« Chéri, il faut qu’on parle ». Métro, boulot, dodo puis vaisselle, ménage, repassage : qui aurait cru que la vie à deux serait si peu trépidante au quotidien ? Certainement pas Barbie, dont le sourire indécrochable ne déride pas même en plein sommeil. Sans doute le mutisme de Ken n’y est pas étranger, épargnant les « t’as encore claqué tout notre fric » et autres « moi je descends toujours les poubelles » redondants. C’est pour éviter ce genre de marronniers que de nombreux couples décident d’habiter chacun chez soi, réservant leurs moments de tendresse aux instants qui s’y prêtent pleinement. Vivre séparés, pour mieux se retrouver, par désir et non par automatisme. De quoi faire battre de l’aile le mythe de « l’amour pour toujours » ? Pas si sûr, car la passion aveugle ne dure qu’un temps avant d’atteindre sa DLC. Trois ans plus précisément à en croire Frédéric Beigbeder.
© Stéphane Gibert
Une fois les lunettes roses ôtées, personne ne nous aime « tel que l’on est », en train de s’épiler gracieusement le mollet ou avachi en jogging devant l’écran, bière à la main et rots à la clé. Le terme « tue l’amour » n’a d’ailleurs pas été inventé par hasard, car l’idéal nous veut beaux, entreprenants, drôles et pétillants de projets : tels qu’on l’était encore au stade de la séduction, avant que le toit commun ne mette fin au piment des débuts. Trêve d’hypocrisie, quand deux personnes s’engagent « pour le meilleur et pour le pire », elles espèrent secrètement que ce dernier n’arrivera jamais. Sinon pourquoi chercheraient-elles à « raviver la flamme » quelques années plus tard, avec cette même verve que préconisent les colonnes de la presse féminine ? Glamour à mort. En même temps qu’il a multiplié le choix des rencontres, le supermarché amoureux a revu notre seuil de tolérance à la baisse et rendu la concession difficile. Ce n’est peut-être pas plus mal. Car à y regarder de plus près, combien de cœurs ont fini brisés pour avoir brûlé les étapes trop vite, déchantant plus rapidement qu’ils ne s’étaient enflammés? Nul besoin de se hâter pour admirer la trivialité de l’autre. Surtout quand on sait que l’absence attise le désir, le manque se voulant le meilleur des aphrodisiaques.