Le graphique ci-dessus récapitule l’historique de la consommation de viande ovine en France depuis trois grosses décennies.
Commentaires de Marc Laffont
Début des années « 80 » : une consommation d’environ 4 kg équivalent carcasse (kgec)/habitant/an, assurée approximativement par de la production indigène à 80 %.
Du milieu des années « 80 » jusqu’au premier tiers des années « 90 » : (NDLB: entre les deux premiers traits verticaux) une consommation totale et une consommation par habitant qui augmentent (5,5 kgec/hab/an vers 1992/1993, record). Mais cette hausse est en trompe l’œil : elle se réalise sur l’accroissement, très net, des importations qui ont a peu près triplées en 10 ans.
Dans le même temps, la production hexagonale a chuté de bien 25 %. Le déficit se creuse. Et pourtant : il n’y a pas de loup en France à cette époque...
En revanche, on peut y voir les conséquences de l’augmentation des quotas de viande néo-zélandaise entérinée après 1985 (l’affaire du « guerrier arc en ciel », le 10 juillet 1985…). Le volume des importations dépasse désormais celui de la production indigène.
1992 : arrivée du loup en France
Deuxième et troisième tiers des années « 90 » : Amorce d’une baisse de la consommation (totale et par habitant), essentiellement par tassement de la production française, alors que les importations se stabilisent dans un premier temps. Leur augmentation un peu avant 2000 (conséquence des accords du GATT, 1994) arrache même une légère hausse de la consommation totale.
2001-2002 : période charnière décisive, celle de l’épidémie de fièvre aphteuse au Royaume-Uni, surtout. La première conséquence, c’est l’effondrement des importations en provenance des pays impactés.
La deuxième conséquence sera lourde d’incidence : à la chute des importations, non compensée, succède immédiatement l’effondrement de la consommation totale, et encore plus nette, par habitant (4,1 kgec/hab en 2001 contre 4,9 en 2000).
Les consommateurs se tournent vers d’autres viandes, notamment la volaille : beaucoup ne reviendront pas. Dès la fin de l’épidémie, les échanges reprennent. La consommation remonte un peu mais ne retrouve pas, loin s’en faut, ses niveaux d’avant crise (4,3 kgec/hab en 2002). L’impulsion est lancée : le déclin de la consommation est en marche.
2003-2009 : stabilité globale des importations, mais à un niveau inférieur à celui qui prévalait à l’époque d’avant l’épidémie de fièvre aphteuse. Elles connaissent cependant un petit coup de mou lors de la nouvelle épidémie de fièvre aphteuse, en 2007. La production française, que l’épidémie de fièvre catarrhale ovine de 2008 n’a pas aidé, continue son bonhomme de déclin, la consommation aussi (3,4 kgec/hab en 2009). C’est durant cette période que débute véritablement le déclin de la consommation ovine au sein du bastion traditionnel des « seniors », s’ajoutant à la désaffection déjà observée chez les « juniors ».
Depuis 2010 : 2 événements concomitants, bien que sans lien : Le bilan de santé de la PAC de 2009 décide de revaloriser les modestes revenus des éleveurs ovins en ponctionnant environ 125 millions d’€ sur les aides prévues pour les céréaliers. S’en suit une très éphémère stagnation de la production en 2010/2011. Mais dès 2012, la tendance baissière reprend, confirmée en 2013 et vraisemblablement, 2014…
Au même moment (2010), la Nouvelle Zélande commence à réorienter ses exportations de l’Europe vers l’Asie. Cette baisse des disponibilités kiwis en France (- 40 % entre 2009 et 2012) accompagne la baisse de la consommation, qui se serait peut être stabilisée sans cela. Il se passe donc la même chose que pendant l’épidémie de fièvre aphteuse. A ceci près que les conséquences de la fièvre aphteuse ont été brutales, tandis que la réorientation des exportations néo-zélandaises vers l’Asie s’étale sur plusieurs années, et devrait tendanciellement se poursuivre. La consommation par habitant heurte en 2013 le seuil symbolique des 3 kgec, assurée par la production indigène à hauteur de 45 % (contre 80 % 30 ans plus tôt). Le reflux des importations a fait mécaniquement remonter la part relative de la production française dans la consommation, qui était tombée à 40 % en 2000. Mais la production indigène en 2013 ne représente que la moitié des tonnages de 1983…
La responsabilité du loup, et par extension, des grands prédateurs et de la faune sauvage dans cette évolution ? Absolument nulle. La courbe de la diminution de la production s'infléchit même après l'arrivée du loup en France...
Mais cela n’interdit pas leur diabolisation : ça soulage de l’impuissance, économise toute forme de remise en cause, et alimente la chaudière à subventions…
Oui, l’élevage de montagne résiste bien, si on ne lui impose pas le loup !
"Aujourd’hui, la situation évolue favorablement et les éleveurs peuvent redresser la tête. En effet le marché mondial est mieux orienté, avec une baisse de production chez nos concurrents (Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni) et une consommation mondiale de viande ovine qui s’accroît. Les débouchés s’améliorent pour les agneaux français et le prix déjà élevé depuis 3 ans devrait continuer à s’orienter favorablement. Même si le revenu ovin reste modeste, la profession travaille à la mise en place d’un programme de « Reconquête ovine » pour redynamiser la production et installer de nouveaux éleveurs."