PREAMBULE
Un billet ci-dessous qui n'a strictement aucun rapport, de près ou de loin, avec le vin.
Un ouvrage de Barjavel, LA FAIM DU TIGRE, écrit dans les années 60, pose une série de grandes questions qui ont été probablement traitées par quelques philosophes patentés ou quelques scientifiques à la recherche de chemins de traverse.
Existe en poche et on peut trouver pas mal d'articles et commentaires en mettant simplement ce titre dans l'outil de recherche de google.
A tout le moins, je reprends ici la présentation qu'en fait Wikipédia : ICI
"La Faim du tigre est un essai de métaphysique, publié en 1966, écrit par l'écrivain français René Barjavel.
Le titre est extrait d'une citation de Charles-Louis Philippe que l'on retrouve dans les pages préliminaires de l'ouvrage : La faim du tigre est comme la faim de l'agneau.
Cette citation est elle-même extraite d'un texte plus large, qui donne un aperçu intéressant de la tonalité de l'ouvrage : La faim du tigre est comme la faim de l'agneau. C'est la faim naturelle et implacable, mais douloureuse, de vivre. C'est cet appétit insatiable de provoquer ou d'endurer l'atrocité au quotidien, pour perdurer, toujours, ce sinistre théâtre où s'illustrent souffrances, crimes, terreur et esclavage, auxquels seule la Mort peut mettre fin. La Faim du tigre, c'est enfin et surtout la recherche rageuse de la raison pour laquelle, dans un cynisme sordide, ce sont la grâce, la beauté, l'innocence et l'amour, qui ont été choisis pour rythmer cette tragédie.
Le livre s'articule autour de trois idées principales qui viennent soutenir la thèse de l'auteur. Barjavel met en lumière la vanité et l'absurdité de la condition humaine et s'interroge sur la violence intrinsèque à toute vie. Il pointe l'incapacité de l'homme à appréhender et comprendre le monde dans lequel il est plongé au-delà des apparences et de ses sens par nature limités. Enfin, il part à la recherche des traces d'une vérité perdue sur le sens de la vie dont les religions révélées auraient été les dépositaires.
Résumé
L'Homme se trouve devant deux destins possibles : périr dans son berceau, de sa propre main, de son propre génie, de sa propre stupidité, ou s'élancer pour l'éternité du temps vers l'infini de l'espace, et y répandre la vie délivrée de la nécessité de l'assassinat1.
Le choix est pour demain.
Il est peut-être déjà fait.
Mais c'est toute une réflexion sur l'Homme, Dieu et la Vie que nous propose Barjavel dans ce livre bouleversant.
"Je donnerais tous mes livres pour celui-ci" (René Barjavel)"
Un livre de poche à lire, qu'il pleuve, qu'il vente; avec Bach ou Pink Floyd. Avec ou sans Ausone. Une fois que vous l'avez lu et annoté, lire un commentaire que j'ai gentiment demandé à Vidal-Madjar, (qui fut un des conférenciers au VDEWS et qui m'a fait connaître Etienne Klein, un de ses potes), Dit tonton Alfred (son site : ICI) , astrophysicien ayant des qualités exceptionnelles pour dire en mots simples ce que d'autres diraient bien plus mal en mots très compliqués.
Tonton Alfred a donc relu ce livre, et voilà ci-dessous son commentaire. Merci Alfred d'avoir répondu à ma sollicitation. Crois bien que c'est apprécié, un peu comme si Bettane - musicien dans l'âme - avait écrit à Harnoncourt ou Leonhardt pour commenter le Dermoncourt sur Bach. J'extrapole, j'extrapole…
Commentaires sur le livre « La faim du tigre » de René Barjavel"C'est un livre sur le conflit entre l'approche rationnelle dite « scientifique » et l'intuition « affective » associées à l'existence d'un Dieu responsable de la création des êtres vivants sur notre Terre.
Après une présentation plutôt objective de la procréation comme étant le moteur nécessaire au maintien de toutes les espèces vivantes, René Barjavel nous démontre que toutes les rencontres entre des êtres de sexes opposés sont uniquement dues au hasard, tout être vivant étant animé par un puissant mécanisme dont il ignore tout. René Barjavel conclut rapidement en soulignant que l'espèce utilise « ... une arme toute puissante, qui en général emporte le couple loin de toute conscience et de toute précaution : le plaisir de l'amour. » Il a de belles formules pour décrire le côté simpliste du comportement masculin comme par exemple : « ... il a couru derrière son sexe, lequel était orienté comme l'aiguille d'une boussole par le champ magnétique de l'espèce. »
René Barjavel prend soin de ne pas mettre l'homme sur un piédestal : « L'homme obéit, comme la souris ou l'éléphant, comme les poissons ou les petits oiseaux. » ce qui renforce cette impression d'objectivité et d'honnêteté de l'approche présentée.
Mais on déchante rapidement quand René Barjavel veut nous montrer que ce rôle du hasard dans la formation des couples est totalement nuisible. Il affirme même : « Il serait préférable de ne pas laisser au hasard le soin de former les couples ». Ceci est une contre vérité semblable à celles prônées par ceux qui ont voulu au cours des siècles faire apparaître une race supérieure par la sélection et la formation des couples à priori les plus adaptés. Il entre même dans les détails toujours avec des formules originales et imagées : « Essayer de faire avancer côte à côte ceux qui ont la même vitesse et la même direction, au lieu de laisser entrer en collision la Rolls et la Dauphine, le camion de cinq tonnes et le vélomoteur. ». On entrevoit là les liens un peu troubles que René Barjavel avait avec les idéologies de l'époque associées en particulier au Gouvernement de Vichy. Pour le citoyen que je suis, épris des « Droits de l'Homme », il y a là une difficulté majeure quant au contenu « objectif » du reste du livre. Mais continuons notre lecture.
Très vite on découvre que vis-à-vis de la religion, René Barjavel est très critique. Cela est plutôt rassurant quant à l'objectivité de sa démonstration. Il se demande qui pourrait faire le bon choix pour former les bons couples, en rejetant les parents comme les religieux : « ... la paroisse est devenue un corps obèse, le prêtre a oublié le sens des mots qu'il prononce et des gestes qu'il dessine machinalement au-dessus de l'autel désert ». Mais ce n'est qu'une vision actuelle des religions précise-t-il. René Barjavel garde indiscutablement une nostalgie de l'approche religieuse associée à la croyance : « Dans certaines sociétés anciennes et primitives, c'était le chaman, l'astrologue, le sorcier, le prêtre qui avait la charge des unions ». Pour l'astrophysicien que je suis, voir que l'astrologue garde une place de choix dans un coin de l'esprit de René Barjavel me refroidi bien évidemment. Mais essayons d'aller au-delà de l'obstacle, de garder notre objectivité en poursuivant encore une fois notre lecture.
René Barjavel pose alors enfin la question : « Quelqu'un, quelque chose semble avoir organisé la vie. Il est difficile de croire que tant de merveilles, tant d'astuces miraculeuses, tant d'ingéniosité efficace soient l'effet du hasard et de la chimie. Dieu ? ».
La question est claire, et René Barjavel a bien envie d'y « croire ». Mais pour lui « le nom de Dieu à trop servi » et « les Eglises sont devenues des barrières entre l'homme et le divin ». Loin des Eglises, René Barjavel semble être le meilleur avocat pour nous convaincre de façon objective.
René Barjavel se lance alors dans une description de l'Univers, en passant par l'apparition de la vie sur Terre, son évolution avec quelques parenthèses telles que le sens de la vie : « Pourquoi tuer ? Pour survivre. Et pourquoi survivre ? Pour tuer ? ». Ensuite René Barjavel nous donne une description de la physique au quotidien, des particules, du vide. Sans le vide, « toutes les particules qui composent l'espèce humaine, tiendraient dans un dé à coudre ».
Oui c'est vrai, nous ne sommes que bien peu de chose !
C'est alors que René Barjavel entame sa démonstration. Il nous montre que « le naturel est miraculeux ». Habitués, nous sommes devenus aveugles à ces miracles. René Barjavel en choisi un et cherche à nous présenter le miracle caché : le fonctionnement de l'oreille. Devant « la simplicité harmonieuse de son aménagement général, le raffinement de ses détails, la diversité de son fonctionnement mécanique, acoustique, électrique, chimique, séreux, sanguin, conjonctif, osseux, musculaire, nerveux, liquide, solide, gazeux », René Barjavel se demande comment on peut croire que l'oreille puisse être « le résultat chanceux de mutations hasardeuses » ? C'est là le cœur de sa démonstration.
Ayant rapidement rejeté la sélection naturelle, René Barjavel pose à nouveau les questions : « Qui a conçu l'oreille ? »
Pour René Barjavel tout est dit : « L'oreille ne s'est pas faite par l'invraisemblable hasard de millions de mutations favorables. L'oreille est un ensemble conçu, architecturé, organisé. Le hasard ne conçoit pas, n'ajuste pas, n'organise pas. Le hasard ne fait que de la bouillie. »
On a envie de dire : CQFD ! Mais cela n'a rien à voir avec une démonstration, ce n'est qu'une suite d'affirmations. Ce à quoi René Barjavel croit, rien de plus.
Ayant fait ce point, René Barjavel peut repartir à l'assaut des religions et nous montrer que quoique maintenant dévoyées, elles gardent en elles cette réalité divine nécessaire et incontournable, bien ancrée dans leur racines. Il ne reste plus à René Barjavel qu'à les décoder et nous montrer que cette divinité est bien là, à portée de la main, et qu'il ne nous reste plus qu'à s'y raccrocher.
Il n'y a cependant aucune démonstration dans ce livre. René Barjavel essaye simplement de nous faire adhérer à sa croyance, comme n'importe quel ecclésiastique à sa religion.
Pour vous « convaincre », je vais faire à mon tour du « René Barjavel » mais inversé. Au lieu de l'oreille je vais prendre l'œil. Instrument sensoriel tout aussi merveilleux qui nous donne la vision. Comment a t'il été « créé » ? L'œil est le résultat d'un processus évolutif qui tire ses origines très loin dans le temps : de 500 à 600 millions d'années. Il semblerait que tous les animaux possédant des yeux ont un gène en commun. L'ancêtre de cet œil primitif pourrait être celui de l'hydre ou de la méduse. Juste une parenthèse : l'hydre peut être considérée comme immortelle, grâce à ses capacités régénératrices à partir d'un simple morceau.
Mais revenons à l'œil. Des millions d'années ont été nécessaires pour faire évoluer un tel système. C'est énorme ! En effet des mutations ont réussi à faire passer des espèces entières d'une forme à l'autre en bien moins de temps. Par exemple 50 millions d'années « suffisent » à passer d'un dinosaure à un oiseau, 5 millions d'années de Lucie à l'homo sapiens sapiens ! Il faut comprendre à quel point le temps joue un rôle primordial dans cette discussion (voir le « Calendrier cosmique » dans plusieurs de mes livres) : par rapport à une année, 5 millions d'années ne sont que quelques heures, 50 millions d'années, un jour. À cette échelle, l'œil a été conçu en quinze jours, à partir de la mi-décembre, Lucie est apparue le 31 décembre vers 21h, et l'homo sapiens sapiens, notre espèce, quelques minutes avant minuit ! Dans l'espace comme dans le temps, nous ne sommes que bien peu de chose !
Ensuite si le but du concepteur, c'est bien l'œil, qu'est-il arrivé à ces poissons partis vivre dans les profondeurs abyssales. Là, sans lumière, ils sont devenus aveugles. Pourquoi ? Tout simplement parce que sans lumière, les yeux ne servent plus à rien. Alors, inutiles, les yeux évoluent. Mais vers quoi ? L'œil, projet sophistiqué, conçu et élaboré pour voir, va se changer en un organe sensoriel nouveau : la rétine va s'étaler sur la peau de ces poissons et devenir un détecteur de mouvements dans l'eau avoisinante. Miracle ! Mais quel projet subtil au cheminement tortueux. Si ce n'est pas du hasard, cela y ressemble beaucoup.
En résumé, tout le problème est là. Celui qui croit déjà, sera convaincu par la « démonstration » de René Barjavel. Celui qui ne croit pas, restera par contre sceptique voire hermétique à ce genre de « démonstration ».
Curieusement, l'inverse aussi est vrai. A la lecture de « Dieu l'hypothèse erronée » de Victor Stenger, tout esprit rationnel non croyant sera séduit par la démonstration, qui semble être faite avec le plus grand soin, suivant avec rigueur les méthodes scientifiques qui sont de plus, bien définies et présentées. J'avais moi-même cru, naïvement, que tout esprit rationnel, même croyant, serait forcément convaincu. Il n'en est rien ! Et cela pour une raison très simple qu'avance tout croyant : « Dieu ne peut pas être ramené à une simple hypothèse, il est forcément au-dessus de cela ». Pour un croyant la « démonstration » ne peut même pas commencer !
Le résultat final est simple : un croyant le reste, et un non-croyant aussi. Il y a bien sûr ceux qui se trouvent à la limite des deux domaines. Pour ceux-là la balance peut pencher d'un côté comme de l'autre, selon leur histoire, leur sensibilité, leurs envies."
Alfred Vidal-Madjar.