J'avais adore mon passage en Galice lors de mon "Camino Frances" d'il y a deux ans. Ces beaux villages et paysages celtiques contrastaient aussi tres agreablement avec la traversee de la Meseta qui avait precede. Les chemins entoures de beaux chenes, les eucalyptus, tout cela m avait beaucoup plus. J'ai un peu retrouve ca a travers mon chemin d'hier et en Sanabrie, après une traversee de Meseta peut-etre, je suis d'accord la-dessus avec mon ami Patrick qui court aussi les chemins de Saint-Jacques, encore plus eprouvante et monotone, mais necessaire au voyage, que sur le Frances.
Cependant, aujourd'hui ce sont les tres beaux paysages d'une autre Galice que decouvraient mes premiers pas. Je m'elevais en effet tout de suite dans des montagnes couvertes d'une belle lande et de bruyeres, tres sauvage, en quittant le bourg d'A Gudina.
C'est une Galice plus aride, plus sauvage, moins marquee par la culture celte il m a semble, que je decouvre ici. Mais ces larges etendues, ces collines et montagnes a la vegetation rase et aux couleurs mauves dues a la bruyere, sont splendides. Quelques troupeaux, quelques hameaux perdus et dont la plupart des maisonnettes tombent malheureusement en ruine, viennent troubler un peu, heureusement, l'austerite des lieux. Un beau lac de retenue surprend aussi mon regard.
Avant d'admirer tout cela d'une bonne allure, mes premiers pas n'avaient pas ete solitaires, ce matin. J'avais vite rejoint sur la petite route a la sortie du bourg le couple de belges apercu hier soir a l'hotel. Ils habitent pres de Bruxelles, sont flamands mais parlent parfaitement le francais. C'est leur dernier jour sur le chemin, ils font juste un tour car doivent reprendre le bus tout a l'heure pour Madrid, avant de rentrer demain chez eux. Ils completeront donc leur Via de la Plata l'an prochain, mais n'en sont pas a leur premier chemin de Saint-Jacques, leur prefere restant la partie francaise. Pour eux, marcher ainsi est une belle facon de prendre des vacances en respirant la nature et en rencontrant des gens nouveaux. Notre echange est bien agreable. Nous parlons de pas mal de choses, dont l'importance d'avoir un sac leger. Je me vois presque dans l'obligation de leur conseiller mon livre pour en organiser un pour leur prochain periple!
Le reste de ma journee sera donc bien plus solitaire, une fois double les quelques autres pelerins de la matinee, je vais voguer seul dans la nature de Galice.
D'abords donc dans cette lande vaste et ses larges panoramas, puis, a la faveur de la tres longue descente vers la vallee qui me conduira, en pres de vingt kilometres et quelques remontees, a Laza, un village un peu plus importants que les hameaux que je traverse dans la pente, a travers une vegetation un peu plus dense, surtout plantee de coniferes. C'est souvent tres beau, mais la descente, a la longue, est un peu usante.
Je parviens finalement dans la vallee, a 400 metres d'altitude. La, une riviere coule paisiblement et la vegetation est plus classique, les feuillus habituels. Je suis tout content de me ravitailler un peu a Laza, ou je suis gentiment accueilli. Il me reste tout de même douze kilometres et une bonne remontee.
Le mercure aussi est bien remonte et c'est sous une chaleur ecrasante et un soleil qui tape dur que j'entame la derniere montee dans les cailloux. J'ai mis de la musique pour rythmer mes pas et ne pas trop penser. Mais c'est tout de même assez dur d'autant plus que mes pieds commencent a chauffer a nouveau et que mon ampoule au talon se reveille. Il me tarde tout de même d'arriver, même si le decor est a nouveau majestueux.
Et puis donc au bout de cette montee qui me semble interminable, sous un soleil qui me brule les bras, fatigue, je parviens tout de même a Albegueria.
Albegueria, c'est un petit village ou tous les pelerins s'arretent car c'est chez Luis. Luis, c'est le patron barbu du bar et de l'auberge, El Rincon del Peregrino. Depuis 10 ans, il decore son bar et son auberge des milliers de coquilles qu'il fait dedicacer aux pelerins. Du coup le lieu est devenu mythique.
Et puis c'est vrai que c'est bien particulier, ces coquilles, ces traces de passages partout sur les murs et les plafonds. Avec la musique qui va pas avec, ou plutot si. "The eyes of tiger", "Go west", des standards qui resonnent bien particulierement dans ce lieu unique.
Quand j'arrive, l'etablissement est plein mais heureusement pour moi le refuge a cote, vide: l'assemblee est composee de mushers et de coureurs qui organisent une curieuse competition de chiens de traineaux, sans neige. Les toutounes, me dit on, on eu bien sur trop chaud aujourd'hui. Mais je peux assister au depart de quelques speciales un peu plus tard. De l'animation dans un village qui par ailleurs semble presque aussi deserte et ruiniforme que ceux que j'ai traverse aujourd'hui.
A l'heure ou je termine ces lignes, je suis assis sur un tabouret de bar, chez Luis, dans le bar aux coquilles. C'est bien plein, et pas de pelerins. Y a des locaux, y a des mushers. Ca parle galicien et j'y comprends encore moins que quand ca parle espagnol. Enfin je comprends quand même que ca parle de la coupe du Roi, la finale c'est Barca-Real, pas vraiment inedit donc, et du coup aussi de l'idependance de la Catalogne. Que va devenir le Barca dans ce cas?
Chez Luis ce soir, y a un petit groupe de sourds muets aussi, ca parle en language des signes. Je comprends pas tout mais assez quand ils me demandent de les prendre en photo.
Chez Luis ce soir, je mange du chorizo et du fromage, arrose de vin rouge, pour me remettre de ma longue journee sur le chemin. C'est un endroit special, chez Luis. Mais ca me plait bien, et j'espere que ca me donnera la force de poursuivre mon chemin.
Enfin, je ne suis plus bien loin, demain je prevois un marathon pour aller voir Ourense, la derniere ville du parcours avant Santiago.
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