Le manque de sommeil augmente les risques d’obésité et de diabète

Publié le 08 juillet 2012 par Cercortex

Je vous avais parlé dans mon tout premier article du fait que le sommeil était vital à notre santé. Je voudrais ici aller un peu plus loin dans la réflexion des conséquences de la restriction de sommeil et en particulier sur le lien qu’entretient cette privation de sommeil avec la prise de poids.

Nous avons tous entendu parlé au moins par les médias que la prévalence du diabète et de l’obésité augmente à un rythme alarmant partout dans le monde, et la France n’est pas épargnée. Cette pandémie ne peut pas être causée exclusivement par une mauvaise alimentation et un manque d’activité physique.

La réduction du temps de sommeil est un comportement qui s’est développé au cours des 20 dernières années et qui est bien-sûr lié à la pression de nos sociétés modernes. Or diminuer ses quantités de sommeil sans prendre en compte ses rythmes internes, propres à chaque individu, n’est pas sans conséquences. Beaucoup de gens qui sont privés de sommeil ne le savent même pas. Il est donc important d’écouter son corps et de connaître les différents signes de cette privation. Je vous invite à cliquer ici pour connaitre ces signes.

Un nombre croissant d’étude médicales a permis de démontrer un lien direct entre la privation de sommeil et la prise de poids. En effet, moins on dort et plus on est susceptible de prendre du poids. Par exemple des personnes qui dorment en moyenne 5h par nuit ont 70% plus de risques d’être en surpoids comparées à des personnes qui dorment en moyenne 7h.

Les recherchesactuelles mettent en avant une responsabilité du manque de sommeil dans les problèmes de surpoids via différents niveaux de nos régulations métaboliques:

  • Le manque de sommeil altère le métabolisme des sucres (glucose)

La concentration de sucre dans le sang ou glycémie est très finement régulée par notre organisme. La glycémie moyenne est d’environ 1g/litre de sang et elle peut varier entre 0,8 et 1,26 g/l selon si la mesure est faite à jeun ou quelques heures après un repas. Selon les chiffres de l’OMS, on parle de diabète lorsque la glycémie à jeun est supérieure à 1,26g/l. La régulation physiologique de la glycémie est très complexe et fait intervenir de nombreuses voies hormonales et en particulier la sécrétion de l’insuline par notre pancréas. L’insuline a pour rôle de diminuer la glycémie et de permettre à nos cellules d’utiliser le glucose comme source d’énergie ou de le stocker dans notre foie ou sous forme de graisse dans notre tissu adipeux.

Or cette régulation de la glycémie varie en fonction de l’heure de la journée à laquelle nous prenons un repas et varie également lorsque nous dormons. Ces découvertes ont pu être révélé en partie grâce à la mesure de la tolérance du glucose.

La tolérance au glucose caractérise la capacité de notre organisme à métaboliser le glucose ingéré afin de rétablir une glycémie normale de référence. En règle générale, cette mesure de la tolérance au glucose est évaluée par un test consistant à boire une solution sucrée et de mesurer la glycémie à des intervalles de temps précis. Chez les personnes en bonne santé, la tolérance au glucose varie au cours de la journée, étant plus faible le soir que le matin. Cette tolérence au glucose atteint son minimum au milieu de la nuit et dépend de la survenue du sommeil qui va moduler le métabolisme des sucres.

Des expériences réalisées en laboratoireont montré que la privation de sommeil (4h par nuit) pendant quelques jours (6 jours consécutifs) engendrait une diminution de la tolérence au glucose accompagnée d’une résistance à l’action de l’insuline. La résistance à l’insuline est maintenant bien connu comme un facteur conduisant au diabète de type 2.

En résumé, la majorité des études indiquent que l’accumulation d’une dette de sommeil peut augmenter le risque de développer un diabète de type 2, particulièrement chez les hommes. Il faut noter que ces conclusions sont essentiellement basées sur des questionnaires de sommeil réalisés par les personnes testées. Il serait  cependant important de réaliser des mesures plus objectives du sommeil des sujets afin de définir plus clairement les mécanismes de causalité conduisant à l’apparition du diabète.

  • Le manque de sommeil altère la régulation de la prise alimentaire

La prise alimentaire est régulée par l’interaction entre des signaux nerveux et hormonaux en provenance de notre cerveau et de notre corps. Le cerveau contient une structure cérébrale localisée dans l’hypothalamus qui est capable d’envoyer des messages nerveux permettant de stimuler ou d’inhiber la sensation de faim. En parallèle deux hormones la leptine et la ghréline sont libérées par notre corps et participent à la régulation de la prise alimentaire.

La leptine est sécrétée par le tissu adipeux et est impliquée dans la sensation de satiété. La libération de la leptine va indiquer à notre cerveau que notre estomac est « plein », et qu’il va falloir commencer métaboliser les nutriments et donc à fabriquer et stocker de l’énergie. Pendant le sommeil, les concentrations en leptine augmentent, indiquant à notre cerveau que nous avons assez d’énergie et qu’il n’est pas nécessaire de déclencher la sensation de faim. En revanche, si vous êtes dans un état de privation de sommeil, alors les concentrations de leptine vont diminuer ce qui qui va être interprété par notre cerveau comme un signal de manque d’énergie. Notre cerveau va donc activer la sensation de faim, même si nous n’avons pas réellement besoin de nourriture à ce moment-là. Il prendra également des mesures pour stocker sous forme de graisse les calories que nous consommons.

L’autre hormone impliquée dans la régulation de l’appétit est la ghréline qui est sécrétée par l’estomac et qui a les effets inverses de ceux de la leptine. La ghréline augmente la sensation de faim et par conséquent la prise alimentaire. En effet, cette hormone va informer notre cerveau que nous avons besoin de manger, qu’il n’est plus nécessaire de brûler des calories et qu’il doit stocker l’énergie sous forme de graisse. Pendant le sommeil, les concentrations de ghréline baissent, parce que les dépenses énergétiques pendant le sommeil sont beaucoup moins importantes que pendant l’éveil. Par conséquent, les personnes qui sont en dette de sommeil vont accumuler cette ghréline dans leur organisme donnant l’illusion à notre cerveau que nous sommes en carence énergétique. La sensation de faim peut alors être continue.

En résumé, une privation de sommeil va diminuer la sécrétion de leptine et augmenter celle de la ghréline induisant alors un arrêt des mécanismes de la satiété et une stimulation de ceux de la prise alimentaire et du stockage de graisse.

En conclusion, les études scientifiques montrent que la privation de sommeil peut augmenter le risque d’obésité et le diabète de type 2 par de multiples voies. Le manque de sommeil peut donc avoir un effet défavorable sur la régulation du glucose, notamment en augmentant la résistance à l’insuline et en diminuant la tolérance au glucose. La privation de sommeil peut également interférer sur le contrôle de l’appétit entraînant une consommation excessive de nourriture et une diminution de la dépense énergétique. Les causes exactes de l’augmentation spectaculaire de la prévalence d’obésité et du diabète restent à définir clairement. Néanmoins, la restriction volontaire de sommeil imputable à nos activités quotidiennes multiples est très certainement un facteur prépondérant dans cette pandémie qui frappe nos sociétés modernes depuis des décennies.

(1) Knutson KL, Spiegel K, Penev P, Van Cauter E. The metabolic consequences of sleep deprivation. Sleep Med Rev. (2007) 11(3):163-78.
(2) Spiegel K, Leproult R, Van Cauter E. Impact of sleep debt on metabolic and endocrine function. Lancet. (1999) 354:1435–1439

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