photo : Séverine Fabre (www.gorgesdugardon.fr)
Pour mettre en haleine mes lecteurs les plus assidus, voici un extrait de le nouvelle principale de mon prochain recueil...
Dans
la maison vide qu’il laissa dans la pénombre, Jean-Michel s’installa sur le
tabouret près de l’âtre qu’il avait toujours préféré au moelleux du vieux
fauteuil. Avec les dents il déboucha une bouteille d’Armagnac déjà largement
entamée et s’en servi un large verre qu’il vida à demi. Il observait le silence
de sa maison, écoutant le va-et-vient du balancier de l’horloge comtoise.
Il avait acheté cette maison en
rentrant de Madagascar avec Evelyne, alors jeune maman rayonnante. Quand il
l’avait visitée, il se souvenait qu’Aurore dormait dans les bras d’Evelyne.
L’agent immobilier, jeune loup à coiffure soignée et costume bleu nuit, avait
exposé tous les avantages de cette ferme qu’il imaginait réaménagée en gîte. Evelyne
s’était installée près du chêne pour allaiter Aurore, tandis que l’agent
immobilier vantait les mérites de l’ombre de cet arbre qui ferait un magnifique
espace convivial, point central de l’extérieur de la bâtisse. Jean-Michel lui
souffla que sa femme et sa fille avaient décidé que cela deviendrait une salle
à manger d’été avant de préciser à son interlocuteur son intention d’élever des
moutons pour leur lait, leur laine et leur viande. Le jeune homme faillit s’étouffer
en pensant au projet insensé qu’il venait d’entendre. Pour lui, cela ne pouvait
devenir qu’un gîte, un élevage n’obtiendrait jamais de financement, ce qui
induisait qu’il venait de perdre deux heures de son précieux temps. (...)
Jean-Michel vida son verre et
s’en resservit un autre. Les pierres de sa maison avaient la saveur de la
réussite par la sueur, le travail de toutes ses années dont il était fier,
l’odeur de la laine et du fromage qu’il produisait avec sa femme et sa fille,
qui leur permettaient de vivre libres et heureux. Loin des années à Paris, à
Tours. Pourquoi revenait-on lui parler de cela ?