Vernissage Jeudi 24 avril à partir de 18h30
…J’étais venu au Mississippi pour rencontrer Faulkner car après avoir lu en 1955, le premier de ses romans Le bruit et la fureur, j’ai tout de suite voulu aller voir ce lys si différent de l’Amérique que je croyais connaître et parler à son auteur. Alain Resnais m’apporte une parfaite formulation de cet attrait : quand on lui demandait pourquoi il aimait les «herbes folles», il répondait: «Parce que j’aime la réalité quand elle est un peu décalée».
Les personnages et le comté mythique de Faulkner m’avaient laissé une image d’herbes folles, cette impression d’austérité simple et sauvage qui cherche un perfectionnement spirituel tout en sachant que c’est improbable. Faulkner ajoutait : «we endure», nous résistons.
/…/ En 1958 Faulkner écrivait : « Nous acceptons l’insulte et le risque de la violence parce que nous ne voulons pas voir, sans rien dire, notre pays natal, le Sud, pas simplement le Mississippi, mais le Sud tout entier, se détruire lui même, deux fois en moins d’un siècle, à propos du problème noir ». En moins d’une décennie, dans les années soixante, Martin Luther King, Edgar Evers ont été assassinés à Memphis et à Jackson. J.F. Kennedy a été assassiné au Texas mais quarante ans plus tard, Obama a été élu président du pays. Faulkner serait heureux de voir que, apparemment, ses compatriotes n’ont plus peur du noir. Quand je me promenais dans ses romans et parcourais les terres où ses personnages allaient et venaient, c’est à dire dans les champs de coton, les carnavals Noirs, les églises Noires, les garages des Noirs (on les appelait des « shade tree mechanics »), j’étais comme dans une fête qui ne s’organisait pas, mais ne s’arrêtait jamais, une fête où Noirs et Blancs se côtoyaient sans trop se voir.
/…/ ce voyage pendant des mois à travers tout le Mississipi devait être initiatique à un double point de vue. C’est là que devait naître ma fille Guénola; c’est également grâce à ce pèlerinage aux source d’un mythe «plein de fureur et de bruit raconté par un idiot et qui ne veut rien dire» que j’ai appris à photographier comme je l’aimais jusque là sans le savoir, à travers le style d’un romancier qui écrit comme il voit d’une façon ininterrompue, en désordre, sans suite apparente, sans logique rassurante, sans retombées séduisantes mais où seule surnage l’insuffisance de la prise, mais jamais son insignifiance.
Alain Desvergnes
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