Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? , la nouvelle comédie de Philippe de Chauveron, a réalisé un excellent démarrage en salles et ses producteurs rêvent d’un destin à la Bienvenue chez les Ch’tis ou Intouchables.
Quelle est la recette de ce qui s’annonce d’ores et déjà comme un des succès du box-office de l’année ?
Déjà, il s’agit d’une pure comédie, un genre prisé par de nombreux spectateurs, qui cherchent avant tout dans le cinéma un moyen d’oublier la morosité ambiante, la crise et les petits soucis du quotidien.
Ensuite, le film se déroule au sein d’une structure familiale. Or quoi de plus fédérateur et de plus universel que le thème de la famille ? On a tous – ou presque – des parents et des frères et sœurs avec lesquels on adore se chamailler. Chacun peut donc parfaitement se reconnaître, à des degrés divers, dans le scénario de Philippe de Chauveron et Guy Laurent.
Et, pour finir, le script utilise les ressorts de la comédie communautaire, un des meilleurs moyens de cartonner au box-office ces dernières années, comme en attestent les succès de Bienvenue chez les Ch’tis (les gens du Nord), La Cage dorée (les Portugais), La Première étoile (les Antillais), Case départ (les Africains), et autres La Vérité si je mens (les Juifs du Sentier).
Ici, De Chauveron joue la carte du communautarisme ethnique et religieux, et mange à tous les râteliers puisqu’il brocarde à la fois les Catholiques de province, les Arabes, les Juifs, les Chinois et les Africains. Chaque communauté en prend pour son grade, à parts égales.
Chantal Lauby et Christian Clavier y incarnent les Verneuil, un couple de bourgeois de province, gaullistes et catholiques, très « Vieille France » qui, suite aux choix sentimentaux de leurs quatre filles, se retrouvent confrontés à la France multiethnique « Black Blanc Beur » d’aujourd’hui.
L’aînée (Frédéric Bel) épouse un homme d’origine maghrébine (Medi Sadoun), la cadette (Julia Piaton) se marie avec un Juif (Ary Abittan), et la troisième (Emilie Caen) convole en justes noces avec un asiatique (Frédéric Chau).
Quant à la petite dernière (Elodie Fontan), si elle leur fait le plaisir d’épouser un Catholique, ce dernier (Noom Diawara) est issu d’une famille… ivoirienne.
Le film tourne autour de l’organisation de ce mariage, qui met les protagonistes dans tous leurs états et fait plus que jamais ressurgir les préjugés communautaires des différents membres de la famille.
Les gags et les répliques tournent tous autour du choc des cultures, accumulant les poncifs communautaires et les préjugés racistes. Evidemment, le but est de montrer ce qui divise pour mieux délivrer un message de tolérance et de fraternité. Louable intention, dans une France contemporaine où la tentation du repli communautaire n’a jamais été aussi forte et où les extrémistes de tout poil ont le vent en poupe. Cependant, on peut toutefois se demander si cette façon de démontrer que, au fond, tout le monde est un peu xénophobe (et ce n’est pas bien grave), cette banalisation des comportements racistes (ce n’est que de l’humour), est la bonne solution pour faire passer le message de tolérance souhaité par le cinéaste. On l’espère, évidemment, mais, au vu des stéréotypes affichés et pas vraiment remis en cause, on a quand même quelques doutes.
Là où on a moins de doutes, c’est au niveau des qualités cinématographiques de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, hélas assez faibles. Le film de Philippe de Chauveron atteste une fois de plus qu’un succès au box-office n’est pas synonyme de réussite artistique.
Déjà, le scénario, vaguement inspiré de Devine qui vient dîner ? ou, plus vraisemblablement du sketch de Muriel Robin, « Le Noir », n’a rien de franchement novateur et est assez bancal. Certains personnages (notamment les trois sœurs aînées) ne sont pratiquement pas développés, des situations sont laissées brutalement en plan (l’histoire des toiles de la benjamine, artiste dépressive, par exemple), et tout se résout un peu trop vite, sans exploiter pleinement les ressorts comiques offerts par la confrontation des cultures.
Les gags sont d’ailleurs assez inégaux. Certains sont amusants, d’autres assez lourds et un brin répétitifs. Et il en va de même pour les répliques, parfois inspirées, parfois trop faciles pour nous extirper un sourire.
Mais le vrai problème, c’est la mise en scène. Ou plutôt, l’absence de mise en scène. C’est du niveau d’un téléfilm pépère, sans idée et sans relief, très illustratif. Et le rythme en pâtit. On ne s’ennuie pas vraiment, mais la mécanique comique souffre de cette mollesse à la réalisation. Un défaut qui frappait déjà les précédents films de Philippe De Chauveron (les deux Elève Ducobu)
Le cinéaste se contente de regarder évoluer ses acteurs, assez bien choisis.
A son crédit, il a réussi à canaliser un peu le cabotinage de Christian Clavier, qui s’il a encore tendance à forcer le trait, est ici plus sobre qu’à son habitude. L’opposition avec le pendant africain de son personnage, incarné par un Pascal N’Zonzi irrésistible, est même détonante et donne un second souffle bienvenu à la seconde moitié du film.
Parmi les autres comédiens à tirer leur épingle du jeu, signalons Chantal Lauby en bourgeoise déconfite, trouvant la voie du bonheur dans la zumba, Emilie Caen en artiste ultra-sensible, et la charmante Elodie Fontan, qui incarne la future mariée.
Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? n’est ni un chef d’œuvre de la comédie française (contrairement aux Aventures de Rabbi Jacob, son influence revendiquée), ni une de ces comédies lourdingues qui squattent régulièrement les écrans. C’est une production ordinaire, assez insipide, qui a juste la chance de tomber au bon moment, avec un sujet en adéquation avec les craintes du moment. Sans doute fera-t-elle un bon score au box-office, mais elle ne marquera pas l’histoire du 7ème Art. Dieu nous en garde !
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Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?
Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?
Réalisateur : Philippe de Chauveron
Avec : Christian Clavier, Chantal Lauby, Ary Abittan, Pascal N’Zonzi, Elodie Fontan, Frédérique Bel
Origine : France
Genre : comédie communautaire au pluriel
Durée : 1h37
Date de sortie France : 16/04/2014
Note pour ce film :●●●○○○
Contrepoint critique : Metronews
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