New Worlds (2014) : une longue leçon d’utopie

Publié le 20 avril 2014 par Jfcd @enseriestv

New Worlds est une nouvelle minisérie de quatre épisodes diffusée sur les ondes de Channel 4 en Angleterre depuis le début avril. On nous amène en 1680, vingt ans après la restauration des Stuart sur le trône incarné par Charles II (Jeremy Northam). Les tensions sont vives dans tout le pays après qu’un dénommé Titus Oates ait dénoncé un soi-disant complot papiste fomenté par les catholiques et visant à assassiner le roi. La propagande opérant, une véritable chasse aux sorcières est amorcée et aucun des protagonistes n’arrivera à passer au travers sans quelques cicatrices. En même temps les esprits s’échauffent dans les colonies anglaises d’Amérique alors que les habitants cherchent à accroître leurs territoires au détriment des Amérindiens. New Worlds qui fait écho à The devil’s whore diffusé sur la même chaîne en 2008, mais dont les événements se déroulent une trentaine d’années auparavant, a le mérite de se pencher sur une période complexe et peu connue de l’Angleterre. Par contre, la série s’en met beaucoup trop sur les épaules en mettant en scène des protagonistes qui n’ont que les mots liberté et république à la bouche. Et le principal problème dans cette « leçon d’histoire » est de ne nous montrer qu’un seul revers de la médaille.

Destins écorchés

New Worlds est un véritable chassé-croisé où plusieurs protagonistes seront appelés à se revoir au gré des circonstances surtout politiques. Parmi les principaux, il y a Beth Fanshawe (Freya Mavor), fille de la noblesse dont les parents seront bientôt arrêtés, puis condamnés à mort pour atteinte à la vie du roi. En fait, la famille a été victime d’un complot monté de toutes pièces, ou plutôt d’une revanche : de puissants propriétaires voulaient lui louer leurs terres pour en extraire l’argile et en faire de briques. Les Fanshawe se les étaient mis à dos en raison de l’exploitation de la main d’œuvre (surtout les femmes et enfants) que cette extraction occasionnerait. Beth, désormais orpheline, doit fuir et se rend en Amérique. Avant de partir, elle s’était amourachée d’Abe Goffe (Jamie Dornan). Le père de celui-ci est un fugitif accusé d’avoir pris part au régicide du feu roi Charles I. Il s’est réfugié en Amérique, mais est retrouvé et tué par les gardes du roi. Abe vit depuis en hors-la-loi en Angleterre et son enthousiasme pour la république n’a d’égal que sa haine envers la monarchie. Il tentera d’ailleurs d’assassiner Charles II. Il se lie aussi d’amitié avec Ned Hawkins (Joe Dempsie) qui séjourne momentanément en Angleterre. Il est le fils de John Hawkins, propriétaire de la prospère Hawkins Bay Company au Massachusetts. À son retour en Amérique, il est profondément dégoûté par la manière dont son patriarche gère les affaires, lequel n’hésite pas à duper les Amérindiens afin d’obtenir encore plus de concessions territoriales.

Leçon d’histoire à sens unique?

Dans la mémoire collective, on ne retient de la dynastie Stuart que le destin pour le moins tragique de Mary, malgré le fait que six autres monarques de la famille aient régné sur le pays. L’Angleterre a été une sorte de république pendant dix ans et Charles II, réfugié en France, est appelé à reprendre le trône que son père a perdu. L’Angleterre se remet péniblement d’une guerre civile alors que la lutte entre le pouvoir royal et parlementaire n’est pas prête de s’apaiser. En 1665 survient ce qu’on appelle la Grande Peste de Londres qui fait des milliers de morts et en 1666, un gigantesque incendie détruit plus de 13 000 maisons de la capitale. De plus, Charles II en tant que roi est aussi chef de l’Église anglicane. Il n’a pas d’enfants et son successeur sera son frère Jacques (Samuel James)… lequel est catholique. Les tensions religieuses renaissent et poussent à la radicalisation des partis, d’autant plus qu’un bâtard du roi, le duc de Monmouth (Tom Payne), veut s’emparer de la couronne.

Bien que cette deuxième partie du XVIIe siècle n’ait pas été de tout repos, Charles II a quand même réussi à garantir un certain équilibre entre les fractions et s’est valu le surnom de « merry monarch ». À la veille de la monarchie parlementaire, le parti tory se souvient de cette période comme étant celle d’une monarchie bienveillante alors que le parti whig n’y voit que du despotisme. C’est uniquement ce point de vue qui nous est proposé dans New worlds; ce qui énerve. Dans le premier épisode, le nom du roi revient à toutes les cinq phrases, accompagné de qualificatifs peu reluisants tels « tyran » ou « despote » : on blâme constamment l’homme et non la structure politique. À l’opposé, Cromwell et sa défunte république de puritains sont constamment mis sur un piédestal. De plus, la série ratisse bien trop large notamment dans le discours sur le travail des enfants. La révolution industrielle n’aura lieu que quelques siècles plus tard si bien qu’on s’approprie un discours qui n’a pas sa raison d’être au XVIIe siècle. Il en va de même pour le concept de liberté prôné par Abe selon lequel tous les hommes naissent égaux. Dans la même veine, le château des Fanshawe ressemble à une communauté hippie avec la maîtresse de maison qui se promène en plein jour dans ses jardins en chemise de nuit… Bref, la série carbure sur l’espérance d’un mode de vie utopique que ni un roi, ni un président de quelque pays que ce soit dans les années 1660 n’auraient pu donner à son peuple.

L’Amérique du point de vue anglais

Malgré cette propagande républicaine avant l’âge, le troisième épisode de New worlds prend un tournant bien plus captivant : le quotidien dans les colonies d’Amérique. Récemment, les États-Unis semblent vouloir effectuer un retour aux sources et Fox a lancé à l’automne 2013 Sleepy Hollow dont le personnage principal qui a combattu dans la guerre d’Indépendance se retrouve au XXIe siècle. Plus récemment, AMC lançait Turn qui traite d’espionnage à la même période. Le 20 avril, WGN America lancera la série Salem qui se penchera sur le procès de sorcières au Massachusetts. Bien avant au cinéma ces thèmes ont été exploités, mais peu reviennent sur la naissance des colonies et leur prospérité qui s’est faite en partie aux dépens des Amérindiens. Il fallait bien une série Anglaise pour aborder ce pan de l’histoire peu reluisant et occulté au pays de l’oncle Sam! Beth qui est accueillie par une de ces communautés, est le premier témoin de la cruauté des colons. Ceux-ci extirpent de terres à coups de traités qu’ils seront les premiers à bafouer. Ils vont même jusqu’à « offrir » aux jeunes Amérindiens des couvertures pleines de bactéries et qui finissent par entièrement décimer le village. Ned aussi est témoin de ces horreurs en partie commises par les hommes de confiance de son père. Comme quoi la liberté, même à cette époque, est à géométrie variable…

Outre une propagande qui n’a pas sa place dans New worlds, on peut aussi reprocher aux épisodes d’être trop verbeux. Comme l’écrit Stuart Jeffries dans The Guardian : «Too often characters tell us history rather than dramatising it». Par contre, la reconstruction d’époque est digne de mention et la seconde partie qui prend davantage part en Amérique vient rehausser l’intérêt. Pour les amateurs d’histoire, mais qui savent aussi faire la part des choses.