un évangile apocryphe :
« Lorsque Marie entra avec l’enfant dans le temple, toutes les statues tombèrent au sol (…) montrant clairement qu’elles n’étaient rien (…) Lorsqu’on en informa Afrodisis, le souverain de la ville, il vint au temple (…), s’approcha de Marie et rendit hommage à l’enfant qu’elle portait dans ses bras (…) A cet instant, tous les habitants de la ville crurent en Dieu par Jésus-Christ. » Evangile du Pseudo-Matthieu (chapitres 22-24)
Notons que le miracle des idoles poursuit le but inverse du miracle des blés : l’un camoufle la présence de la Sainte Famille, l’autre au contraire la proclame avec énergie et obtient la conversion des Hermopolitains, public plus réceptif que les soudards d’Hérode.
La clairière
Les semailles
La scène des semailles fait pendant à celle de la moisson, et complète le récit du miracle des blés. Ici encore, un jeune paysan assiste son père en conduisant le cheval qui tire la herse, tandis que juste derrière le père sème à la volée, en puisant dans le sac de grains qu’il porte en bandoulière. Dans la trace laissée par la herse, cinq oiseaux blancs picorent.
Le chasseur
Ce n’est donc pas un soldat d’Hérode, en mission de reconnaissance dans le sous-bois. Il n’est pas non plus là pour éliminer les colombes à coup d’arbalète. Pour l’instant, nous appellerons ce personnage le chasseur, sa présence s’éclaircira plus loin (voir Ecosytèmes et La Saison Des Blés)
Truie, porcelets, cochon
A la limite du champ, une truie vaque en liberté, se nourrissant des glands tombés du chêne.. Elle est suivie par cinq porcelets blancs, incapables encore de profiter de la glandée : deux sont en train de téter. Dans un appentis à droite du pigeonnier, on devine la hure d’un autre cochon que l’on garde sous clés : peut-être un verrat en rut.
Le pigeonnier
La ferme possède un pigeonnier, signe de richesse voire de noblesse, car outre une viande de choix, les pigeons fournissaient le meilleur engrais de l’époque.
Comme en flamand, le mot « pigeonnier » signifie bordel, certains ont vu dans cette construction isolée, à l’écart du village, une auberge de mauvaise réputation. Si c’est la cas, l’insistance sur les porcs est peut être une allusion à la goinfrerie et à l’obscénité des habitués.
Les pots à étourneaux
Juste au-dessous du toit du pigeonnier, de part et d’autre de la fenêtre, on remarque deux poteries rouges à long col. Ces accessoires se voient souvent dans les tableaux flamands de l’époque : ce sont des nichoirs à moineaux ou étourneaux, car on améliorait l’ordinaire en mangeant les oisillons pris au nid.
La tentation de Saint Antoine, détail
Cornélis Massys, Musées Royaux des Beaux Arts, Bruxelles
Autre avantage : en nourrissant leurs oisillons, les oiseaux détruisaient les chenilles et des insectes, offrant une protection naturelle des cultures.
A noter quatre autres pots à étourneaux sur la maison principale du village (celle où se trouve également le nid de cigogne).
Les ruches
Le chieur
Le chieur minuscule, à la limite de l’invisibilité, est un personnage récurrent chez Patinir, au point qu’on a pu dire qu’il s’agissait d’une sorte de signature. Ou bien d’une plaisanterie à l’usage du commanditaire, trop content de faire découvrir cette incongruité aux spectateurs du tableau. Ici, il vient de sortir pour se soulager , confortant l’idée d’un lieu de débauche.
D’autres pigeonniers
Il se trouve que la même bâtisse avec un pigeonnier figure dans d’autres fuites en Egypte, chaque fois juste derrière Marie .
- sans cochons (version Jean Bonna) ;
- sans ruchers, mais avec une charrette et une mère portant une cruche de lait sur sa tête et tenant son enfant par la main (version de Minneapolis).
Notons dans cette dernière version un étonnant parallélisme de forme, accentué par la découpe du rocher, comme si cette métaphore visuelle identifiait Marie à une sorte de pigeonnier habité de blanches colombes.
D’ailleurs, Patinir aurait-il vraiment osé, sans blasphémer, représenter un bordel à la place d’honneur, juste derrière la Vierge ? Le fait qu’une ferme possède un pigeonnier, un rucher et une écurie pour les cochons est-il si suspect ? Le chieur la désigne-t-elle vraiment comme un lieu de débauche et d’excès ?
La Fuite en Egypte la plus tardive de Patinir va nous donner la réponse, qui est bien sûr négative.
Une ferme modèle
La fuite en Egypte
Patinir, 1524, Ermitage, Saint Pétersbourg
Ici, le parti-pris s’inverse : la ferme s’est avancé au premier plan, occupant la moitié de l’espace tandis que Marie, toujours en position centrale, a perdu sa stature majestueuse et s’est rapetissée à sa taille réelle : celle d’une fugitive pauvre.
Sans doute en quête de nourriture, Joseph, arrêté par le chien, parlemente avec le fermier juché dans son pigeonnier. Son âne, exténué, fait une drôle de tête. Dans le corps de logis principal, la maîtresse de maison domine depuis son balcon cette scène, où s’affiche toute la supériorité des sédentaires sur les fuyards.
La figure médiévale du chieur est édulcorée en un vieillard sortant des latrines lesquelles, comble de modernité, sont montées sur pilotis au dessus de la mare. De l’autre côté de la porte, un puits assure l’approvisionnement en eau potable : Patinir s’est assurément appliqué à inventer une ferme-modèle.
Décorée d’une collection de pots à étourneaux comme la poitrine d’un maréchal (il y en a même deux fichés en haut du chêne), l’exploitation est un havre de prospérité regorgeant de viandes exquises.
Mais cette prolifération a surtout une fonction symbolique : celle de nous rappeler que Marie et Joseph, eux aussi, sont à la recherche d’un nid.
Un oeil moderne pourrait lire dans la Fuite en Egypte du Prado le contraste entre la ville corrompue et la nature accueillante : à la ville, on massacre, on sacrifie aux fausses idoles : dans la forêt, on trouve asile, boisson et nourriture, protection. Mais cette idée d’une nature bucolique est étrangère à la vision du monde du XVIème siècle, où le mal rode partout. Un pique-nique à la campagne ne protège pas du démon.
Dans une logique tout aussi binaire, Falkenburg [1] interprète le tableau comme le choix entre deux vies : la ville égyptienne serait la Cité de Dieu (Civitas Dei) de Saint Augustin, tandis que la ferme mal famée représenterait la Cité Terrestre (Civita Terrena), soumise au démon. Mais la ferme n’est pas un bordel, et la présence du monstre au beau milieu de la Cité de Dieu invalide quelque peu cette théorie.
A la lumière de la version de Saint Petersbourg une interprétation plus directe s’impose : l’opposition que nous ressentons entre la ferme et la Sainte Famille est simplement celle entre le bonheur des sédentaires et le malheur des réfugiés :
la petite maison dans la clairière est, d’une certaine manière,
le rêve de Marie durant la halte.
Ainsi le tableau n’illustre pas une opposition anachronique entre ville et nature ; ni une opposition théologique entre cité terrestre et cité de Dieu : simplement, la différence irréductible entre les exilés et ceux qui habitent quelque part.
C’est pourquoi Patinir accumule dans le panneau tous les habitats possibles :
- un nid pour la cigogne,
- des arbres pour les fruits,
- une tour pour les pigeons,
- des pots pour les étourneaux,
- une porcherie pour les cochons,
- des ruches pour les abeilles,
- une ferme pour les paysans,
- une citadelle pour les soldats,
- et même… un perchoir pour le monstre !
Références : [1] Patinir, Essays and critical catalogue, 3007, Madrid , Musée du Prado, p 182 et ss