Un fait divers évité de justesse dans la chambre d’hôtel minable de journaliers mexicains. Un fils quittant le chevet de sa mère mourante pour établir un devis dans un funérarium. Une enseignante prise en otage par un parent d’élève mécontent. Un soldat qui vient vaguement en aide à la sœur d’un camarade parti en Irak. Une étudiante fascinée par la confession intime de l’une de ses profs. Un homme qui promène le chien de sa compagne disparue. Un père amenant de force son fils dans un collège militaire. Un américain victime d’un pickpocket gitan en Italie. Un mari qui ne peut oublier cette fille embrassée trente ans plus tôt… Dix nouvelles en tout. Dix petits riens, dix moments fugaces comme autant d’instantanés pris sur le vif. Des hommes et des femmes fragiles, en proie au doute.
Soyons clair : si vous êtes allergique à Carver (j’en connais certaines, elles se reconnaîtront), passez votre chemin. Mais si vous êtes comme moi amoureux de la prose minimaliste du grand Raymond, vous allez vous régaler. Tout est banal dans ce recueil. Parfaitement banal. Ces nouvelles sont un peu comme des bribes de tableaux impressionnistes construits par petites touches, à peine esquissés. Des scènes relevant de l’insignifiant, des histoires sans véritable chute.
Je suis clairement fan de ce genre épuré à l’extrême, de cette représentation du grand ordinaire de nos existences avec trois fois rien. La normalité, voila de quoi parle ce recueil. Une normalité à peine bousculée, une atmosphère suspendue quelques minutes ou quelques heures, quand survient un frémissement qui, peut-être, sera annonciateur d’une forme de basculement. La vie, quoi.
Notre histoire commence de Tobias Wolff. Bourgois, 2014. 178 pages. 15,00 euros.