Une Promesse : Leconte est -toujours- bon!!

Par Filou49 @blog_bazart
17 avril 2014

Tout juste une semaine après mon article défendant becs et ongles Claude Lelouch, j'aimerais maintenant continuer à porter la robe de l'avocat de la défense pour chanter les louanges d' un autre cinéaste français avec qui je ferais un peu le même rapprochement, en tout cas dans le regard que je lui porte. En effet, comme pour Lelouch, j'avais eu tendance à considérer Patrice Leconte comme un cinéaste qui comptait énormément pendant une bonne décennie, celle des années 90, bref aux prémisses de ma cinéphilie grandissante.

Comme je le racontais dans un billet écrit il y a juste deux anslorsqu'on me demandait quel était mon réalisateur préféré, j'avais tendance à donner un seul nom, sans réflechir, celui de Patrice Leconte. Il faut dire que Patrice Leconte était le cinéaste de deux films que j'avais adoré plus que tout et que j'avais revu en boucle maintes et maintes fois entre 1988 et 1998 : Tandem, cette magnifique épopée tragicomique avec un Jean Rochefort et un Gérard Jugnot au sommet de leur art, et surtout Monsieur Hire, cette adaptation d'un roman de Simenon avec un Michel Blanc totalement à contre-emploi, livide et bouleversant.

Depuis, même si Leconte a réalisé quelques grands films (tels que "Ridicule", "Les grands ducs", "La fille sur le pont", "Confidences Très Intimes"),ces oeuvres ne m'ont pas fait le même effet que ces deux là. Et il a surtout accumulé  successivement les grosses fautes de gouts, avec notamment La  guerre des Miss, un des pires nanars avec Benoit Poelvorde ,les Bronzés 3, grosse machine à faire du fric, ou encore "Voir la mer", petite chose sans intérêt avec Pauline Lefevbre( vue dans le dernier Lelouch cqfd). Pire, son fait d'arme le plus marquant reste son ridicule combat contre la critique professionnelle au début des années 2000, qui a contribué à le plomber un peu aux yeux de l'opinion publique.

Du coup, je n'avais pas pris la peine d'aller voir son tout dernier film "Le magasin des suicides", une adaptation en dessin animé d'un roman de Teulé; un film de Leconte étant pour moi moins incontournable qu'il y a encore quelques années.

Mais, comme je l'ai dit hier dans ma sélection de la semaine ( sélection que j'avais faite alors même que j'avais déjà vu le film, honte à moi :o), je me voyais même faire de même pour son nouveau film, tant Une promesse, sa cuvée 2014, en contenait pas mal  - de promesses, vous suivez un peu, là? :o) alléchante. 

Librement inspiré d'une nouvelle  de Stefan Zweig, « Le Voyage dans le passé », que je n'ai pas lu mais dont j'ai entendu beaucoup de bien, cette romance en costumes et en langue anglaise me tentait d'autant plus que le metteur en scène était venu la présenter en personne sur Lyon il y a quelques semaines lors d'une rencontre avec le public, et je n'ai donc pas pu rater l'aubaine.

J'ai toujours aimé ce genre de romance impossible, et ici à travers cette passion amoureuse contrarié par les conventions,  la guerre, et le temps qui passe, le matériau de départ avait  déjà tout pour me plaire, mais il fallait pour cela que Patrice Leconte retrouve l'inspiration de ses meilleures années. 

Eh ben, autant le dire dès maintenant:  j'ai été ravi, pendant toute la durée de la projection, de retrouver le Patrice Leconte que j'aime, ce cinéaste sensible et élégant qui sait filmer et raconter une histoire- même si c'est Zweig qui est au départ de l'histoire, son très beau travail d'adaptation avec le scénariste Jérome Tonnerre, pour sa 3ème collaboration est à relever.

Patrice Leconte signe un drame romantique certes classique, puisque déclinant la figure du triangle amoureux souvent vu au cinéma, mais il le fait avec une vraie délicatesse et une vraie intelligence scénaristique et également cinématographique. En effet, la première partie du film, avec pas mal de flous et de tremblements dans la caméra montre le regard du jeune Friederich sur un monde et des élans amoureux dont il ignore tout, alors que la seconde partie, plus posée, mais non dépourvue d'une certaine fièvre, traduit la patience de cette femme fidèle mais folle amoureuse d'un homme parti à des kilomètres d'elle et dont elle n'a plus la moindre nouvelle.

On imagine que certains emploieront le terme d' académisme pour parler de ce film, mais pas besoin de travellings et de mouvements intempestifs de caméras, puisque ce calme apparent  rend d'autant plus fort le feu intérieur qui anime les personnages…

Des personnages superbement campés par un trio d'acteurs anglais absolument remarquables, que ce soit la ravissante et très talentueuse Rebecca Hall que j’avais déjà trouvé formidable dans The Town (Ben Affleck) ou avec Woody Allen (Vicky Christina Barcelona) Richard Madden ( que je ne connaissais pas mais qui joue visiblement Robb Stark dans  la série Games of thrones) et l'immense acteur britannique dans la plus grande tradition Alan Rickman dans un rôle de mari visiblement plus complexe  et détaillé que dans le roman original .

 Un dernier conseil : si vous pouvez éviter de voir la bande annonce- que je n'ai visionné qu'après avoir vu le film- car elle dévoile tous les climax du film, et vous n'en serez que plus ému encore par cette très belle promesse qui promet peut-être à ce réalisateur éclectique et inégal encore de bien belles oeuvres derrière lui. ( D'ailleurs, un petit scoop, il va prochainement tourner l’adaptation de la pièce de Florian Zeller, "Une heure de tranquillité", avec Christian Clavier dans le rôle de Fabrice Lucchini...à surveiller de près).