363ème semaine politique: Valls aggrave Hollande

Publié le 19 avril 2014 par Juan

Valls, le 16 avril 2014

L'histoire de François Hollande a pris un sale virage. Cette semaine, Bruxelles et Berlin ont éteint l'idée qu'un remaniement franco-français changerait la donne. 

Pire, le rapport de forces entre Hollande et Valls s'installe doucement mais sûrement. 

Pire encore, le programme d'économies enfin détaillé par Valls coupe encore davantage la gauche.


Hollande versus Valls ?

Le premier est élu mais impopulaire, le second désigné mais trop populaire. Le couple ne ressemble en rien à l'ancien duo Sarkozy/Fillon. Sarko était agité autant qu'immobile. Fillon rageux mais docile. Mais Hollande a désigné Valls car il n'avait plus de choix.
Lundi, Hollande converse avec Obama. Il évoque une "politique de sanctions ferme et graduée." La situation ukrainienne se dégrade très rapidement. Le pays est en voie de dislocation. En fin de semaine, l'armée ukrainienne intervient contre des commandos pro-russes. Hollande est préoccupé, comme d'autres. Mais il semble encore davantage préoccupé par la situation franco-française. Son premier des ministres s'est rapidement doté d'une cinquantaine de conseillers fidèles. La quasi-totalité de l'équipe Ayrault a été débarquée.
Alors Hollande rencontre beaucoup de ministres sans le premier d'entre eux. Lundi, François Rebsamen (Emploi) , puis un déjeuner avec Michel Sapin (Finances) sans Arnaud Montebourg (Economie). Mardi, Laurent Fabius (Affaires Etrangères). Mercredi, conseil des ministres. Jeudi, il déjeune bien avec Manuel Valls, mais reçoit Christiane Taubira quelques heures plus tard.
Hollande réorganise aussi la direction du PS. Lui président a (enfin) oublié que la politique se gagne avec des armes politiques. Mardi, le Parti ex-majoritaire se dote donc d'un nouveau patron. Sans élection ni autre forme de consultation de ses militants, Jean-Christophe Cambadélis a été promu secrétaire général du parti. On se souvient comment l'ancien DSKiste avait perdu contre Désir il y a deux ans. Tout arrive à point pour qui sait attendre. Sur les réseaux sociaux, le désarroi exprimé par certains militants et sympathisants est réel.
"Camba" ira-t-il voir ce film d'Abel Ferrara sur son ancien mentor que le Festival de Cannes, pour son édition 2014, a refusé de sélectionner ?
Hollande s'affaiblit. Mediapart lance une attaque contre l'un des plus proches conseillers de Hollande, Aquillino Morelle. Le site porte deux accusations contre le conseiller en discours et communication, la première paraît tristement anecdotique - une passion pour les chaussures de luxe et l'utilisation de deux chauffeurs de la Présidence; la seconde est grave, une ancienne collaboration il y a 7 ans avec un laboratoire privé, et qui n'aurait pas été déclarée à l'IGAS alors qu'il y travaillait.
Aquilino Morelle démissionne vendredi. Hollande salue le geste, mais il perd un rouage essentiel, un homme présenté comme l'intermédiaire efficace entre Montebourg et Valls.
Un patron du Medef lance une idée qu'il qualifie d'iconoclaste, c'est-à-dire ignoble: qu'on créé un SMIC plus bas que le SMIC pour les plus précaires, à savoir les les jeunes et les chômeurs de longue durée. Meilleur marché que le minimum, c'est forcément bon marché, n'est-ce-pas ? Même à droite, on s'offusque. Pierre Gattaz, c'est son nom, devient la risée des réseaux sociaux.

50 milliards pour qui ?


Mercredi, Hollande reçoit une seconde mouture du rapport "pour une maîtrise collective des dépenses publiques" préparé par le socialiste Martin Malvy et l'UMPiste Alain Lambert. Montebourg sèche ou n'est pas invité. Valls est évidemment présent, tout comme Michel Sapin , Marylise Lebranchu et André Vallini. La mise en oeuvre des 50 milliards d'euros passe par ces exercices de communication-là. En mars, une première version avait été fuitée dans la presse.
Le "rapport qui fait peur aux collectivités locales" incluait des suggestions "sans précédent" contre les collectivités locales: gel en valeur de leurs dépenses jusqu'en 2017 et mise sous tutelle de l'Etat des récalcitrants. Le gouvernement y cherche 11 milliards d'euros, sur les quelque 210 milliards d'euros de dépenses annuelles. La Cour des Comptes avait déjà et encore une fois sonné la charge en octobre dernier.
Mais ce rapport fait finalement peu de bruit car quelques heures plus tôt, à l'improviste et à Matignon, Manuel Valls a déboulé devant les journalistes, quatre ministres debout et silencieux à ses côtés, pour détailler les 50 milliards d'euros d'économies.  Il promet que les "efforts seront justes" car "collectif, "équitablement répartis" et qu'ils "serviront à tous." S'en suivent la liste des coupes, non plus pour seulement redresser les comptes du pays, mais pour financer l'élargissement des exonérations de cotisations sociales à un niveau inégalé en France: 18 milliards d’euros d’économies pour l’Etat (dont le gel de la valeur du point fonction publique jusqu'en 2017), 11 milliards d’euros d’économies sur les collectivités locales, et surtout 21 milliards d'euros sur les prestations sociales: hors minima sociaux, toutes les prestations seront gelées l'an prochain.
Les représentants d'EELV promettent qu'ils ne voteront pas le projet Valls "en l'état". Vraiment ?
"Ce matin, le signal n'est pas bon" a rapidement conclu un député socialiste. On parle de fronde. L'essentiel de ces 88 députés socialistes, et la poignée d'écologistes, qui questionnaient 8 jours avant la confiance à Valls mais la votèrent quand même une fois dans l'hémicycle pouvaient donc s'en mordre les doigts. L'opposition de gauche reste faible quand elle est divisée.
Manuel Valls, ou plutôt François Hollande, à moins qu'il ne s'agisse des deux, se sont fait retoquer leur demande de sursis à Bruxelles. La grande tentative pour obtenir un délai supplémentaire pour revenir sous l'infamante barre des 3% de PIB en déficit budgétaire a échoué. Il faudra donc davantage que les 50 milliards d'euros d'économies annoncées pour rentrer dans les clous sous peine de passer sous tutelle ou sanction. On ne pouvait espérer pire message en cette veille d'élections européennes. 
Martin Schulz (socialiste) et Aléxis Tsípras (gauche européenne) font chacun campagne pour les élections européennes. Le premier comme le second espèrent la tête de la commission européenne quand l'autre Baroso sera enfin démis. En France, une belle fraction de la gauche se mobilise contre l'euro lui-même. 

Les tabous tombent.
Se taire ou continuer ?
Vendredi, Gabriel Garcia Marquez est décédé.