Essai - 250 pages Editions Allary - février 2014
Par son expérience d'agronome globe trotteur et ses convictions d'ardent défenseur de l'agroécologie, Marc Dufumier souhaite bousculer certaines idées reçues que de nombreuses personnes et media partagent. 50 courts chapitres pour 50 idées, auxquels il ajoutent en sous-titre un "Vrai" ou un "Faux" souvent suivi d'une accentuation ou d'un "mais..." avant de détailler son argumentation. On peut donc lire "La nocivité des pesticides sur la santé est statistiquement avérée > FAUX mais elle est scientifiquement démontrée." ou "Depuis des décennies les rendements agricoles ne cessent d'augmenter dans les pays industrialisés > FAUX ils tendent même à décroître." ou "L'agriculture industrielle vend des produits bon marché > FAUX : nous les payons en réalité très cher" ou "Pour être compétitive, il fait que l'agriculture française se mécanise > FAUX : elle part perdante dans cette course et doit choisir un autre modèle de développement."Ca fait du bien d’entendre quelqu’un parler sérieusement, d’entendre quelqu’un qui ne dénigre pas "le bio", d’entendre quelqu’un qui remet en place de nombreuses idées reçues. L'accroche un peu racoleuse de la couverture cache en réalité un discours essentiel et pas toujours très audible actuellement. Certes, certains thèmes ne sont pas très novateurs, mais d'autres vérités sont excellentes à dire, à affirmer et à répéter, arguments et exemples à l'appui.
Extrait :"L'agriculture industrielle est une agriculture "minière". Elle exploite la terre sans régénérer la matière organique et les éléments minéraux qui la rendent fertile, tout comme l'industrie minière extrait les minéraux du sol sans les renouveler. Nous n'en mesurons probablement pas encore toutes les conséquences."L’autosuffisance alimentaire n’est pas un gros mot gauchiste, mais un discours soutenu par ce professeur d'AgroParisTech. Car il ne sert à rien pour la France de penser à se spécialiser, à intensifier certaines cultures, tant elle ne pourra jamais lutter contre les élevages brésiliens (pourquoi le groupe Doux n’est pas viable ainsi) ou les productions de blé d’Ukraine (origine de 25% de nos blés importés, avant le conflit)... Dans un tel contexte de dépendance, il n’est plus de logique, et les prix que l’on paie ne sont pas les coûts que l’on engendre. C’est pourquoi il faut plus que tout repenser local, repenser qualitatif, ne pas oublier d’enrichir nos sols sur le long terme en leur offrant le plus possible de fumier (et non de lisier), d’humus, de protéagineux. Et avant de privilégier un modèle de développement, une politique de subvention, un encouragement de pratiques agricoles, il est crucial de penser aux "externalités négatives", aux coûts et impacts indirects, ceux-là mêmes qui peuvent rendre plus coûteuse une agriculture ultra automatisée et exportée par rapport à une agriculture biologique locale.
Il y a sûrement quelques approximations glissées dans cet ouvrage (j'ai relevé l'inexactitudes des organismes certificateurs français annoncés comme pouvant officier dans tous les pays d'Europe), quelques idées qui seront peut-être vouées à être contredites, arguments scientifiques à l'appui.Un livre salutaire, à mettre en de nombreuses mains, de celles qui appartiennent aux écolo-sceptiques.
Interview de l'auteur - L'expansion/L'express
Vidéo d'une conférence de Marc Dufumier - YouTube