Comme hier c'était le dimanche de Paques, et comme aujourd'hui c'était jour férié, j'ai décalé d'une journée ma séance du dimanche soir, mais le principe reste évidemment le même en continuant à vous présenter des films en avant première pour mettre un petit coup de projecteur sur une vraie curiosité qui ne bénéficiera pas, à coup sur d' énormément de promotion, souvent parce que l'horizon géographique du film n'appelle pas à une grande médiatisation. Ce soir, cap sur le Pakistan avec "Noor", le premier long métrage de fiction des réalisateurs Çağla Zencirci & Guillaume Giovanetti.
Ce film, qui avait été présenté à l'ACID l'an passé à Cannes (une sélection parrallèle pour des films sans distributeur au moment de leurs projections) nous amène sur les traces d'un personnage que le cinéma n'a pas du tout l'habitude de nous montrer. En effet, Noor, le nom de ce personnage qui donne son titre à ce film est un Khusra, c’est-à-dire un eunuque travesti.
Les Khusras forment une communauté bien reconnue au Pakistan. On y trouve des personnes qui ont changé de sexe, mais aussi des hommes féminins, ou encore des personnes nées avec un sexe indéterminé à la naissance, qu'on appellerait en France des intersexes. Ces Khusras vivent de spectacles de musique, chorégraphient des danses qui font penser un peu Bollywood, mais en plus sexy. Socialement, les khusras sont des asexués, suscitant une forme particulière de méfiance, mais très lointainement concernés par l’homophobie. Il s’agit là d’une communauté très fermée avec des règles très strictes, qui s’auto-entretient par rapport à leurs échanges et leur aide mutuelle.
Noor- le film- joue la carte du docu-fiction puisque les réalisateurs ont croisé sur leur route lors d'un voyage au Pakistant ce Noor qui leur a raconté sa vie et à l'intérieur de la communauté, et subjugé par ce destin hors du commun, ont décidé de tourner un film autour de sa vraie histoire, en ne la romançant que très peu.
Noor, mis au ban de la société pakistanaise- une société dont on connait mal les tenants et aboutissants- n'a en fait qu'un seul désir profond, c’est celui d’épouser une femme, et il est prêt à tout pour atteindre ce but, mais pour cela, aurait besoin d'affirmer sa virilité aux yeux des autres, et notamment avoir une barbe qui pousse, comme un vrai homme, quitte à s'affranchir de sa communauté d'origine et faire le chemin seul.
Noor va donc partir à l'aventure pour trouver un lac sacré qui pourrait réaliser ce miracle, celui qui fait que sa barbe repousse.Voilà donc Noor à bord d'un camion volé, pour atteindre ce lac d'une beauté sauvage.
Et le film prend alors les contours d'un road-movie poétique et évanescent et également d'une quête identitaire dans laquellle, mine de rien, Noor apprendra des choses sur lui et sur ceux les personnes qui l'entourent et qu'il avait tendance à ne pas regarder.
Contrairement aux films sur la différence, la singularité de Noor c'est qu'il cherche avant tout à rentrer dans la norme, et c'est ce qui rend son combat et le long métrage étonnant. Tentez donc le voyage avec Noor, s'il passe dans un ciné proche de chez vous, vous pourrez en revenir qui sait, peut-être un poil-expression fort à propos- plus serein et même un poil différent...