Ce village, si près de chez moi et si loin à la fois. A peine une heure de route et c'est le dépaysement. Ce n'est pas possible ! Nous sommes déjà dans le Valais ? Déjà dans la vallée du Rhône ? Déjà à Aigle au milieu des vignes ? "Tu verras, c'est magnifique !" Mais je ne m'attendais pas à ça. Je ne m'attendais pas à toutes ces collines, à cette ville charmante posée sur un promontoire, à toute cette culture viticole et gastronomique qui transpire à chaque centimètre carré de pavé, à chaque coin de place, à chaque instant. Sancerre est un microcosme, un micro pays, tout un monde hors du monde et pourtant très relié à lui. Le fruit de ses récoltes s'exporte à travers la planète. Sancerre est polyglotte et on voit l'opulence que ça lui procure, l'orgueil que ça lui donne. Le trésor mature dans le secret des caves, dans ces gigantesques fûts qu'on aperçoit à la sauvette, par l’entrebâillement d'une porte. Il y a tellement de viticulteurs qui ont pignon sur rue qu'on se demande comment ils ne se marchent pas sur les pieds, comment certains ne finissent pas écrasés par la concurrence.
Du haut de la tour, Sancerre étale sans modestie ses coteaux au nez et à la barbe des touristes ébahis. Il y a de quoi être fier de ce travail, de ce pays, de cette culture. Il y a de quoi se prendre légitimement pour le roi du monde quand on est d'ici.
Nous sommes maintenant au-dessus de Chavignol. Marcher sur les chemins à travers les vignes est un émerveillement pour les yeux, pour les sens, pour les rêves. Le regard saute allègrement de colline en colline et embrasse l'horizon, tandis qu'à nos pieds, encore microscopiques, les premières grappes de raisins montrent le bout de leur nez. La promesse des futures vendanges. La naissance imminente de ce qui donnera l'élixir le plus recherché. Une sorte d'alchimie entre les paysages et les hommes qui les sculptent, entre la terre et ce qu'on en fait, entre la ruralité et la noblesse. A Sancerre, on comprend que l'une ne va pas sans l'autre et que les deux, au contraire, ne font qu'une.