Pourquoi suis-je devenue féministe et abolitonniste, alors que je suis ouverte, libérée et ancienne vendeuse de jouets érotiques?
J’ai toujours été très ouverte sexuellement et j’ai longtemps cru que la prostitution devait être légalisée, pour le bien des femmes. Je n’ai jamais jugé les femmes qui travaillaient dans «l’industrie du sexe», ni les gens qui profitaient de leurs services.
Je suis encore ouverte, mais je ne crois plus que la prostitution devrait être légalisée. Je ne crois plus qu’être prostituée est un choix, ni qu’il s’agit de quelque chose qui ne regarde personne d’autre que deux adultes consentants.
J’ai changé d’idée. J’ai changé tout court. Parce que j’ai posé des questions et que je me suis questionnée moi-même. Parce que j’ai observé, écouté, lu, appris et accepté que je m’étais trompée.
La notion de choix dans la prostitution
J’ai changé d’idée parce que j’ai réalisé que même si ça semble parfois être un choix d’offrir ses charmes en échange d’argent, c’est plus souvent qu’autrement une solution «moins pire» que d’autres, et surtout plus accessible, à des problèmes plus profonds comme le manque d’argent, d’estime, de temps, de diplômes, de soutien, de ressources, de choix. Peu importe pourquoi on le fait, ce n’est pas un choix, c’est une absence de choix…
Les facteurs de vulnérabilité à l'entrée dans la prostitution
J’ai changé d’idée parce que j’ai appris qu’au moins 85% des femmes prostituées ont été abusées sexuellement avant d’être prostituées et qu’elles ont cultivé, plus ou moins consciemment, l’impression de n’être bonne qu’à ça, plaire, charmer, poser, servir, baiser, sucer, être un objet de désir… Il m’est un jour apparu évident que la prostitution était davantage une conséquence qu’un choix libre et éclairé. Surtout en apprenant aussi que la moyenne d’âge d’entrée dans la prostitution est de 14 ans et que le manque de ressources financières est un des facteurs qui poussent le plus les femmes à être prostituées.
La sortie de la prostitution
J’ai changé parce que j’ai appris et constaté qu’au moins 90% des femme en situation de prostitution souhaitent en sortir mais n’y arrivent pas, peu importe les raisons. Ces raisons sont nombreuses et parfois difficiles à comprendre, mais le résultat est que la majorité des filles n’arrivent pas à arrêter au moment ou elles le souhaitent et de la façon dont elles veulent le faire. Et lorsqu’elles en sortent, elles sont très souvent profondément marquées, traumatisées et meurtries. C’est désastreux. Mais c’est normal. Parce que la prostitution, en soi, c’est violent. N’importe quel humain vivant de la violence de façon répétée ou sur une période prolongée en garde des séquelles.
La prostitution, un métier?
C’est pour ça que j’ai changé. Parce que d’accepter la prostitution comme étant une banalité, un mal nécessaire, un métier ordinaire ou un choix volontaire et conscient, ça aurait été nier tout ce que j’ai vu, lu et entendu de détresse, de désespoir, de colère et de douleur.
La prostitution laisse les mêmes séquelles que le viol, car la prostitution, c’est une suite de viol. Il n’est pas question de consentement libre et éclairé lorsque celui-ci est acheté par une personne qui possède une ressource nécessaire à la survie de l’autre. Il est alors plutôt question d’exploitation et d’esclavage. Parce qu’il n’est pas question de métier quand on parle de prostitution, sérieusement, ça n’a rien à voir avec un métier… On ne rêve pas de faire carrière dans «l’industrie du sexe», on ne souhaite pas que nos filles fassent carrière dans l’industrie du sexe, et ce, même quand on ne juge pas les femmes prostituées.
T'es rendue prude Maman toute croche?
Être abolitionniste, ce n’est pas être prude, puritaine ou pleine de jugements; c’est vouloir combattre une violence qui n’a aucune raison d’être. Ce n’est pas être contre les femmes prostituées; c’est vouloir qu’elles n’aient plus à l’être et croire que c’est possible. Ceux qui prétendent l’inverse le font haut et fort parce qu’ils en ont les moyens et qu’ils ont gros à perdre si la société s’engage à combattre la prostitution.
Ce ne sont pas les femmes prostituées et détruites de l’être qui propagent le plus qu’il est acceptable d’être prostituée, ce sont ceux et celles qui les exploitent, financièrement et/ou sexuellement.
Et ce n’est pas parce qu’une femme dit qu’elle est heureuse en étant prostituée qu’elle l’est réellement. Plus des deux tiers des femmes ayant un vécu en lien avec la prostitution ont déjà prétendu y être bien alors qu’elles n’avaient qu’un désir, que ça arrête!
Et je parle des femmes parce qu’elles comptent pour 95% des personnes prostituées, et qu’elles le sont par des hommes dans plus de 95% des cas, peu importe le sexe de la personne prostituée et le pays ou elle se trouve. La prostitution n’est pas un travail, c’est une industrie violente, sexiste et raciste qui exploite la misère des plus vulnérables. Ce ne sont pas les femmes qui se vendent, ce sont les hommes qui les achètent. Et s’ils ne le pouvaient pas, ils ne se mettraient pas à violer tout ce qui bouge. Les taux de viol n’ont pas augmenté dans les pays abolitionnistes, seul le bien-être des femmes a augmenté.
C’est pour ça que je suis abolitionniste et que j’en parle, parce que je ne peux passer sous silence une violence qui me semble maintenant évidente, même si je l’ai moi-même déjà ignorée, banalisée et même encouragée.
Pour ça, et parce qu’il y a urgence d’agir si vous partagez mon opinion.
La Cour suprême du Canada à invalidé les articles de lois qui entouraient la prostitution le 20 décembre dernier et elle doit donc «réécrire la loi» dans un avenir de plus en plus rapproché. Trois modèles législatifs dominent dans le monde et seul le modèle nordique est concluant à ce jour. Ce modèle encourage les femmes à sortir de la prostitution en les aidant concrètement à le faire, et sévit envers les hommes, mais surtout, sensibilise et éduque la population.
Les pays qui ont légalisés la prostitution sont de plus en plus nombreux à avouer leur erreur, à constater que la détresse des femmes augmente et qu’elles ne sont pas plus en sécurité, qu’elles sont au contraire plus maltraités qu’ailleurs dans le monde, comme si la légalisation de la prostitution légalisait aussi la violence envers les femmes. Ces pays souhaitent maintenant la réglementer, et à première vue, les mesures proposées seront davantage avantageuses pour les hommes que pour les femmes, on ne progresse pas dans un état ou on légalise la violence, on régresse...
Il est de plus en plus démontré que le modèle nordique est le modèle à privilégier dans une optique d’égalité et de soucis de sécurité pour les femmes, pour les filles, pour les victimes. Les pays ayant adopté ce modèle en compte de moins en moins, en aide de plus en plus et sont ceux de qui nous devons prendre exemple car c’est eux qui respectent le droit fondamentale des femmes à l’intégrité physique et à la sécurité.
Et vous, souhaitez-vous vivre dans un pays qui combat la violence ou dans un pays qui la légalise? Qui tente de l’encadrer aveuglément, alors que les autres pays n’y arrivent pas, ou qui soutient les personnes qui la subissent, afin qu’elles cessent de la subir? Dans un pays ou le profit vaut plus que l’humain, ou dans un pays où l’humain est encore au centre des préoccupations? Que voulez-vous pour vos enfants? Car oui, les personnes prostituées ont été enfants elles aussi, de parents qui ne pensaient pas qu’elles seraient prostituées un jour…
Si vous êtes d'accord avec moi, je vous invite à visiter le site de la concertation pour la lutte à l'exploitation sexuelle, au www.lacles.org
Si vous doutez encore, je vous invite à lire ce blog: www.deshistoiresdesurvie.blogspot.com
Si vous êtes une femmes prostituée, je vous invite à vous questionner sur le bien-être que vous en tirez réellement et à demander l'aide de la C.L.E.S si vous réalisez que vous préféreriez être aidé et pouvoir arrêter, que continuez à être exploité. Pour les femmes de Québec je vous invite à vous informer à la Maison de Marthe. Pour l'instant c'est les seules ressources qui existent, avec les ressources pour femmes violentées ou en difficulté, et elles débordent de demandes d'aides mais ont toujours de l'aide à offrir