par Marc Laffont
Après la publication en décembre 2013 d’une « Réflexion stratégique sur les perspectives de la filière viande ovine à l’horizon 2025 », FranceAgriMer poursuit en ce début 2014 son analyse des filières animales françaises dans un publication intitulée « Les filières animales terrestres et aquatiques - Bilan 2013 - Perspectives 2014 », laquelle dispose d’un volet « filière ovine ».
Cette publication fournit l’essentiel des informations rassemblées ci-dessous, agrémentées de quelques ajouts. Et à l’exception du paragraphe « 30 ans d’Histoire de la consommation de viande ovine en France », plus personnel...
Baisse du cheptel et hausse des réformes en 2013
Le cheptel ovin s’est à nouveau contracté fin 2012 de 2 % par rapport à fin 2011, les effectifs de brebis viande baissant spécifiquement de 2,5 %. Cette énième phase de décapitalisation peut s’expliquer notamment par l’envolée des coûts de production fin 2012 du fait de l’augmentation du prix des aliments composés (qui depuis s’est assagi).
Par conséquent, les abattages d’ovins enregistrent une nouvelle régression soutenue en 2013. Les abattages d’agneaux ont diminué de 2,9% en têtes et de 3,6% en poids (- 2 300 tonnes équivalent carcasses, tec).
Le coût de l’aliment peut expliquer la baisse du poids à l’abattage cette année. Sur l’année 2013, les abattages d’ovins de réforme ont augmenté de 0,7% en têtes. Mais la diminution du poids moyen des brebis abattues en France (- 1,4 %) suggère qu’il s’agit d’une vraie décapitalisation et évidemment pas d’une valorisation bouchère (très faible demande).
En bilan, la productivité numérique apparente (agneaux produits par rapport au cheptel reproducteur) stagne à un niveau inférieur à 0,7 en 2013 et la production d’ovins recule de plus de 3 % en tec cette année.
A titre d’exemple, la productivité apparente en Nouvelle-Zélande est supérieure à 1,2. (0,7 en France).
Vers 1985, lorsque la Nouvelle Zélande a décidé de mettre fin aux subventions agricoles, cette productivité y était quand même de 0,95 agneau/brebis/an.
Il n’y a rien d’étonnant à cette faible productivité hexagonale : le système français subventionne la détention de brebis, pas la production d’agneau. Et le seuil de productivité pour être éligible à la prime ovine est justement de…0,7 agneau, localement abaissé à 0,6 dans certains départements comme... l’Ariège. Il n’y a donc aucune « prime » à une plus grande technicité, alors que l’agneau représente à peu près 90 % de la consommation ovine en France.
Ce n’est pas un hasard si depuis quelques années les techniciens de l’Institut de l’Elevage essaient (sans trop de succès) de mettre l’accent sur ce point, car c’est là que se trouvent les gains de productivité. Davantage que dans la baisse de la mortalité des brebis, considérée comme secondaire en terme d’objectif, compte tenu de la faible productivité numérique endémique. Et la croissance des subventions ne pourra pas continuer éternellement…
Un commerce en vif qui accentue la baisse de la production
Les importations en vifs ont diminué en 2013 de 0,6 %. Cette baisse, contenue par des importations de vifs en provenance du Royaume-Uni, touche particulièrement les importations d’Europe de l’Est (Hongrie, Roumanie).
Parallèlement, les exportations en vif ont reculé de 5,1 % en têtes principalement à destination de l’Espagne et l’Italie où la demande est faible. Les exportations de brebis âgées ont augmenté vers les pays tiers du pourtour méditerranéen (Libye, Liban : voir Beyrouth et mourir…abominablement), mais dans des volumes faibles comparativement à ceux échangés avec les pays limitrophes.
Net recul des importations de viande
La faiblesse de la demande a détourné les principaux exportateurs du marché français. La Nouvelle-Zélande a diminué ses envois de viande ovine vers la France de 10%, bien que sa production soit en hausse en 2013. Le dynamisme de la demande asiatique a fortement réorienté les exportations néo-zélandaises vers ce marché porteur. L'Asie est désormais le premier importateur de viande ovine néo-zélandaise devant l’Union Européenne.
Les importations de viande en provenance de l’UE sont elles aussi en recul de 2,7 % en tec : seules les exportations du Royaume-Uni vers la France se sont maintenues (à 45,9 milliers de tec). Le recul des exportations étant plus faible que celui des importations, le solde commercial s’est amélioré. Maigre consolation…
Des prix à la production soutenus par le manque de disponibilités
L’hiver 2012/2013 a été marqué par des conditions climatiques difficiles. Les animaux vendus à l’exportation en nombre important et à prix faibles ont provoqué une chute des prix en France au cours des huit premières semaines.
Par conséquent, la hausse des réformes en Océanie et le manque de disponibilités se sont faits sentir sur le marché européen, entraînant une hausse des prix à partir du second trimestre 2013. La moindre production française a accentué le phénomène ce qui a eu pour effet une envolée du prix à la production à l’été 2013, mais au moment où la demande est la plus faible…
Ces prix soutenus se sont maintenus jusqu’à la fin de l’année en raison notamment d’une légère relance de la demande au moment des fêtes de fin d’années. Le prix moyen pondéré des agneaux français en 2013 a atteint 6,24 €/kg soit une augmentation de 0,9 % par rapport à 2012. Ce prix est déjà le plus élevé d’Europe parmi les pays producteurs. Ce levier ne peut donc guère être pourvoyeur d’amélioration de revenu dans le futur : un prix trop élevé est aussi un frein à la demande.
Le manque de volumes tire la consommation à la baisse
La consommation calculée par bilan diminue de 3,4 % par rapport à 2012, descendant en dessous de 180 milliers de tec de viande ovine. Le manque de disponibilités sur les étals, ajouté à un contexte économique difficile, n’a pas permis de relancer la consommation de viande ovine qui régresse pour la huitième année consécutive en volume.
La consommation par habitant baisse en revanche tous les ans depuis presque 20 ans, passant environ de 5,4 à 3,0 kgec/habitant/an entre 1995 et 2013.
D’après le panel Kantar Wordpanel, les achats des ménages ont diminué de 3,5 % en 2013 pour un prix moyen en hausse de 0,7 % à 13,34 €/kg parmi les plus chers du rayon viande de boucherie (10,76 €/kg en moyenne). Les achats ont notamment marqué un recul important au moment du pic de Pâques alors que cette période représente quasiment 20 % des achats de l’année. A l’inverse, les achats à la période de Noël ont progressé de 1 % par rapport à l’année dernière.
Une étude tirée de ce même Kantar Worldpanel en 2011 a détaillé la répartition des volumes d’achat par tranche d’âge de l’acheteur :
- Plus de 65 ans : 40 % des volumes d’achat (25 % de la population étudiée)
- 50 à 64 ans : 34 % (25 % de la population étudiée)
- 35 à 49 ans : 20 % (28 % de la population étudiée)
- moins de 35 ans : 5 % (21 % de la population étudiée)
La consommation de viande ovine est particulièrement dépendante de l’âge de la personne responsable des achats dans le ménage : plus une personne est jeune, moins elle achète d’agneau. Les quantités achetées par ménage sont ainsi divisées par presque 7 entre un ménage de moins de 35 ans et un de plus de 65 ans…
Prévisions 2014
Un contexte toujours peu favorable à la reprise de la production et de la consommation
La baisse de la production d’environ 100.000 agneaux en 2013 découle de la diminution du cheptel fin 2012 d’environ 100.000 brebis. Il ne semble donc pas qu’une quantité supplémentaire d’agnelles ait été gardée pour le renouvellement du troupeau en 2013. Compte tenu de l’augmentation des abattages d’ovins de réforme en 2013, on peut estimer que la production d’ovins-caprins va reculer d’au moins 1 % en tec en 2014. Cette baisse de la production devrait résulter d’une nouvelle baisse des abattages d’agneaux et d’un recul des réformes par rapport à 2013.
La routine, quoi…
Les filières britanniques et néo-zélandaises devraient connaître elles aussi une baisse de leur production par rapport à 2013 ce qui pourrait faire diminuer les importations françaises de viandes ovines et caprines en 2014 de presque 3 %. A cela s’ajoutent la faible demande nationale et l’émergence du marché asiatique qui détourne les principaux exportateurs internationaux du marché français. Cette baisse des importations, et de la production, pourrait entraîner un repli de la consommation de viandes ovines et caprines d’au moins 2 % dans un contexte de prix élevés.
Arrivé au terme de cette synthèse, difficile de résister à la tentation de confronter les analyses de FranceAgriMer avec les prédictions lyriques du principal syndicat agricole, la FNSEA :
« La filière ovine bénéficie aujourd’hui d’un contexte favorable : elle a obtenu en 2010 un rééquilibrage des aides de la PAC, elle a mis en place un nouvel appui technique rénové pour améliorer les performances technico-économiques des éleveurs. »
« La production ovine est rentable et la profession d’éleveur ovin permet aujourd’hui de dégager un revenu au moins équivalent à celui des autres productions […]. A cela s’ajoute une consommation d’agneaux prévue à la hausse […]. Le contexte est donc plus que favorable pour s’installer en élevage ovin »
Coué, quand tu nous tiens…
Cette étude est la suite de "Bilan 2013, perspectives 2014 et solutions durables pour la filière ovins-viande française"