Pour cette troisième semaine du mois d’avril , Case Départ vous ouvre sa bibliothèque pleine de bons albums. Parmi eux, il y a quelques belles bandes dessinées. Le roman de Romain Gary La promesse de l’aube illustré par Joann Sfar, la réédition de l’album de Blake et Mortimer : L’aventure immobile, les deux premiers volumes du manga : Mon histoire, le deuxième volume de l’excellente série jeunesse : Zita la fille de l’espace, Celui qui n’existait plus : l’histoire d’un homme qui reprend sa vie à zéro, La fantaisie des dieux : un album choc sur le génocide au Rwanda, le premier tome du manga : Tamami the observer, La vallée : une drôle d’enquête burlesque, l’album du dixième anniversaire de la série d’humour pour enfants Les p’tits diables et le treizième tome de la série fantastique Fables. Bonnes lectures !
Sfar illustre Romain Gary
Romain Gary (1914-1980) est le seul écrivain français à avoir reçu par deux fois le Prix Goncourt : en 1956 pour Les racines du ciel et en 1975 pour La vie devant soi (sous le pseudonyme de Emile Ajar). Né à l’aube de la Première Guerre Mondiale, de son vrai nom Roman Kacew, à Vilnius (actuelle capitale de la Lituanie, mais à l’époque russe, jusqu’en 1917), il retrace de façon très personnelle et pudique son enfance entre Varsovie et Nice, dans La promesse de l’aube.
Paru en 1960, adapté au cinéma par Jules Dassin puis au théâtre, c’est la première fois qu’il est illustré par un auteur de bande dessinée. Le roman autobiographique raconte la très belle histoire d’amour entre une mère et son fils. Cette femme, ancienne actrice élevant seule son enfant et parcourant la Russie, entre Wilno (Vilnius) et Varsovie. Son père (?), Ivan Mosjoukine, acteur, serait décédé d’angoisse devant la porte d’une chambre à gaz. L’écrivain n’aurait s’en doute jamais vraiment connu son père biologique, séparé de sa femme lorsqu’il était petit. Ce géniteur anonyme amène le thème central du livre : la quête identitaire délicate de Gary.
Dans le récit, la mère de Romain souhaite un avenir extraordinaire à son fils ; elle veut qu’il deviennent célèbre. Pour cela, elle lui fait essayer de nombreuses activités artistiques : peinture, danse ou musique. Pourtant, il n’arrivera pas à s’épanouir dans l’une d’elles, préférant se tourner vers l’écriture. Leur vie, semble des plus paisibles ; ils ne manqueront de rien, voire vivront aisément de la vente des chapeaux et vêtements qu’ils confectionnent. Avec l’arrivée au pouvoir de Hitler, ils sont forcés de quitter le pays ruinés et d’aller s’installer à Nice. La mère idéalise la France depuis longtemps.
Dans la deuxième partie du roman, Romain Gary conte sa vie niçoise. Après de grandes difficultés, la stabilité revient grâce au nouveau travail de sa mère : elle est gérante de l’hôtel Mermonts. De son côté, il part à Paris pour y étudier le droit et en 1938, entre à l’école de l’air de Salon-de-Provence. Mais sa promotion en tant qu’élève-officier est refusée au motif d’une naturalisation française trop récente. Pour ne pas faire trop de peine à sa mère, il dissimule la vérité.
Dans la dernière partie de l’ouvrage, il est engagé dans la Seconde Guerre mondiale en tant que simple caporal. Il raconte alors les années de souffrance où il reçoit de nombreuses lettres de sa mère pour l’encourager dans la voie de la liberté. Il s’engage dans l’Aviation de la France Libre et combat en Afrique et en Grande-Bretagne. Gradé capitaine, il rejoint Le compagnons de la Libération à la fin de la guerre. Revenant à Nice, il découvre que sa mère est décédée depuis 3 ans et demi et qu’elle avait confiée à une amie le soin d’acheminer les centaines de lettres à son fils, au fur et à mesure.
Entre réalité et parfois fiction, cette autobiographique fictionnelle est bouleversante et met en lumière l’amour maternel dans tous ses acceptions, dans ses forces comme dans ses faiblesses. Personnage principal du roman, la mère place tous ses espoirs dans la réussite de son fils ; elle, ancienne actrice juive exilée. Lui, entre gratitudes et rancunes vis-à-vis d’elle, exalte un des récits les plus émouvants sur l’amour inconditionnel entre un fils et sa mère.
De son côté, Joann Sfar apporte une belle plus-value au roman. Alors que son livre préféré Les racines du ciel, qu’il a lu vers l’âge de 15 ans, il décide néanmoins d’illustrer de manière brillante La Promesse de l’aube. Il est attiré par ces images qui lui sont très familières : Nice et son enfance. Toutes les préoccupations du romans se sont les siennes : sa femme vient de Vilnius, il a grandi à Nice et à même joué au tennis club du Parc Impérial. Romain Gary est son véritable héros, comme a pu l’être son grand-père qui lui racontait ses récits de guerre, comme ceux de polonais et de russes exilés sur la Côte d’Azur. Admirant tout chez l’homme comme chez le romancier, son élégance comme sa révolte ; il souligne : « Gary a tort sur tout… et moi, je suis d’accord avec Gary sur tout ! C’est mon héros. J’aime même ses livres. » Son trait jeté et nerveux rend parfaitement cette ambiance d’amour mais aussi de recherche profonde d’identité de Gary.
La promesse de l’aube : un roman magnifiquement illustré par l’un des auteurs contemporains les plus prolifiques. Pour (re)découvrir l’autobiographie de Romain Gary, se laisser emporter par les dessins qui mettent en valeur un texte admirable et sublime, bouleversant et drôle.
- La promesse de l’aube
- Auteurs : Romain Gary et illustré par Joann Sfar
- Editeur: Futuropolis
- Prix: 39€
- Sortie: 02 avril 2014
Et si nos héros avaient vieilli…
Les éditions Blake et Mortimer publient de nouveau le magnifique livre hommage aux deux héros, L’aventure immobile. Initialement paru en 1998, les textes sont écrits par Didier Convard et les illustrations sont de André Juillard. Cette bande dessinée épistolaire met en scène les deux courageux héros de Edgar P. Jacobs au crépuscule de leur vie ; une lettre énigmatique va les réunir de nouveau dans une nouvelle aventure.Retraités depuis quelques longues années, Francis Blake et Philip Mortimer coulent des jours heureux chacun dans leur demeure. Le professeur habitant à Graigallan Lodge et le colonel à Park Lane à Londres. Pour se rappeler à leurs bons souvenirs, ils entretiennent régulièrement une correspondance. Tous deux sont invités par le Saint James Temple, le club écossais auquel ils appartiennent, à fêter la Saint Jean d’hiver. Lors de la réception, ils recevront une médaille et ils devront présenter un exposé vantant leurs aventures.
Mais leur correspondance prend un nouveau virage lorsqu’ils reçoivent un courrier mystérieux signé Le dernier gardien du secret. Dans la missive, ce dernier explique que son heure est bientôt arrivée de rejoindre ses ancêtres de l’autre côté de la rive où l’attend Oupouat, l’ouvreur des chemins. La mort rôde autour de lui, prête à lui prendre la vie. S’il ne semble pas plus troublé que cela, il les invite à creuser en eux-même leurs souvenirs. Cet homme serait probablement le cheik Abdel Razek que Blake et Mortimer ont croisé lors du Mystère de la grande pyramide…
L’aventure que les lecteurs découvrent est plutôt imaginaire et plutôt virtuelle, faisant appel à aux rêves des héros de Jacobs. En effet, comme ils ont bien vieilli et qu’ils goûtent à une retraite méritée, ils ne peuvent plus vivre leurs aventures physiquement et finalement voyager dans leur moi intérieur le plus profond pour résoudre cette énigme. Le récit de Didier Convard se présentent sous la forme de lettres échangées entre les deux personnages, toutes teintées d’un profond respect entre eux et emplies d’une infinie tendresse. Si la joie de se voir enfin réunis après de nombreuses années par le Club, ils le seront encore plus aux confluents du Nil. Cette histoire quasi mystique et énigmatique rend hommage aux albums les plus réussis de l’auteur belge, Le mystère de la Grande Pyramide. Les illustrations sublimes de André Juillard rendent elles aussi un bel hommage à la série originelle. L’on sait que l’auteur des 7 vies de l’épervier, reprendra avec Yves Sente, les personnages du célèbre duo à partir de 2000, soit deux années après cet album. S’il est encore loin de la ligne claire de ses futurs albums et plus proches de ceux des compagnons d’Ariane de Troïl, on sent déjà les prémices de cette belle reprise ; Blake et Mortimer ont bien vieilli sous ses crayons.
L’aventure immobile : un beau livre sur l’amitié entre Blake et Mortimer. Pour découvrir ces héros dans leur vie d’après…
- L’aventure immobile
- Auteurs : Didier Convard et André Juillard
- Editeur: Blake et Mortimer
- Prix: 13,99€
- Sortie: 04 avril 2014
Une belle histoire d’amitié improbable
Les éditions Kana publient en même temps les deux premiers tomes du manga Mon histoire. Pour la première fois en France, ce shôjo permet de découvrir l’amitié indéfectible entre Takéo et Sunakawa, deux jeunes japonais très différents. Scénarisée par Kazune Kawahara et mis en images par Aruko, cette histoire ravira les jeunes filles dont c’est le cœur de cible.Takéo Goda est un lycéen japonais pataud et bâti comme une armoir à glace. Foncièrement timide, il a beaucoup de mal à exister à côté de son meilleur ami Sunakawa auprès des filles. En effet, depuis leur plus tendre enfance, voisins de palier, le jeune blond très calme attire toutes les filles, tandis que le grand brun reste seul. Séduisant et intelligent, Suna est assailli de demandes. Mais lui n’a pas envie de s’encombrer de cela : il a la flemme !
Un jour de forte affluence dans le métro, Takéo remarque qu’un inconnu importune une jeune fille, Yamato. Ni une ni deux, il l’attrape et le fait descendre à l’arrêt suivant. Alors que les deux amis et la jeune fille attendent le policier, le grand costaud décoche un coup de poing au malotru parce qu’il continuait d’agresser verbalement la jeune femme. Commence alors une belle histoire d’amour entre les deux. Pourtant si Takéo est persuadé que c’est Suna qui intéresse Yamato, elle, n’a d’yeux que pour lui. Entre quiproquos et vérité, la relation entre les futurs amoureux va être longue à se dessiner.
Classique dans son approche, Mon histoire est pourtant un manga très intéressant. Le récit de Kazune Kawahara basé sur une amitié improbable est bien écrit, très efficace et plaisant. L’antagonisme de Takéo et Sunakawa permet de mettre en scène des situations cocasses et fortement amusantes. Si le grand gaillard semble brute de décoffrage, il s’avérera au fil des pages comme timide et être un homme valeureux qui aide son prochain (Yamato dans le métro ou un enfant qui se noie dans le fleuve). Suna, quand à lui, restera un être sensible et mystérieux. Pleine de rebondissements, cette histoire d’amour mêle folie et humour. Le dessin de Aruko rend bien cette ambiance joyeuse et drôle du récit : Takéo avec des traits forts et Suna avec des traits délicats.
Mon histoire : un très bon shôjo amusant et à la belle trame dramatique qui permettra aux lectrices de passer un bon moment de lecture-plaisir.
- Mon histoire, volume 1 & 2
- Auteurs : Aruko et Kazune Kawahara
- Editeur: Kana
- Prix: 6,85€ par volume
- Sortie: 18 avril 2014
Zita tombe de son piédestal
Au mois de mai l’année dernière, la toute jeune maison d’édition Rue de Sèvres publiait sa première bande dessinée, le premier volume de l’excellente série Zita la fille de l’espace; il était même sélectionné pour le Prix jeunesse du Festival BD d’Angoulême 2014. Cet opus est de nouveau signé par l’américain Ben Hatke. Le jeune lecteur retrouvera la jeune héroïne dans cet univers si original entouré de ses amis. Pourtant, elle sera mise sur la touche par un drôle de robot.Scriptorius, décharge publique. Un étrange robot Imitator sort de sa boîte. Jeté aux ordures parce qu’il avait des défauts, il passe devant une affiche vantant les exploits de Zita. Attiré par cette fille, Imitator décide de prendre le silhouette de l’héroïne : serpillière pour les cheveux, habits peints… Il lui ressemble comme deux gouttes d’eau.
De son côté Pipeau, l’ami de la jeune fille, fait attendre la foule en délire devant le domicile de Zita. Depuis qu’elle a sauvé Scriptorius, elle est portée sur un piédestal par les habitants de la planète. Pourtant la fillette ne veut pas être sollicitée telle une héroïne et souhaite partager le succès avec Randy le robot, N°1 l’autre robot ou Mulot la souris. En prise avec ses admirateurs qui veulent tous un autographe, elle tombe nez à nez avec Imitator ayant son allure. Soudain lui vient une idée : et si son sosie parfait la remplaçait auprès de la foule, elle pourrait alors aller gambader sur le dos de Mulot et s’amuser.
Zita partie, c’est à Imitator que revient la charge d’accueillir les ambassadeurs de La nouvelle Lamponie. Ils souhaitent l’aide de la jeune fille parce que leur planète est menacée par des cœurs stellaires. Le sosie donne alors son accord.
De son côté, la vraie petite fille se rend au cirque Admitone où elle admire un numéro de personnages qui se dédoublent ou celui d’une magicienne. Pourtant, l’heure du décollage de son vaisseau arrive, elle fonce jusqu’à lui. Mais devant la maison, Imitator la bouscule, la porte se referme et Zita se retrouve seule sur la planète ; le sosie prenant alors sa place dans l’engin spatial.
Voici une suite dans la même veine que le premier tome. Les ingrédients qui en avaient fait le succès sont toujours présents et permettent aux enfants de passer un très bon moment de lecture. Le récit de science-fiction de Ben Hatke oscille entre action et humour. Sa jeune héroïne ne sachant pas réellement où elle se situe face à ses nombreux admirateurs. Ses doutes sur son positionnement permettent une belle réflexion pour les jeunes lecteurs, s’identifiant à l’héroïne et pouvant aussi se poser cette question : Comment me situer dans un groupe, dans ma famille … ? Le découpage extrêmement dynamique distille beaucoup d’énergie à l’histoire et les dialogues a minima permettent une grande lisibilité et une belle fluidité.
Zita la fille de l’espace : un très bon deuxième album qui confirme tout le bien que l’on pensait de cette sublime série jeunesse où l’on ne prend pas le jeune lecteur pour un idiot. Un scénario science-fiction dense et intelligent additionné à un graphisme magnifique, donnent un excellent album.
- Zita la fille de l’espace, tome 2
- Auteur : Ben Hatke
- Editeur: Rue de Sèvres
- Prix: 11,50€
- Sortie: 12 mars 2014
Pour se faire oublier
Celui qui n’existait plus est un très bon drame contemporain de Rodolphe et Georges Van Linthout publié aux éditions Vents d’Ouest. Norman décide de disparaître de la circulation après les attentats du 11 septembre. Ce jour-là, il n’était pas au travail dans l’une des tours mais avec sa maîtresse. S’ennuyant ferme dans son couple, cet événement va lui permettre de prendre un nouveau départ dans sa vie. Pourtant rien ne déroulera comme il l’a prévu.
Norman Jones, quadragénaire américain, marié et père de deux enfants (Joan et Tiny), a un job en or. Travaillant dans l’une des tours de World Trade Center, il n’apprécie plus trop sa vie. S’ennuyant dans son couple, il a une maîtresse.
Le 11 septembre 2001, alors qu’il passe du bon temps avec la jeune femme au lieu d’être à son bureau, les attaques terroristes anéantissent les deux tours jumelles. Profitant de cet événement, il décide de disparaître de la surface du globe : plus de téléphone, de cartes de crédit, de clefs ni de papier d’identité. Aux yeux de tous, il est mort. Un brin désabusé, il pense que sa femme et ses enfants s’en remettront vite.
Dès le lendemain, il part sur les routes. Sac sur le dos, il n’a que quelques dollars en poche et commence à faire du stop. Sa destination : Markheim, le village de son enfance pour y faire resurgir ses souvenirs et revoir Linda, son amour de jeunesse. Rapidement, il comprend que pour se faire réellement oublier, il ne pourra pas approcher ses êtres si chers à ses yeux et notamment sa tante, Mae.
Celui qui n’existait plus est un très beau récit dramatique contemporain. Ecrit comme un excellent road-movie par Rodolphe, il met en lumière les errances et les doutes de Norman, le héros. Teintée de nostalgie, cette quête initiatique sur la découverte et la reconstruction de l’identité met l’accent sur une sorte d’aventure, de suspens voire de tensions. Sur fond de 11 septembre, l’ambiance douceâtre de cette course-poursuite vis-à-vis de son passé, tranche avec la psychose et le tout-sécuritaire post-attentats. L’histoire du scénariste prolifique est bien construite et il se permet même un dénouement original. Les dialogues sont bien écrits et la galerie de personnages de l’Amérique profonde que Norman rencontre semble plus vraie que nature. Le trait en noir et blanc aux feutres de Georges Van Linthout apporte un belle touche au récit. Les planches agrémentées de grandes cases (4 à 5 maximum) souligne l’ambiance de suspens de ce très beau road-movie.
Celui qui n’existait plus : un album fort et touchant sur la reconstruction de soi et de quête d’identité.
- Celui qui n’existait plus
- Auteurs : Rodolphe et Georges Van Linthout
- Editeur: Vents d’Ouest
- Prix: 22€
- Sortie: 19 mars 2014
Revanche sociale
La toute jeune maison d’édition très dynamique Komikku publie ce mois-ci, le premier volume de Tamami the observer. Ce manga choc prévu en 3 tomes, de Hiroto Ida ravira les amateurs de ce genre d’album mêlant subtilement : mensonges, manipulations psychologiques et lutte des classes.Université de Keihô. Seiichirô Kakôin, étudiant modèle et fils de famille modeste, a les dents longues. Il aime donner du temps et des conseils à tous le monde, surtout aux élèves de familles très aisées. Pourquoi ? Pour l’instant personne ne le sait. Mais il a un projet précis en tête, les amadouer pour les manipuler.
Proche de l’expulsion de sa chambre d’étudiant parce qu’il doit déjà 3 mois de loyer, il a du mal à se nourrir et ne possède que peu de costumes pour aller dans cette université réputée.
Pour se rapprocher au mieux de personnes riches et donc de mettre en œuvre son plan, il décide de donner des cours à une jeune adolescente, Tamami. Le majordome ne lui faisant pas trop confiance, se place devant la porte pour observer le moindre geste suspect. La fille ne fait pourtant pas beaucoup d’efforts pour apprendre.
Alors qu’elle va faire un tour, Seiichirô vole une petite culotte à la jeune fille. Surpris par Tamami et l’homme-de-main, il la place dans une boîte et fait croire qu’il utilise l’objet pour le cours de maths. Commence alors une drôle de relation entre la fille et le jeune homme. Elle possède un don très particulier…
Comme l’histoire est prévue en 3 tomes, les lecteurs ne seront pas obligés d’attendre longtemps pour connaître le dénouement final. Ce manga très piquant et très prenant est extrêmement bien écrit, mettant en valeur des personnages bien campés, notamment Seiichirô mystérieux, complexe, sans morale et un brin arriviste. Voulant mettre en place un projet de lutte de classes, le jeune homme est prêt à tout pour devenir quelqu’un de bien. Mais il a un vrai passé trouble et une vie pas très joyeuse. Le récit de Hiroto Ida est politiquement incorrect. Le résumé de l’éditeur ne donne pas spécialement envie parce que trop vague, pourtant la lecture est accrocheuse et mérite que l’on s’y arrête.
Tamami the observer : une belle surprise avec un anti-héros machiavélique prêt à tout pour réussir, des manipulations et des complots.
- Tamami the observer, volume 1/3
- Auteur : Hiroto Ida
- Editeur: Komikku
- Prix: 7,90€
- Sortie: 10 avril 2014
Au cœur du génocide rwandais
Voici un album dont on ne sort pas indemne. La fantaisie des dieux est une bande dessinée-reportage sur les lieux du génocide au Rwanda en 1994. Patrick de Saint-Exupéry et Hippolyte ont décidé de raconter le massacre organisé de 800 000 tutsis marquant ainsi le génocide le plus rapide de l’histoire. Pour commémorer cet événement qui s’est déroulé il y a 20 ans, il créent une œuvre forte, bouleversante et font un beau travail de mémoire.Du 6 avril au 10 juillet 1994, en 100 jours plus de 800 000 tués, des Tutsis du Rwanda et des opposants hutus furent assassinés. Tout cela, sous le silence assourdissant de la communauté internationale dont la France ; d’ailleurs notre pays est actuellement mis en cause par la président rwandais Paul Kagamé ou encore le couple franco-rwandais Gauthier qui essaie de débusquer les auteurs de tueries.
Pourtant dès 1990, l’ambassadeur de France à Kigali alertait la présidence française d’une stratégie de massacres envers les tutsis. Mais François Mitterand faisait la sourde oreille comme ses alliés occidentaux.
A bord d’une voiture publicitaire Patrick Saint-Exupéry et 3 journalistes pénètrent dans le pays par la Tanzanie. Leur premier choc : un silence parcourait le pays aux 1000 collines. Quelques jours plus tard, les 4 hommes décident de suivre un convoi militaire français. A Kibuye, ils découvrent le spectacle effroyable d’un génocide qui ne dit pas encore son nom.
Juillet 2013. Patrick revient sur les lieux des massacres. La vie est revenue alors qu’en 1994, la vie avait été gommée. D’abord au Home Saint-Jean, une église, où 4300 personnes trouvèrent refuge le 17 avril 1994 mais armés d’arcs, machettes, fusils et grenades, des hutus les massacrèrent. Des engins de BTP du ministère virent ensuite jeter les corps dans des fosses.
« Le génocide est une folie raisonnée. Quand un crime s’étale sur trois mois de temps, la colère n’explique rien. Tout était prêt. » 8000 tués en moyenne par jour entre le 6/04 et le 10/07. Une « productivité » deux fois supérieure à la solution finale nazie de Treblinka.
Peu d’auteurs de bandes dessinées se sont intéressés au génocide rwandais (Congo Bill – Cunningham et Zezelj, Mosquito, 2000 ou encore Déogratias – Stassen, Dupuis, 2000). Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur en chef de la revue XXI, a couvert cet événement si tragique en 1994 et c’est cette expérience qu’il a voulu décrire dans La fantaisie des dieux. Il avait rédigé auparavant un livre en revenant du pays: L’inavouable : La France au Rwanda, puis a augmenté cette version en 2009 sous le titre Complice de l’inavouable : La France au Rwanda. Le scénariste et son complice, le dessinateur Hippolyte sont partis sur place pour recueillir des témoignages de survivants, 20 ans après les massacres. L’album retrace fidèlement ce voyage dans le temps, pas à pas, au fil des pages ; ainsi que les horreurs perpétrées par les Hutus, tout est vrai dans les témoignages. Les deux auteurs parlent des massacres, les évoquent sans jamais les montrer, épargnant aux lecteurs le côté sanguinolent ; et c’est une des grandes forces du récit, sensible et bouleversant. Il permet de s’interroger intelligemment sur la responsabilités des occidentaux et plus particulièrement de la France (elle aurait passer un accord pour fournir des armes aux Hutus début 2004 passant outre l’embargo du Conseil de Sécurité de l’ONU). Le trait semi-réaliste de Hippolyte met l’accent sur les visages et les détails par de grandes cases élégamment colorisées à l’aquarelle. Quelques planches mi-rêverie mi-onirisme soulignent les propos des témoins. A noter quelques clichés photos de Patrick de Saint-Exupéry de l’époque qui s’intercalent parfaitement dans les pages.
La fantaisie des dieux : un album pour la mémoire, pour les morts, pour les survivants, pour ne pas oublier cette horreur indescriptible qu’est le génocide rwandais de 1994. Vingt ans après, les hommes politiques ne répondent toujours pas aux questions soulevées dans ce magnifique album. Case Départ vous recommande vivement sa lecture.
- La fantaisie des dieux, Rwanda 1994
- Auteurs : Patrick de Saint-Exupéry et Hippolyte
- Editeur: Les Arènes
- Prix: 19,90€
- Sortie: 6 mars 2014
Une vallée de fous
Meli-Meylaud dans la Vallée est le premier tome de la série burlesque et surréaliste La vallée, scénarisée par Martin Trystram et mise en images par Pascal Forneri. Edwin enquête sur d’étranges phénomènes se déroulant dans une petite cité.Dans un arbre, le docteur Meylaud et son assistant découvrent le facteur à califourchon sur son solex, transi et mort. Afin de ne pas affoler la population de cette étrange découverte, le vieil homme demande au jeune homme de ne rien dire.
Le lendemain, Edwin, employé de bureau, quitte son travail et attrape un drôle de tram. S’il y a un chauffeur, l’engin ne bouge pas. Au contraire des occupants qui ne trouvent rien à y redire, le jeune homme ne comprend pas. Valéria, la fille du docteur, lui parle en s’asseyant sur ses genoux puis lorsque les portes s’ouvrent, il retrouve le génial médecin un peu fou, qui lui présente l’anti-carnaval, un moment de normalité dans cette ville étrange. Le soir venu, Edwin rentre chez lui.
Au supermarché, le jeune homme cherchant du café, tombe de nouveau sur la belle jeune femme extravagante et un peu fofolle, qui lui intime l’ordre de la suivre à la bibliothèque. Là, elle lui fait découvrir un homme allongé, mort par étouffement et lui demande de résoudre les énigmes de ces deux meurtres ; lui qui a un esprit rationnel contrairement à tous ceux de la ville. Pourtant le jeune homme va être confronté aux esprits très tordus des habitants, parlant d’une chose et pensant son contraire et inversement. Aidé de Valéria, il rencontrera l’Hommémotion, qui capte les ressentis négatifs des gens ou encore le plombier, homme grand et costaud.
Le récit un brin poétique de Pascal Forneri est fou à souhait, décalé, burlesque et fait de nombreux non-sense. Le vrai personnage principal semble être la ville elle-même, qui vit d’elle-même avec ses codes et sa logique. Quand à l’intrigue apportée par les meurtres, elle part dans tous les sens, sans vraie linéarité. Edwin, lui-même, semble complètement perdu et n’a pas les clefs pour la résoudre. Le joyeux délire du scénariste mêle de nombreuses références ciné (Monty Python), télé, de dessins animés (Tex Avery) ou de bandes dessinées (Franquin, Gotlib, Goscinny, Uderzo ou Crumb). Cet univers farfelu oscille entre humour et onirisme. Le trait original de Martin Trystram est très dynamique et vivant, voire légèrement rétro.
La vallée : de la folie douce, de la fantaisie dans un album qui part dans tous les sens. Vivement le deuxième tome.
- La vallée, tome 1 : Méli-Meylaud dans la vallée
- Auteurs : Pascal Forneri et Martin Trystram
- Editeur: Dupuis
- Prix: 12€
- Sortie: 11 avril 2014
Et pour quelques pages de plus…
Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :
Les p’tits diables,
tome 17 : Frère adoré chéri de mon cœur !
Pour leur dix ans, la série jeunesse d’humour Les p’tits diables arrive avec deux albums coup sur coup publiés aux éditions Soleil, le tome 17 : Frère adoré chéri adoré de mon cœur (le 26 mars) et le tome 18 (le 22 octobre). Signé Olivier Dutto, ce succès populaire est de nouveau au rendez-vous pour ce nouvel opus. Depuis 2004, 800 000 exemplaires vendus, pré-publié dans Le journal de Mickey et le Mag Gulli, un dessin animé de 76 épisodes (M6 et Télétoon +) et le Prix du meilleur album jeunesse à Angoulême en 2005.Les héros principaux des P’tits diables sont Nina, 8 ans et demi, surnommée l’Alien par son frère ; officiellement la pire des pires sœurs et représentantes de toutes les sœurs de la Terre, mais aussi Tom, 7 ans, surnommé Le microbe par sa sœur, est le défenseur de tous les frères face à cette espèce dangereuse qu’on appelle sœur ! Il faut ajouter Chloé et Jean, surnommés maman et papa, sont les dignes représentants des parents profitant pleinement de l’énergie débordante et de la bonne humeur de leurs amours de petits diables. Et enfin, le chat Grippy, placide, paresseux et qui passe son temps à manger et dormir. Mais il adore aussi s’amuser avec les oiseaux. En revanche, il est très méfiant quand Tom et Nina veulent jouer avec lui. (A noter qu’une série va lui être entièrement dédiée avec un premier album, Grippy, tome 1 : y’a de la joie, le 21 mai 2014).
- Les p’tits diables, tome 17 : Frère adoré chéri de mon cœur !
- Auteur : Olivier Dutto
- Editeur: Soleil
- Prix: 10,50€
- Sortie: 26 mars 2014
Fables,
tome 13 : L’âge des ténèbres
Fables est une série fantastique créée par Bill Willingham. Dans cet univers onirique et poétique, le scénariste fait cohabiter des personnages de différents contes populaires. Récompensée en 2003, 2005 et 2006 par l’Eisner Award de la meilleure série, elle connaît un beau succès populaire. Les Fables, emmenés par Blanches Neige (voir le tome Les 1001 nuits de Neige) luttent depuis de nombreuses décennies contre les forces de l’Empire emmenées par l’Adversaire.Héros, créatures fabuleuses et monstres qui ont peuplés les légendes de notre enfance (Grimm, Andersen, Perrault…) se croisent, parlementent ou se battent sous la houlette de l’américain qui réécrit ces fables immortelles.
Après des combats rudes contre l’Adversaire, les Fables tentent de se reconstruire dans ce temps d’accalmie et de deuil. Toute la communauté prend le temps de penser aux héros tombés au champ d’honneur.
De son côté Mowgly part en terres hostiles pour le compte de Bigby. De plus, un mal très ancien se réveille au cœur des Royaumes libres.
L’on comprend aisément le succès populaire de cette série Fables, tant les scénarios des mini-récits sont savamment écrits. Faits de héros connus transposés dans un univers et des situations différents, les scenarii de Bill Willingham sont très structurés et alternent intelligemment les actions et les scènes plus réflexives. En ce qui concerne la partie graphique, les récits illustrés par Michael Allred et David Han sont très réussis et des plus équilibrés. A noter que James Jean fut lui aussi récompensé de nombreuses fois par l’Eisner Award du meilleur illustrateur de couverture.
- Fables, tome 13 : L’âge des ténèbres
- Auteurs : Bill Willingham, Michael Allred, Mark Buckingham, Peter Gross et James Jean
- Editeur: Urban Comics, collection Vertigo
- Prix: 17,50€
- Sortie: 11 avril 2014