Sur les réseaux sociaux, dans la presse écrite, dans les moments relâchés des réunions stratégiques, pour égayer les fins de repas, remarques et allusions ont tourné ces jours-ci en boucles acharnées. Parmi les secrétaires d’Etat nommés, un seul a généré autant de commentaires que tous les autres réunis. Une forme de gloire sans panache, un constat désolé de la récompense au démérite. La « prime au mauvais », a-t-il été ajouté par un évaluateur expert. Harlem Désir a conquis sans quémander le moindre changement d’échelon le maillot jaune contrasté de la nomination surprise et de la promotion sanction. A la tête, du plus grand parti perdant, l’ex-premier secrétaire devient secrétaire d’Etat aux Affaires européennes. Ayant mis le parti dans les choux, le voilà installé parmi les têtes de choux de Bruxelles.
A quelques jours près, c’est la grande lessive de printemps qui est amorcée en grande pompe. Si l’opposition n’est pas en reste, les phrases les plus assassines viennent de l’environnement de l’intéressé. En plus d’être fautif d’avoir été un premier secrétaire inexistant, Harlem Désir est une merveilleuse et idéale cible expiatoire. Les potes et tout le melting-pot politico-médiatique lui tressent les couronnes les plus hérissées de piquants pour célébrer son mandat à la tête de feu le premier parti de France. Et ça a marché ! Rarement les médias furent aussi unanimes pour dégommer l’action d’un responsable, son bilan, ses résultats, ce qu’ils firent néanmoins avec joyeuseté, mais pour cogner et stigmatiser celui qui n’a pas su habiter la fonction. Les métaphores et les qualificatifs employés entre « l’exfiltration » et la nomination méritent plus qu’une mention mais relèvent d’une étude fouillée de la rhétorique des mœurs de la vie publique. Être à la fois façonné par le système et engagé dans sa continuation donne peu de chance de sortir en douce des turbulences nées des conditions renversantes de cette nomination.
Le cas Désir est une affaire révélatrice. Faire le bilan acharné de sa maigrelette gouvernance à la tête du PS, laisse dans l’ombre la coalition des intérêts hétéroclites qui ont pris part au naufrage. Quelques semaines avant les calamiteuses élections municipales de nombreuses « affaires » disqualifiaient certains ténors de l’opposition. Qu’arriva-t-il ? Comme du linge sale, les situations furent promptement retournées. Les sarcasmes générés par l’avancement du soldat Désir servent de paravent à toutes les pathologies de la vie publique qui sont identifiées, désormais, comme autant de souffrances citoyennes. Personnels politiques qui ne parlent qu’entre eux et pour eux, cumul des positions et des fonctions, conduites antisociales, ignorance des fragiles et des faibles, autosatisfaction arrogante et technocratique, insuffisance sociale, délaissement des valeurs phares en sont les marques les plus visibles. Pas étonnant qu’à force de se complaire dans le tintamarre de ces insolentes casseroles, nos aimables politiques aient ramassés une belle gamelle.